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Déclaration politique sur les femmes dans l'éducation et dans les organisations d'enseignants

Publié 22 juillet 1995 Mis à jour 31 mars 2017

Le premier congrès mondial de l'Internationale de l'Education réuni à Harare (Zimbabwe) du 19 au 23 juillet 1995:

Principe fondamental

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits et devraient jouir de chances égales en théorie et en pratique. L'éducation est un des principaux moyens d'atteindre cet objectif.

1. L'Internationale de l'Education, organisation internationale d'enseignant(e)s et d'employé(e)s de l'éducation vise à la promotion des droits de la personne humaine, de la paix, de la démocratie, de la justice sociale et de l'égalité, pour tous les peuples et pour toutes les nations;

2. En ce qui concerne l'égalité des chances pour les femmes et les hommes il ne fait aucun doute qu'elle dépend pour une grande part de l'éducation et des mesures prises, notamment en termes d'orientation et de programmes, pour corriger les déséquilibres existant aujourd'hui. Aussi l'IE affirme qu'elle va soutenir les mesures prises et les actions entreprises à la fois en théorie et en pratique;

3. L'Ecole, l'IE et les organisations d'enseignant(e)s et d'employé(e)s de l'éducation doivent s'inspirer des principes d'égalité contenus dans la politique de l'IE sur les femmes, en termes de structures, d'emploi et de formation du personnel;

4. Afin de promouvoir le bien-être et l'éducation des femmes, et afin de les mettre à parité avec les hommes, l'IE demande instamment aux gouvernements de tous les pays d'offrir aux femmes davantage de possibilités leur permettant de progresser dans leur carrière;

5. Considérant que l'éducation, quelle que soit sa forme, contribue encore trop souvent aujourd'hui à reproduire les stéréotypes culturels et des formes de comportements sexistes, aggravant ainsi l'inégalité qui existe encore entre hommes et femmes, l'IE affirme l'urgence d'une action par les organisations d'enseignant(e)s et d'employé(e)s de l'éducation, dans les trois secteurs suivants:

a. A l'intérieur du système éducatif,

b. Au sein des organisations d'enseignants et de travailleurs de l'éducation,

c. Dans la société.

A l'intérieur du système éducatif

Il est essentiel:

6. d'encourager les enfants et les élèves à se considérer entre eux comme des êtres égaux en luttant contre les préjugés et l'idée que l'un des sexes est intrinsèquement supérieur à l'autre; 7. de favoriser la mixité dans les écoles, les classes et les programmes tout en autorisant des classes et des programmes séparés chaque fois que l'on considère que cela est plus efficace en terme d'éducation;

8. de garantir un égal accès des filles et des garçons à l'éducation à tous les niveaux, de l'enseignement primaire à l'enseignement supérieur;

9. d'éliminer toutes les causes d'absentéisme élevé et d'abandon scolaire des filles et de prévoir des programmes d'assistance pour les adolescentes enceintes afin qu'elles poursuivent leurs études;

10. de développer et renforcer les programmes d'alphabétisation à l'intention des filles et des femmes;

11. d'assurer à tous les enfants, dans le cadre des programmes scolaires, la préparation à la vie de famille quel que soit son cadre, aux responsabilités parentales, à la vie professionnelle et à l'exercice de la citoyenneté;

12. d'éliminer des manuels scolaires et des matériels et pratiques pédagogiques tous les stéréotypes sexistes et concepts périmés présentant une division du travail et des rôles respectifs des hommes et des femmes;

13. de s'attaquer vigoureusement à la question des stéréotypes sexistes dans les médias;

14. de préparer tous les enfants/élèves à devenir des êtres libres, responsables, solidaires et autonomes;

15. que les enseignant(e)s et les futur(e)s enseignant(e)s, soient sensibilisé(e)s dans leur formation initiale et continue, aux problèmes posés par la persistance des inégalités entre hommes et femmes, et à engager avec les élèves une analyse critique des racines culturelles et religieuses du sexisme et de la discrimination sexiste, et de son impact sur les hommes et les femmes;

16. que les organisations membres mettent tout en oeuvre pour: a. que les programmes de formation des enseignant(e)s encouragent les femmes à s'investir davantage dans les domaines traditionnellement réservés aux hommes, les hommes à travailler dans les secteurs dits réservés aux femmes, et que les matières scolaires ne soient plus considérées comme "masculines" ou "féminines";

b. que l'orientation professionnelle encourage tous les élèves à poursuivre des études et rechercher des perspectives de carrière en fonction de leurs intérêts et aptitudes plutôt que de leur sexe;

c. que les adultes des deux sexes poursuivant des carrières non-traditionnelles soient encouragés à servir de tuteur à des jeunes et à participer à des activités informant les jeunes sur les possibilités de carrière;

17. de favoriser l'accès des femmes travaillant dans le secteur de l'éducation à la formation continue afin de leur permettre d'améliorer leurs compétences et leurs qualifications et d'avoir ainsi de meilleures chances d'obtenir une promotion;

18. que les organisations membres oeuvrent pour l'établissement d'organismes mixtes paritaires femmes/ hommes chargés du recrutement et de l'emploi à tous les niveaux; 19. que les organisations membres incluent des femmes dans leurs équipes de négociation;

20. que les organisations membres négocient l'amélioration des modalités de recrutement et d'évolution de carrière des enseignantes, encourageant l'accès d'un plus grand nombre de femmes à des postes de responsabilité;

21. que les organisations membres négocient pour les femmes, de meilleurs conditions d'accès à l'orientation professionnelle, un salaire égal pour un travail égal, l'octroi de congés maternité et paternité, le développement des structures d'accueil pour les enfants et la possibilité d'un travail à temps partiel n'entraînant aucune discrimination, directe ou indirecte, dans le déroulement de carrière des femmes;

22. que les organisations membres aident les femmes à être candidates à des postes de responsabilité dans l'ensemble du système éducatif, se dotent des structures et des moyens adéquats, notamment des conseiller(e)s, pour veiller au respect de l'égalité des droits entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, dans les établissements scolaires et universitaires.

Au sein des organisations d'enseignant(e)s et d'employé(e)s de l'éducation

23. L'IE devrait encourager les organisations membres à agir en tant qu'acteurs du changement et à s'employer pour que soit corrigé le déséquilibre reconnu dans l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en favorisant l'épanouissement de la femme et l'égalité entre les sexes, en entreprenant les actions suivantes:

a. encourager les organisations membres à promouvoir, dans leurs communautés, le concept de l'égalité des droits dans toutes les professions du secteur de l'éducation;

b. prendre l'initiative d'une législation destinée à assurer ces droits; c. s'employer à faire disparaître les stéréotypes qui empêchent la femme et l'homme de se réaliser pleinement et soutenir les enseignants qui s'emploient à éliminer les stéréotypes;

d. mettre en oeuvre des actions concrètes pour le progrès de la condition de la femme dans l'éducation, notamment: i. des programmes de formation à la direction et à la gestion ii. des programmes pour les femmes en zones rurales iii. la promotion de l'accès des femmes à des postes de responsabilité à tous les échelons des organisations et de l'IE iv. l'examen et l'évaluation régulière de tous les programmes afin de déterminer s'ils répondent aux besoins et aux objectifs fixés;

e. identifier les obstacles qui entravent l'égalité des chances, en particulier ceux qui concernent: i. les structures et les règles de l'organisation ii. les structures traditionnelles et culturelles iii. l'épanouissement personnel iv. les conditions d'emploi

f. développer des stratégies d'action positive, afin de: i. nommer davantage de femmes à des postes de responsabilité et pas seulement sur les questions touchant les femmes; ii. constituer des groupes de femmes et des réseaux de communication en vue d'encourager leur participation à tous les niveaux de l'organisation; iii. concevoir et diffuser des documents d'information sur l'évolution du rôle de la femme; iv. organiser à intervalles réguliers des conférences et ateliers sur les activités des organisations syndicales et les compétences nécessaires pour accéder aux postes de responsabilités; v. mettre au point des modalités de réunion qui favorisent la participation des membres; vi. créer des systèmes de garde d'enfants qui permettent aux femmes de participer pleinement à l'activité professionnelle et syndicale;

24. L'IE devrait:

a. encourager vivement ses organisations membres à mettre totalement en oeuvre les dispositions arrêtées dans cette résolution;

b. encourager toutes les organisations d'enseignant(e)s et d'employé(e)s de l'éducation à s'assurer que dans leurs statuts figurent des dispositions précises concernant l'élimination de tous les obstacles à l'égalité de traitement et établissant la pleine participation des femmes à tous les échelons et à toutes les décisions de l'organisation;

c. reconnaître le statut et les droits des femmes indigènes;

d. encourager ses organisations membres à augmenter les possibilités pour les membres féminins de solliciter une promotion à l'intérieur des organisations et à insister sur le fait que, lorsque les postulants ont des qualifications égales, il importe de veiller à ce que le nombre de femmes dans la profession soit reflété dans les promotions; et à exiger que, lorsque les femmes sont sous-représentées, on leur donne la priorité, dans la mesure où elles répondent aux exigences de l'emploi; e. encourager ses organisations membres à promouvoir des dispositions en matière de formation qui faciliteraient la participation des femmes dans les élections au niveau de l'organisation.

Dans la société

Les organisations d'enseignant(e)s et d'employé(e)s de l'éducation devraient:

25. Revendiquer pour tous les êtres humains des droits et des conditions d'exercice identiques pour la participation à la vie sociale, politique et professionnelle;

26. Oeuvrer pour garantir l'égalité des droits et des chances pour toutes les filles et les femmes dans tous les secteurs de la société;

27. Reconnaître la condition et les droits des femmes indigènes, des femmes vivant dans les zones rurales et les zones urbaines défavorisées, des femmes handicapées, des femmes immigrées, des "femmes de couleur" et des femmes appartenant à des groupes ethniques défavorisés;

28. Agir pour éliminer les pratiques sociales et les facteurs économiques qui introduisent ou renforcent les discriminations fondées sur le sexe;

29. Réclamer que des actions d'éducation sexuelle et d'éducation à la santé soient organisées pour les élèves, à tous les niveaux appropriés du système éducatif;

30. Demander que les femmes aient le droit et la possibilité de planifier leur famille et que soient assurés le droit à la contraception ainsi que la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse;

31. Réclamer que les femmes soient protégées lors de leur maternité, en particulier pour l'accès et le maintien dans l'emploi, que leur salaire soit maintenu ou qu'elles bénéficient d'une indemnisation suffisante pour la perte de salaire pendant la période des congés pré et post-natal;

32. Promouvoir des programmes et des campagnes visant à favoriser dans les familles les comportements visant au partage des responsabilités familiales;

33. Contribuer à faire disparaître l'image souvent dégradante des femmes et des filles donnée par les médias notamment dans la publicité;

34. Combattre la violence et la harcèlement sexuel dont sont victimes les jeunes filles et les femmes notamment par l'éducation et les campagnes d'information;

35. Demander que les hommes et les garçons reconnaissent leurs responsabilités et considèrent les femmes et les filles comme leurs égales;

36. Revendiquer l'adoption de toutes les mesures, y compris l'allocation de ressources adéquates, permettant aux femmes de participer sur un pied d'égalité avec les hommes, à toutes les activités de la société.

Le rôle de l'Internationale de l'Education

37. L'IE devrait:

a. Informer régulièrement ses organisations affiliées sur les dispositions prises au niveau international pour améliorer la situation des femmes et des filles;

b. Assurer l'échange d'information entre les organisations membres;

c. Etablir pour chaque congrès ordinaire un rapport sur les progrès réalisés dans chaque pays et chaque organisation membre, particulièrement en ce qui concerne la participation des femmes aux responsabilités et prises de décision;

d. Organiser des stages de formation de cadres féminins notamment afin d'encourager la participation des femmes aux activités des organisations membres;

e. Se donner comme objectif de parvenir à une représentation équitable des femmes et des hommes dans tous ses comités et instances ainsi que dans toutes les délégations représentant l'IE;

f. Encourager les organisations membres à utiliser un langage non sexiste;

g. Intervenir auprès des gouvernements afin qu'ils ratifient et appliquent les conventions, recommandations et résolutions internationales, adoptées par l'ONU et l'OIT (tout particulièrement la Convention des Nations Unies sur l'Elimination de Toutes les Formes de Discrimination envers les Femmes);

h. Oeuvrer pour diffuser les idées d'égalité entre la femme et l'homme dans l'éducation;

i. Collaborer avec l'UNESCO, l'OIT et l'OMS dans le cadre des programmes d'éducation et de prévention;

j. Stimuler, promouvoir et appuyer les efforts entrepris par les gouvernements et les institutions internationales concernant l'égalité des chances entre la femme et l'homme, entre la fille et le garçon.