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Résolution sur la privatisation et la commercialisation de l'éducation

Publié 25 juillet 2015 Mis à jour 31 mars 2017

Le 7e Congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation (IE), réuni à Ottawa, au Canada, du 21 au 26 juillet 2015:

1. Réaffirmant que l’éducation depuis l’éducation de la petite enfance jusqu’à l’enseignement supérieur est un droit fondamental de la personne et un bien public, que sa fourniture est la responsabilité première des gouvernements, et à cet égard, que l’État a l’obligation de définir les objectifs des systèmes éducatifs de qualité et de les financer de manière adéquate, et de le faire au travers de la consultation et de la négociation avec les représentant(e)s des syndicats d’enseignants;

2. Notant que la privatisation de l’éducation, sous ses nombreuses formes et modalités, constitue une tendance qui se développe rapidement et a des effets souvent négatifs sur les enseignant(e)s, le personnel de soutien, les étudiant(e)s et la société dans son ensemble;

3. Notant avec préoccupation l’intervention accrue et la promotion des acteurs privés dans la gouvernance de l’éducation (fourniture, financement, gestion et élaboration des politiques), associées aux défis majeurs à relever en termes d’accès à l’éducation, d’équité et de qualité, et l’absence de volonté politique de fournir et de financer des systèmes d’éducation publique dans de nombreux pays à bas et moyen revenu;

4. Déplorant le fait que, dans de nombreux pays, les gouvernements aient abandonné leur responsabilité fondamentale de garantir le droit à l’éducation pour tou(te)s par le biais d’une éducation publique gratuite et de qualité, qui doit rendre des comptes, et de plus en plus se tournent vers les acteurs privés, s’y associent ou les subventionnent pour la fourniture de services éducatifs;

5. Regrettant que des organisations internationales et nationales, des entreprises, des groupes de réflexion, des ONG, d’autres acteurs privés et des gouvernements promeuvent, fassent du prosélytisme et introduisent différentes formes de privatisation et de commercialisation des services éducatifs;

6. Observant que la privatisation et la commercialisation de l’éducation ont créé et exacerbé les inégalités en matière d’accès et de qualité de l’éducation, en particulier pour les personnes défavorisées sur le plan socio-économique et que les inégalités liées à la fortune, au genre, à l’origine ethnique et géographique se sont creusées sous l’effet de la privatisation de l’éducation, en marginalisant et en excluant davantage des groupes de l’accès et de la participation à l’éducation;

7. Constatant que les réformes fondées sur les mécanismes du marché peuvent contraindre les établissements scolaires à se livrer concurrence au lieu de collaborer et conduire à une stratification, une ségrégation et au creusement des inégalités au sein des systèmes éducatifs;

8. Considérant que les écoles privées et des formes de partenariats public-privé peuvent détourner des fonds et des aides destinées aux écoles publiques, affaiblissant ainsi les établissements publics, en particulier lorsque les dépenses que les gouvernements consacrent à l’éducation sont déjà faibles;

9. Reconnaissant que les « mesures rentables » dans l’éducation peuvent entraîner une augmentation du nombre d’élèves par classe, une réduction des services fournis aux enfants; un recours à des enseignant(e)s non qualifié(e)s; la précarisation des conditions de travail et d’emploi des personnels de l’éducation au détriment de la qualité des services éducatifs;

10. Notant que les écoles privées bon marché et d’autres prestataires privés, ainsi que certaines formes de partenariats public-privé emploient fréquemment du personnel manquant de formation et/ou de qualifications, ou les rétribuent beaucoup moins bien que celui des écoles publiques ou les privent du droit à la liberté syndicale et de négociation collective;

11. Observant que de nouvelles méthodes de gestion publique, comme les systèmes de rémunération basés sur les performances, qui font souvent partie des politiques de privatisation, affectent les conditions de travail des personnels de l’éducation et portent atteinte à leur statut professionnel et à leurs droits;

12. Affirmant que les droits des enseignant(e)s, des employé(e)s de l’enseignement supérieur et du personnel de soutien à des conditions de travail décentes, une formation de qualité, un recrutement et un emploi équitables et à un développement professionnel de qualité doivent être garantis;

13. Notant que les pratiques en matière de gestion publique, de commercialisation et de privatisation sont déjà fortement ancrées au niveau international et national dans la plupart des secteurs de l’enseignement supérieur et de la formation continue, notamment la généralisation du commerce international, l’octroi de subventions aux acteurs privés et la concurrence effrénée dans le domaine des frais de d’inscription. Ces facteurs ont des conséquences négatives avérées sur l’accès à l’éducation, la justice sociale, les conditions d’emploi du personnel, les libertés académiques et la prise de décision collégiale.

14. Affirmant que les syndicats de l’éducation, en tant que représentants des travailleurs/euses de l’éducation, jouent un rôle important en vue de faire en sorte que les effets potentiellement négatifs de la privatisation et de la commercialisation de l’éducation soient dénoncés et pris en compte; et

15. Se référant au Document politique de l’IE sur l’éducation adopté par le 6e Congrès mondial en 2011 et au Protocole sur les partenariats multi-acteurs dans l’éducation, basé sur les recommandations de la taskforce de l’IE sur les partenariats public-privé dans l’éducation, adopté par la 34e réunion du Bureau exécutif en 2009.

16. Le 7e Congrès mondial:

a. Invite instamment les gouvernements à reconnaître l’éducation comme un pilier fondamental du développement social et de la justice et, partant, à protéger l’éducation publique contre la privatisation et la commercialisation;

b. Appelle à un effort concerté de l’IE et de ses organisations membres à défendre le plein exercice du droit à un enseignement public gratuit de qualité et des conditions d’emploi équitables pour les personnels de l’éducation des secteurs privé et public;

c. Demande aux organisations membres de l’IE de suivre de près les nouvelles politiques de privatisation de l’éducation et les effets de la privatisation et de la commercialisation de l’éducation sur les systèmes éducatifs ainsi que leurs répercussions sur les élèves, les enseignant(e)s, les éducateurs/trices et les personnels de soutien à l’éducation et à plaider et mobiliser contre les tentatives de privatisation et de commercialisation de l’enseignement éducation public; et

d. Prie instamment les organisations membres de l’IE, conformément à leurs statuts et règles de procédures, de s’organiser et de défendre les droits des enseignant(e)s et des personnels de soutien à l’éducation des secteurs public et privé.

17. Mandate le Bureau exécutif de l’IE afin qu’il:

a. Collecte, publie et diffuse, avec l’appui des organisations membres, des données factuelles sur les activités des acteurs privés en matière de promotion et de mise en œuvre des politiques et des pratiques liées à la privatisation et la commercialisation et sur les résultats de leurs activités;

b. Élabore une stratégie de réponse globale pour veiller à ce que les gouvernements s’acquittent de leur obligation de garantir un enseignement public gratuit et de qualité et pour contrer l’influence des acteurs privés dans l’éducation, en particulier lorsque leurs activités dans le secteur de l’éducation ont un effet négatif sur l’accès et creusent les inégalités dans les systèmes éducatifs;

c. Lance une campagne mondiale mobilisant les affiliés et alliés de l’IE afin de faire face au recours croissant à la sous-traitance au profit des acteurs privés et à leur implication grandissante dans les activités et services en rapport avec l’éducation qui ont un impact néfaste sur l’enseignement et l’apprentissage;

d. Fournit des outils et ressources permettant de renforcer la capacité des affiliés à mener des campagnes efficaces visant à faire prendre pleinement conscience à l’ensemble des décideurs, organisations internationales et autres acteurs des conséquences néfastes des différentes formes de privatisation de l’éducation et à plaider en faveur de la protection de l’éducation publique contre la marchéisation et la marchandisation;

e. Mette en place une taskforce de l’IE sur la privatisation et la commercialisation de l’éducation (y compris un(e) représentant(e) de la formation continue et de l’enseignement supérieur) afin d’orienter, d’appuyer et de surveiller ce travail et de continuer à développer la politique de l’IE sur la privatisation et la commercialisation de l’éducation; et

f. Encourage toutes les organisations membres de l’IE à impliquer et mobiliser leurs membres et affiliés au sein des communautés et de la société civile dans une campagne dynamique de défense de l’éducation publique et de lutte contre les tentatives de privatisation et de commercialisation de l’éducation.