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Royaume-Uni: un rapport qui ne tient pas compte des conditions des enseignant(e)s remplaçant(e)s

Publié 14 juillet 2017 Mis à jour 19 juillet 2017

Les syndicats de l'éducation du Royaume-Uni ont exprimé leur grande déception à propos de la publication du rapport Taylor Review into Modern Working Practices, qui n’aborde pas l'exploitation permanente des enseignant(e)s remplaçant(e)s par de nombreuses agences de placement.

NASUWT : une exploitation qui n’en finit pas

Selon la National Association of Schoolmasters Union of Women Teachers(NASUWT), le rapport Taylor publié le 11 juillet ne formule aucune recommandation clé. Même s’il reconnaît que l'absence de pouvoir d’exécution de la loi permet aux employeurs peu scrupuleux de s’en tirer malgré des cas de violence, de discrimination et de pratiques professionnelles injustes, le rapport ne recommande pas l'intervention du gouvernement à l’encontre de nombreuses agences de placement dont les pratiques continuent de priver les enseignant(e)s remplaçant(e)s d’un accès aux droits à l’emploi et aux niveaux de rémunération équitables qu’ils/elles méritent.

« Ce rapport fait fi de la misère, de l'exploitation et du traitement affligeant que subissent des milliers d'enseignants remplaçants qui travaillent pour des agences de placement », a déclaré la Secrétaire générale de la NASUWT Chris Keates. « C'est une énorme occasion manquée, encore aggravée par la suggestion qu'aucune action gouvernementale n’est nécessaire. »

Bien que de nouvelles méthodes de travail et d’emploi soient constamment créées, l'exploitation est « vieille comme le monde », explique-t-elle, ajoutant que la question à se poser pour tester toutes ces recommandations doit être: « S'attaquent-elles efficacement à l'exploitation et permettent-elles d’arrêter celles et ceux qui voudraient en prendre la voie? »

Quitter la profession

Elle a ensuite expliqué que le fait de ne pas chercher de solution à ce problème, en particulier dans les milieux scolaires, pousse non seulement de nombreux enseignant(e)s de qualité à quitter la profession, mais est aussi « d'autant plus choquant » compte tenu de la suggestion du rapport mentionnant que les enseignant(e)s doivent s’investir davantage pour l'éducation des jeunes pour l'avenir du monde du travail.

Dans un sondage réalisé par la NASUWT auprès des enseignant(e)s, plus de 40 % ont déclaré que, même s'ils/si elles sont employé(e)s à des tâches d’enseignant(e)s qualifié(e)s, leur rémunération reste celle d’un(e) remplaçant(e). Cela s’ajoute au fait de se voir refuser l'accès à des droits tels que les congés annuels, de maladie ou de formation et, dans de nombreux cas, être contraint de payer une taxe salariale et de cotiser à l'Assurance-emploi nationale en plus de leur propre assurance.

Le gouvernement doit agir immédiatement et prendre des mesures directes pour renforcer l'application de la Réglementation concernant les travailleurs/euses intérimaires si le but est qu’elle assure véritablement l'équité au travail pour les travailleurs/euses des agences de placement, a insisté Keates, ajoutant qu'elle doit également définir une stratégie cohérente qui garantit les droits de tou(te)s les travailleurs/euses.

NUT: les pratiques « modernes » sont plus coûteuses

Le National Union of Teachers(NUT) a également formulé plusieurs inquiétudes au sujet des résultats du rapport. « Les pratiques modernes d'emploi exposent les travailleuses et travailleurs précaires à la dépendance et à l’exploitation », a déclaré la Secrétaire générale adjointe du NUT, Amanda Brown.

L'objectif poursuivi par le rapport de voir « la législation effectuer une plus grande part du travail » s'appuie sur des pratiques d'emploi transparentes, qui ne sont pas reconnues par les enseignant(e)s avec des contrats sans horaire ou travaillant comme remplaçant(e)s, a-t-elle ajouté.

« Compléter les définitions d'employé précaire ne protègera pas les personnes qui ne bénéficient pas de la sécurité d’emploi », a ajouté Brown. « Nous ne voyons ni droit ni garantie dans un 'droit à demander des heures garanties' ».

La seule garantie anticipée est que l'employé(e) ne travaillera plus, a-t-elle déclaré, reconnaissant que « les enseignantes et enseignants travaillant dans la précarité ont besoin de transparence, d’une base en termes de droits et d’un accès à l'application de ces droits ».

Pénalités pour exploitation

Les enseignant(e)s sont exploité(e)s par des agences de placement d’enseignant(e)s et agences faîtières, dont le travail prend fin dès le moment où les enseignant(e)s posent une question concernant leurs droits, a-t-elle souligné. Les principes sont bénéfiques mais il n'y aura pas de « bon travail » à moins de garantir les droits exécutoires et les sanctions à l’encontre de ceux qui exploitent les travailleurs/euses vulnérables, elle a réaffirmé.

Brown a par ailleurs déclaré que le rapport ne mentionne pas le fait que certaines de ces « pratiques modernes » coûtent en réalité beaucoup plus que les alternatives dans des domaines tels que l'enseignement intérimaire où les agences engrangent des millions de livres au détriment de l’éducation. Dans ce cas, dit-elle, de nouveaux systèmes offrant un emploi direct seraient bénéfiques pour tou(te)s, ils permettraient aux écoles d'économiser des montants importants tout en offrant aux enseignant(e)s un salaire approprié et à la mesure de leurs qualifications et de leur expérience.

Contexte

La Première ministre britannique, Theresa May a demandé en octobre dernier un examen des pratiques en matière d'emploi dans l'économie moderne, un examen mené par Matthew Taylor, Directeur général de la Royal Society of the Arts et auparavant Conseiller politique de l'ancien Premier Ministre Tony Blair. Taylor a travaillé en étroite collaboration avec des membres de la Recruitment and Employment Confederation et avec des représentant(e)s du gouvernement pour documenter cet examen, qui détaille plusieurs questions relatives au marché du travail au sens plus large, notamment les compétences, l'évolution et la voix des travailleurs/euses, et souligne le rôle clé que peuvent jouer les agences qui respectent la vision du bon travail selon Taylor.