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En Amérique du Nord et dans les Caraïbes, les dirigeant(e)s du monde de l’éducation œuvrent en faveur d’un leadership fort en temps de crise

Publié 26 février 2018 Mis à jour 1 mars 2018

Au moment où l’Internationale de l’Education convie ses affiliés régionaux à Trinité-et-Tobago, les défis auxquels ceux-ci se heurtent sont à la fois variés et communs, allant du renforcement de la démocratie à la garantie d’une éducation de qualité, en passant par l’avenir du syndicalisme.

Dans son discours tenu lors de l’ouverture de la conférence, le Président de la République de Trinité-et-Tobago, Anthony Carmona, a fait observer qu’il « est plus simple de faire de nos enfants des enfants forts, plutôt que de les 'réparer' ». Il a déclaré en conséquence: « Nous devons assurer une éducation de qualité, ces années sont les plus importantes pour les enfants ».

Précisant que les enseignant(e)s forment chaque jour les futurs dirigeant(e)s qui transformeront le monde de demain, il a insisté sur la nécessité de reconnaître leur rôle.

A travers ses mots, le ton était donné aux plus de 100 haut(e)s représentant(e)s syndicaux/ales de l’éducation issu(e)s de la région Amérique du Nord/Caraïbes de l’Internationale de l’Education (IE), réunis à Trinité-et-Tobago du 24 au 26 février à l’occasion de leur conférence régionale. Organisée par la Trinidad and Tobago Unified Teachers’ Association(TTUTA), en collaboration avec le Caribbean Union of Teachers(CUT), la conférence avait pour thème central « Le leadership en temps de crise ».

Des écoles prises d’assaut

S’exprimant à propos du massacre survenu dans une école de Parkland, en Floride, Etats-Unis, le Secrétaire général de l’IE Fred van Leeuwen a déclaré: « La réaction suite aux massacres perpétrés dans des écoles et l’incapacité à parvenir à un consensus sur une question aussi fondamentale que de tels actes de carnage prenant pour cible nos enfants reflètent tout bonnement l’échec de la classe politique mais aussi, à plus grande échelle, l’échec de la démocratie ».

En outre, de nombreux étudiant(e)s et enseignant(e)s ont été assassiné(e)s au Nigeria, au Pakistan et ailleurs dans le cadre d’attaques liées à l’intégrisme islamique et sous couvert de motivations politiques. « Le point commun de ces attaques avec les fusillades commises aux Etats-Unis? Elles ont pris pour cible des écoles, de nombreux enseignants ont perdu la vie en tentant de protéger leurs étudiants et des communautés entières sont touchées. »

La Résolution de l’IE

Ces événements récents, et d’autres encore, sont une menace pour la démocratie et remettent en question ses fondements mêmes, a-t-il déclaré. Il convient de se remémorer la « Résolution sur la promotion et la protection de normes et de valeurs dans le monde», adoptée par le Congrès de l’IE au Canada en 2015, décrivant « un problème aux facettes multiples, lié à l’influence du marché et à l’aliénation, à la mauvaise gouvernance et à une anarchie des Etats à l’échelon international », a déclaré van Leeuwen.

Selon lui, la résolution souligne à juste titre le rôle essentiel des syndicats, en particulier des syndicats de l’éducation, afin de restaurer la confiance dans les valeurs démocratiques et renforcer le fonctionnement de la démocratie. Elle identifie en outre ces défis comme étant d’envergure mondiale, même si peu de gens auraient alors imaginé que les dimensions internationales puissent inclure l’ingérence de puissances étrangères dans la pratique de la démocratie au sein d’autres pays.

Et d’ajouter: l’arsenal dont disposent les syndicalistes de l’éducation comprend les droits syndicaux, le droit à l’éducation et la liberté d’expression, des droits qui permettent de protéger d’autres droits et peuvent être vecteurs de changement, s’ils sont exercés de manière effective et stratégique.

Davanand Sinanan, Président de la TTUTA et membre du Bureau exécutif de l’IE, a souligné que « dans les Caraïbes, les enseignants jouent un rôle fondamental dans la consolidation de la démocratie à l’ère post-coloniale ».

« Nous sommes unis dans la conviction que nous accomplissons un travail fondamental pour nos différents pays », a également souligné la Présidente de la National Education Association(NEA) et Vice-présidente de l’IE, Lily Eskelsen García. « L’éducation nous humanise, elle nous protège face aux démagogues. Les personnes instruites représentent un danger pour les démagogues. Nos syndicats sont un danger pour la démagogie. »

La privatisation de l’éducation

Dans bien des pays, la commercialisation et la privatisation de l’éducation empêchent les syndicats de l’enseignement de pleinement contribuer à la démocratie et restreignent la démocratie elle-même, a souligné van Leeuwen.

Soulignant que certaines des pires « réformes » dans le secteur éducatif s’appuient sur des techniques de mesure et d’évaluation élaborées par le secteur privé et destinées à des widgets, et non des individus, il a ajouté que certaines « innovations » de type libéral, telles que les « chèques-éducation » et le concept de « libre choix de l’école », s’avèrent intrinsèquement et directement anti-démocratiques.

Une mauvaise éducation est mauvaise pour la démocratie, a-t-il souligné, mais une mauvaise démocratie est elle aussi mauvaise pour l’éducation dès lors que « l’une des missions historiques de l’enseignement public gratuit est d’être un vecteur d’égalité ». Depuis toujours, ce principe est essentiel mais « il est particulièrement important à une époque où la diversité ne cesse de croître, notamment avec les nombreux ménages de migrants et de réfugiés, et où règne un besoin à la fois de tolérance et d’intégration ainsi que d’autres valeurs 'immatérielles' ».

Van Leeuwen a également mis en lumière l’importante contribution apportée par l’éducation à la démocratie, à travers la liberté académique. Mais les relations avec les entreprises privées peuvent mettre en danger cette relation: sous l’effet de la baisse des fonds publics, nombre d’universités commencent effectivement à dépendre de ressources privées.

Les priorités régionales

Suite à l’approbation du Bureau exécutif de l’IE en janvier dernier, le Mexique et l’affilié national de l’IE, le Sindicato Nacional de Trabajadores de la Educación(SNTE), ont officiellement été intégrés à la région Amérique du Nord/Caraïbes lors de cette conférence.

Pour contribuer à la définition des priorités régionales, les organisations membres de l’IE ont également pris connaissance des priorités dans l’ensemble des syndicats. Parmi les thèmes de discussion abordés lors de la conférence régionale figuraient: les conditions de travail précaires, la préparation et les interventions en cas de catastrophe, la lutte contre la privatisation, la santé mentale et le bien-être, l’équité et la diversité, l’implication des jeunes membres, le renforcement de la profession, le harcèlement sexuel et la protection des étudiant(e)s migrant(e)s.

Ont également été présentées les diverses initiatives en matière de coopération au développement, qui ont pu voir le jour grâce à des partenariats entre les affiliés de l’IE au sein de la région (et au-delà), en portant une attention particulière à la question de la solidarité dans le contexte de la série d’ouragans survenus en 2017. « Nous saluons le courage et l’engagement des enseignants qui ont fait face à ces catastrophes l’an passé », a déclaré le Président du CUT Julian Monrose.

Enfin, l’occasion était donnée aux participant(e)s de passer en revue les priorités régionales par secteur, à l’instar de l’enseignement supérieur, du personnel de soutien à l’éducation et de l’éducation de la petite enfance, et d’exprimer d’éventuelles remarques quant aux résolutions qui seront soumises au Congrès mondial de l’IE en 2019.