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L’avenir du travail: dépasser la notion de capital humain pour centrer l’action sur l’humain

Publié 22 janvier 2019 Mis à jour 29 janvier 2019

La Commission mondiale de l’Organisation internationale du Travail sur l’avenir du travail a publié son rapport enthousiasmant, qui s’efforce d’humaniser l’économie, d’instaurer la justice sociale et la paix, de renforcer la démocratie et de mettre en sourdine les appels des sirènes de l’autoritarisme.

Au sujet de son rapport, la Commission sur l’avenir du travail déclare qu’il « ne fait qu’ouvrir la voie ». La première question à se poser avant d’entamer un voyage, quel qu’il soit, c’est la destination: « où veut-on aller? » Et bien que le rapport n’entre pas dans les détails, la destination est évidente.

La Commission aborde les questions complexes de l’avenir du travail selon une approche qui aurait sans nul doute fait consensus un siècle plus tôt, lorsque l’OIT a été fondée, mais qui semble aujourd’hui radicale, sinon révolutionnaire. Il s’agit de centrer les efforts sur les êtres humains, et non sur le « capital humain ». L’avenir du travail devrait être déterminé en fonction de la volonté et des intérêts de l’Homme.

Trop souvent, les discussions sur l’avenir du travail, y compris, par exemple, le débat engagé par la Banque mondiale dans son Rapport 2019 sur le développement dans le monde, laissent transparaître un sentiment de fatalité. Pour les travailleur•euse•s, dans le meilleur des cas, les mécanismes de protection proposés dans le cadre de ces discussions demeurent limités et marginaux; une sorte d’« assurance obsèques » pour celles et ceux qui seront tombé•e•s sur le champ de bataille de la mondialisation.

Depuis 40 ans, l’économie mondiale opère en mode « pilote automatique », entraînant l’aliénation des citoyens, l’indifférence et l’impuissance. Le philosophe américain Henry David Thoreau a déclaré: « La plupart des hommes mènent des vies de tranquille désespoir. » Les personnes désespérées, souvent paralysées par la peur et l’absence de toute perspective d’espoir, ne peuvent être des acteur•rice•s ou des agents du changement.

Or, selon la Commission, sans une action destinée à inverser la tendance du marché mondial, « nous errerons dans un monde qui creuse les inégalités, accroît l’incertitude et renforce l’exclusion, ce qui aura des répercussions politiques, sociales et économiques destructrices ».

Le rapport remet en question l’idée que l’avenir du travail doit être façonné par des forces et des acteurs du marché anonymes, dont l’action s’associe à une technologie non contrôlée qui ne fait que reproduire numériquement le passé. Il considère plutôt les changements en matière d’organisation du travail comme des possibilités nouvelles pour la justice sociale, pour une plus grande égalité et pour des emplois de qualité.

Dans son approche de l’éducation et de l’apprentissage tout au long de la vie, la Commission va bien plus loin que la seule formation professionnelle et évoque une éducation combinant « les compétences de base, les compétences sociales et cognitives (comme apprendre à apprendre) et les compétences requises pour des emplois, des professions ou des secteurs spécifiques ». Par ailleurs, l’apprentissage tout au long de la vie « ne se limite pas aux compétences nécessaires pour travailler : il vise aussi à développer les capacités nécessaires pour participer à la société démocratique ».

Réagissant au rapport, le Secrétaire général de l’Internationale de l’Education David Edwards a déclaré: « Les travaux de la Commission sur l’avenir du travail apportent une bouffée d’air frais. Ils abordent les nombreuses préoccupations des travailleurs et travailleuses du secteur éducatif, y compris l’emploi précaire et la nécessité des relations de travail, la protection sociale complète, le travail décent, le bien-être au travail et la persistance des inégalités entre hommes et femmes et de l’exclusion. Le rapport propose d’insuffler ces changements dans l’emploi de demain, plutôt que de rester figés dans les pratiques du passé. Il appelle également à un déploiement intelligent et délibéré de la technologie, y compris l’intelligence artificielle, à la protection des droits de tous les travailleurs de se syndiquer et de négocier, ainsi qu’à un dialogue social efficace pour améliorer la qualité et la dignité du travail. »

Et de poursuivre: « Nous soutenons avec enthousiasme l’appel de la Commission à utiliser le rapport comme base pour la coopération et la cohérence entre les institutions multilatérales, y compris les agences des Nations Unies, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du Commerce, le Fonds monétaire international et l’Organisation de coopération et de développement économiques. »

« Il peut également servir à apaiser l’indignation du public en rendant les choses plus justes, à distance des attaques brutales à l’encontre de nos alliés naturels. Une action efficace peut transformer les rapports de force, remédier au cynisme de la population et renforcer des démocraties menacées. »

Pour accéder au rapport interactif, cliquez ici.

La Commission s’apprête à dévoiler et présenter son rapport à l’occasion d’une cérémonie qui aura lieu le mardi 22 janvier. L’IE sera représentée par son Secrétaire général honoraire, Fred van Leeuwen, qui répondra aux éventuelles questions.