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Burkina Faso: besoin de mesures gouvernementales plus fortes pour assurer la sécurité des éducateur·rice·s et écoles face aux attaques terroristes

Publié 11 mars 2019 Mis à jour 3 avril 2019

Bien qu’ils·elles se félicitent des mesures gouvernementales prises suite aux attaques terroristes contre des éducateur·rice·s et des écoles au Burkina Faso, des syndicalistes enseignant·e·s demandent aux autorités publiques d’approfondir et améliorer ces mesures pour pouvoir apporter une éducation de qualité en toute sécurité.

Des mesures gouvernementales insatisfaisantes

« Concernant l'insécuritédans certaineslocalités denotre pays qui affecte l’éducation, legouvernement a  pris des mesures dans l'optique de sécuriser les enseignants et les apprenants voire toute la communauté concernée », reconnaît Anatole Zongo, Secrétaire Général du Syndicat national des enseignants du secondaire et du supérieur (SNESS), une organisation membre de l’Internationale de l’Education (IE). Il s'agit essentiellement des patrouilles des forces de défense et de sécurité (FDS) dans ces zones d'insécurité, et surtout aux alentours des écoles.

Zongonote également qu’à un moment « l'Etat a instauré le couvre-feu de 18h à 6h du matin avec interdiction de circuler à tricycle et à moto dans certaines provinces  de la région du Sahel qui subissait des attaques à répétition. Mais cette mesure a été levée.Actuellement, en dehors des patrouilles, il y a un processus de réduction des distances entre les différents points de sécurité, à savoir d’un commissariat de police à un autre commissariat ou gendarmerie ou base militaire. »

Néanmoins, il ajoute qu’« il est difficile de dire que ces mesures sont satisfaisantes, car à l'heure actuelle plus de 5.000 enseignantes et enseignants sont hors classe du fait de l'insécurité, et environ 1.135 écoles  sont fermées, obligeant plus de 154.200 élèves à être dans une situation temporaire de  déscolarisation. » Il rappelle de même que deux enseignants ont déjà été tués par ces terroristes et d’autres fouettés avec interdiction d’enseigner en français, mais de le faire en arabe.

Zongo admet cependant que les FDS « se battent inlassablement contre ces forces du mal car il y a des résultats ces derniers temps: tuerie de terroristes et démantèlement de nids djihadistes et saisie d'armes et de munitions ».

Il insiste aussi sur le fait que les syndicats de l’éducation « crient sur tous les toits que nous avons besoin d’être sécurisés pour pouvoir enseigner. N’étant pas du domaine, nous sommes limités dans nos actions. L’idéal serait que chaque école soit gardée par des éléments de FDS; mais nous savons que cela relève de l’utopie, car le Burkina Faso n’a pas justement les moyens d’une telle action. »

Nous avons déjà condamné les attaques contre les enseignants par le biais de déclarations à la presse et une marche silencieuse avec pour point de chute notre ministère de tutelle dont le message était une demande de protection des enseignants dans l’exercice de leur fonction.

Il continue en rappelant que le ministère de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales(MENAPLN) veut expérimenter des stratégies d’enseignement dans les zones à fort risque au profit des étudiant·e·s qui ont fui les classes, de sorte à leur éviter les années blanches, un projet de cinq ans à mettre en œuvre.

Renforcement de la synergie partenariale entre l'Etat, la société civile et les autres partenaires de l'éducation

A partir de l'année scolaire 2017-18, le secteur de l'éducation a subi des attaques et menaces deterroristes qui se sont accentuées. Ces attaques se sont manifestées, entre autres, par des agressions physiques et assassinats d'enseignant·e·s, des incendies et destructions de salles de classe et de matériels pédagogiques, des menaces à l'endroit du personnel éducatif et de responsables des associations de parents d'élèves.

Cette situation a entraîné l'interruption des activités d'apprentissage, la fermeture et la destruction de plusieurs établissements, la destruction du matériel, l'abandon forcé des classes par les enseignant·e·s, l'accentuation du taux de déperdition scolaire au niveau national et la déscolarisation massive des étudiant·e·s, ainsi que le déplacement des populations à l'intérieur du pays.

La fermeture des établissements scolaires affecte plus les filles, 46 % étant mises dans l’incapacité de jouir de leur droit à l’éducation, alors qu’elles sont déjà dans une situation de faiblesse: le contexte sécuritaire pourrait davantage favoriser les enlèvements, les mariages précoces, les abus sexuels et autres traitements dégradant vis-à-vis des filles.Par ailleurs, le risque de recrutements d'étudiants déscolarisés par les terroristes restent réels.

Face à cette situation, l'Etat du Burkina Faso, avec l'appui de ses partenaires techniques et financiers, a organisé une session spéciale d'examens pour des candidats du Nord et du Sahel. Cette stratégie a ainsi permis, d'une part, de poursuivre les enseignements/apprentissages sur une période de deux mois au profit desdits élèves, et, d'autre part, d'organiser une session spéciale d’examens, avec une satisfaction tant dans son déroulement que dans les résultats obtenus.

Cette opération en vue de sauver l'année scolaire 2017-18 a montré qu'il était possible de poursuivre l'éducation dans les zones à forts risques sécuritaires si des mesures fortes sont prises. C’est pourquoi le MENA a décidé de l'élaboration d'une stratégie d'action2019-2021,sous la direction du Premier Ministre Christophe Joseph Marie Dabire, validée le 21 février.

Les différentes orientations et approches pédagogiques de cette stratégie de scolarisation des élèves des zones à forts défis sécuritaires ont fait l'objet de consensus par l'ensemble des acteurs des niveaux décentralisé et central, des partenaires techniques et financiers, des ONG et des associations intervenant dans le secteur de l'éducation.

La réalisation des objectifs de la stratégie exige en effet une synergie partenariale plus accrue entre l'Etat, la société civile et tous les autres partenaires de l'éducation. Sa mise en œuvre se fera en collaboration étroite avec les FDS et devra permettre à terme de: sécuriser les infrastructures éducatives; réhabiliter les infrastructures et le matériel des écoles abandonnées, fermées ou détruites; mobiliser toutes les communautés dans le dispositif de sécurisation des structures éducatives en vue de prévenir les attaques et/ou limiter leur impact en collaboration avec les FDS; améliorer le réseau de communication entre les intervenants dans les zones concernées; et renforcer la résilience des populations déplacées internes, demandeuses d'asile, retournées, hôtes, réfugiées (camps et hors camps), restées sur place (affectées, mais non déplacées), ou encore à risque (zones non encore touchées).

L’IE soutient les éducateur·rice·sburkinabé·e·s dans leur lutte pour assurer une éducation de qualité pour tou·te·s, appelle les autorités publiques à redoubler d’efforts dans la sécurisation des enseignant·e·s et apprenant·e·s, et continuera à suivre l’évolution de la situation dans le pays.