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Inde: de violentes attaques à l’encontre d’étudiant·e·s et de personnels universitaires suscitent un tollé de la communauté éducative internationale

Publié 16 janvier 2020 Mis à jour 27 janvier 2020

L’Internationale de l’Éducation a fermement condamné les violentes attaques dirigées contre des étudiant·e·s et des éducateur·rice·s à l’Université Jawaharlal Nehru en Inde et soutient les revendications des étudiant·e·s en faveur d’une éducation de qualité abordable et du droit à la liberté d’expression.

La nouvelle université de New Delhi, la Jawaharlal Nehru University (JNU), constitue l’épicentre du militantisme étudiant dans le pays depuis novembre 2019. Les étudiant·e·s et le personnel protestent contre une hausse de près de 300 pour cent des frais de scolarité et d’internat décidée par l’administration de la JNU et contre la décision du gouvernement de révoquer l’article 370 concernant le Cachemire. Ils ont également appelé à l’abrogation de la nouvelle Loi portant modification de la Loi sur la citoyenneté, qui s’avère discriminatoire envers les musulman·e·s. L’université a totalement cessé de fonctionner, les étudiant·e·s et le personnel ayant pris le parti de boycotter les cours, les examens et les inscriptions pour le semestre d’hiver.

A ce jour, le Vice-président Jagadesh Kumar et l’équipe administrative de la JNU ont refusé tout dialogue avec les étudiant·e·s et le personnel, ce qui n’est pas sans exacerber la situation et va à l’encontre de la Recommandation de l’UNESCO de 1997 concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur. La recommandation stipule clairement que les enseignant·e·s du supérieur devraient avoir le droit et la possibilité de critiquer le fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur, y compris le leur. La recommandation précise en outre que les principes de la collégialité incluent le « droit de tous les intéressés de participer aux structures et modalités pratiques de décision au sein de l’établissement et mise en place de mécanismes consultatifs. »

Le 5 janvier, les étudiant·e·s et le personnel de la JNU ont manifesté pacifiquement pour exiger une éducation de qualité abordable pour tou·te·s et la fin des incidents violents sur le campus. Au cours de la manifestation, un groupe de 50 à 60 personnes masquées ont réussi à déjouer les dispositifs de sécurité de l’université pour pénétrer sur le campus et s’en prendre aux étudiant·e·s et au personnel au moyen de pierres, de barres de fer et de briques. L’assaut a fait plus de 39 blessé·e·s graves parmi les manifestant·e·s et les bâtiments universitaires ont été vandalisés.

L’Internationale de l’Éducation affiche sa solidarité avec les étudiant·e·s et le personnel de la JNU

L’Internationale de l’Éducation a publié une déclaration (en anglais) condamnant fermement l’attaque menée contre cette manifestation pacifique sur le campus et exprimant sa solidarité vis-à-vis des revendications des étudiant·e·s et du personnel. David Edwards, Secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation, a insisté sur le fait que les récentes attaques dirigées contre des universités en Inde font qu’il devient « de plus en plus difficile pour les étudiants, le personnel et leurs organisations représentatives d’exprimer leurs opinions au sujet des mesures prises par le gouvernement, des politiques et des questions socio-économiques, y compris leur droit de revendiquer l’accès à et la fourniture d’une éducation de qualité abordable pour toutes et tous ».

L’Internationale de l’Éducation appelle le gouvernement de l’Inde à:

•Mener une enquête indépendante approfondie sur ces actes de violence et traduire les coupables en justice;

•Suspendre sans délai Jagadesh Kumar de sa fonction de Vice-président d’université pour n’avoir pas su maintenir la sécurité du milieu universitaire;

•Veiller à ce que les universités respectent les valeurs démocratiques et les droits humains pour toutes et tous; et

•Exercer des pressions auprès de l’administration de la JNU en vue d’engager le dialogue avec le syndicat d’étudiants et le syndicat d’enseignants de l’université dans l’optique d’apporter une solution favorable à leurs revendications.

NTEU: les universités ont un rôle particulier à jouer dans la démocratie

Le National Tertiary Education Union (NTEU), syndicat australien de l’enseignement supérieur, a lui aussi condamné les actes de violence dans l’enceinte de la JNU. « Les récents événements survenus à l’Université Jawaharlal Nehru amènent à s’interroger sérieusement sur l’intégrité de l’institution et sur son attachement à œuvrer en faveur de la quête de connaissances et la défense de son rôle en tant que communauté de savants », a précisé le Secrétaire général du NTEU, Matthieu McGowan, dans un courrier (en anglais) adressé au Vice-président de la JNU, le Professeur Jagadesh Kumar.

Réaffirmant que « les universités ont un rôle particulier à jouer dans la démocratie » et « constituent des institutions démocratiques de premier plan qui devraient fonctionner de façon indépendante vis-à-vis des débats politiques et des protestations qui se développent autour d’elles », McGowan a souligné que la violence, quelle qu’en soit la forme, n’a pas sa place dans une université. Face à des actes de violence motivés par des considérations politiques, religieuses ou raciales, et lorsqu’il est suggéré que l’administration universitaire a toléré ou autorisé cette violence, c’est toute la légitimité de l’institution qui est remise en question, a-t-il expliqué.

Le NTEU s’est également déclaré préoccupé par les événements qui se déroulent en Inde de façon plus générale. Le syndicat australien a ainsi exhorté le Vice-président de la JNU et le gouvernement de l’Inde à condamner ces attaques dans l’intérêt d’une démocratie forte et dynamique et à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour traduire les auteurs de ces attaques en justice.

Répression policière des manifestations sur le campus

Au mois de décembre 2019, des étudiant·e·s ont manifesté contre la très controversée Loi portant modification de la Loi sur la citoyenneté, à l’Université Musulmane d’Aligarh et l’Université Jamila Milia Islamia. Les manifestations ont été violemment réprimées par les forces de police indiennes, une répression que l’Association des étudiant·e·s du Commonwealth (CSA) a d’ailleurs condamnée.

Dans une déclaration publiée le 31 décembre 2019, la CSA a exprimé son soutien à la marche de solidarité organisée par les étudiant·e·s et les Ancien·ne·s du St Xavier’s College, à Kolkata – capitale de l’Etat indien du Bengale-Occidental. Cette marche visait à mettre au jour le traitement sévère infligé par la police aux étudiant·e·s de l’Université Jamia Millia Islamia et de l’Université Musulmane d’Aligarh, au cours de ces manifestations pacifiques.