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Internationale de l'Education
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14-16 septembre à l'ONU: va-t-on laisser tomber les OMD?

Publié 17 août 2005 Mis à jour 17 août 2005

Il y a cinq ans, l'un des plus grands sommets de l'histoire réunissait les dirigeants nationaux à l'Organisation des Nations Unies. Ils approuvèrent un programme d'action visant à construire un monde meilleur – les huit Objectifs du Millénaire pour le développement – y compris l'Éducation pour tous – que tous les pays s'engageaient à accomplir d'ici à 2015. [voir ci-dessous – 8 OMD]

Les objectifs

Réduire l'extrême pauvreté et la faim Assurer l'éducation primaire pour tous Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes Réduire la mortalité infantile Améliorer la santé maternelle Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies Assurer un environnement durable Mettre en place un partenariat mondial pour le développement Désireux de montrer à quel point ils prenaient leurs engagements au sérieux , les dirigeants se mirent d'accord pour se revoir à New York cinq ans plus tard. Ce serait pour eux l'occasion de vérifier si la communauté internationale faisait de réels progrès, quels étaient les domaines où l'on prenait du retard et quels étaient ceux où il serait nécessaire de donner une nouvelle impulsion pour atteindre les objectifs.

Le programme d'action défini par les 8 OMD est arrivé à point nommé. Depuis qu'il a été adopté en l'an 2000, les principales organisations internationales, notamment la Banque mondiale, le Programme de développement des Nations Unies, l'UNICEF, la FAO, l'OMS et autres, ont concentré leurs efforts sur l'accomplissement de ces 8 objectifs. L'UNESCO menait déjà une campagne en faveur de l'EPT, avec la collaboration d'autres organisations et le soutien appuyé de l'IE. L'OIT intervint en publiant son rapport Une mondialisation juste: Pour en faire une réalité (2004) [1]. Lula, le président du Brésil, prit des initiatives avec le soutien du président français Jacques Chirac et d'autres dirigeants. On créa des groupes de travail pour analyser les aspects financiers et politiques de la mobilisation des ressources nécessaires. Un rapport imposant – qui associait une grande qualité technique à des idées convaincantes sur le plan politique – fut préparé pour l'ONU par une équipe dirigée par Jeffrey Sachs. Sous la pression croissante du public, les sommets du G8 prêtèrent attention aux OMD – en particulier, lorsque le président français présida le G8 en 2003 et que le premier Ministre Tony Blair dirigea la réunion de 2005.

Rien de tout cela n'est arrivé par accident. Dans les années qui ont suivi l'an 2000, nous avons assisté à la plus importante mobilisation des citoyens jamais vue – qui exigeaient des actions de la part de leurs gouvernements et qui étaient décidés à mettre fin à la pauvreté. Le G-CAP, le mouvement du bandeau blanc, bénéficiant du soutien massif du mouvement syndical, furent lancés en 2005 afin de donner plus d'importance et plus de force à cette mobilisation. De grands concerts rocks destinés à soutenir la campagne attirèrent l'attention des médias du monde entier. Le monde des entreprises participa également par le biais du Forum économique mondial, avec des figures comme Bill Gates s'engageant à participer à d'importants fonds d'aide.

Notre propre Campagne mondiale pour l'Éducation s'est poursuivie et les efforts se sont intensifiés, vu que chacun – tant les citoyens que les hommes politiques – était d'accord sur le fait que l'Éducation pour tous est un élément central pour atteindre les sept autres OMD. On a accordé une attention particulière à l'éducation dans le communiqué du G8 de cette année qui se réunissait à Gleneagles en Écosse.

Et maintenant, eh bien maintenant... quelle est la suite? Les dirigeants de la planète reviennent au siège de l'ONU à New York dans moins de deux semaines. Leurs ambassadeurs et leurs assistants travaillent déjà sur la déclaration qu'ils approuveront. Et devinez quoi... INCROYABLE MAIS VRAI... les représentants des États-Unis d'Amérique veulent supprimer toute référence aux OMD!!!

Donc, le monde s'accorde pour évaluer les progrès – ou le manque de progrès – réalisés dans l'accomplissement des 8 objectifs fondamentaux, et la nation la plus puissante affirme: "bon, en réalité, nous ne sommes pas ici pour parler de cela". Allons... ces individus parlent-ils sérieusement? Oui, malheureusement. Est-ce la raison pour laquelle les néo-conservateurs voulaient à tout prix que John Bolton soit nommé ambassadeur des États-Unis à l'ONU? Ayant obtenu carte blanche sous les deux administrations Bush successives, ils ont traité avec mépris les programmes de lutte contre la pauvreté. Ils ne croient tout simplement pas aux efforts de coopération déployés par les autres pays pour s'attaquer aux problèmes urgents de la planète. Ils n'aiment même pas beaucoup la Banque mondiale, à moins qu'elle n'encourage la privatisation et des projets d'infrastructure qui favorisent leurs intérêts économiques.

Ne nous berçons pas d'illusions. La campagne des néo-conservateurs visant à réformer l'ONU, avec John Bolton comme homme de pointe, n'a rien à voir avec une quelconque amélioration de la gestion et de l'efficacité. L'affaire est hautement politique. Il s'agit de soumettre l'ONU aux intérêts de ces groupes, dont le financement place les néo-conservateurs au pouvoir à l'échelon national. Ils parlent beaucoup de lutte contre la pauvreté. Mais ils n'apprécient pas les plans concrets associés à des objectifs définis pour parvenir à l'éducation pour tous, favoriser une santé décente, permettre l'accès à l'eau potable, mettre fin au travail des enfants, empêcher l'expansion du VIH/SIDA, ou – Dieu nous en préserve! – promouvoir l'égalité des sexes dans les pays pauvres de ce monde. Ils n'aiment pas non plus l'idée d'un allègement de la dette pour ces pays, et s'efforcent d'annuler d'importants accords sur la dette qui ont été conclus il y a quelques mois.

Il s'agit d'une bataille hautement politique et idéologique. D'un côté, d'immenses ressources, une expertise dans l'exercice du pouvoir, et un soutien intellectuel d'une série de groupes de réflexion suffisamment financés. De l'autre, un mouvement mondial de citoyens, doté d'une vision sur la construction d'un monde meilleur, qui juge faisable de mettre fin à la pauvreté et qui devine que les messages qu'ils reçoivent des dirigeants politiques ne riment à rien.

Si toute référence aux OMD était supprimée, non seulement le sommet d'évaluation OMD+5 perdrait tout son sens, mais cela signifierait aussi le triomphe d'un certain type de politique malgré toute notre mobilisation. Ce serait un symbole de la politique d'inaction envers la pauvreté dans le monde.

Bob Harris Consultant principal auprès du Secrétaire général de l'IE

Note:

[1]: Ce fut l'oeuvre du Directeur général de l'OIT, Juan Somavia, qui, lorsqu'il présidait l'Assemblée générale des Nations Unies, avait lancé en 1995 le Sommet social de Copenhague, qui ouvrit la voie à l'adoption des OMD en 2000.