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Internationale de l'Education
Internationale de l'Education

L'engagement d'améliorer l'éducation et de renforcer la profession enseignante

Publié 29 mars 2012 Mis à jour 5 avril 2012

Commentaires d'ouverture de la dernière discussion tenue lors du Sommet international sur la profession enseignante, New York, mars 2012. Par Fernando M. Reimers PhD, Ford Foundation, Professeur d'éducation internationale et Directeur d'éducation mondiale et de politique éducative internationale à l'Université d'Harvard.

Cette réunion a été merveilleuse pour deux raisons. Premièrement, parce que nous nous attaquons à l'un des défis les plus importants de notre époque: comment créer les conditions qui donnent à la prochaine génération les compétences nécessaires pour inventer l'avenir, un avenir plus humain, plus juste et plus durable. Deuxièmement, parce qu'en dépit de l'énormité du défit, il y a dans cette salle, un sens palpable des possibilités, un sens que « oui, nous pouvons » relever le défit de créer les conditions qui donnent à chaque enfant et à chaque jeune une chance d'élargir son esprit et d'étendre ses libertés.

Il est particulièrement remarquable que ce sens des possibilités existe, parce que nous vivons des temps difficiles. Une période de récession économique dans de nombreux pays. Il faut faire plus avec moins. Il y a une réelle incertitude à propos de l'avenir. Il serait compréhensible dans ce contexte que nous laissions notre imagination et notre sens des possibilités être entravés par ces circonstances, mais nous n'avons pas permis cela.

Alors, qu'avons-nous appris durant ces deux derniers jours de discussion? Et qu'allons-nous faire ensuite pour relever les défis dont nous avons discuté?

Premièrement, nous avons appris la valeur de ces réunions annuelles, la valeur de nous rassembler pour partager des idées et des pratiques à propos de la manière d'améliorer l'éducation, de renforcer la profession enseignante et d'apprendre les uns des autres. Cette réunion est un vrai développement professionnel pour les dirigeant(e)s.

Cette discussion a été une sorte d'apprentissage orienté vers l'action. Il aurait été compréhensible étant donné la complexité des défis impliqués dans l'amélioration de l'éducation que nous ayons adopté une attitude contemplative envers cette complexité. Mais cette discussion a eu trait au pouvoir de prendre des mesures concrètes. Dans un moment, nous allons entendre quelles sont ces prochaines mesures immédiates, les engagements que chacun(e) des dirigeant(e)s des pays représentés ici prennent pour améliorer la profession enseignante dans leur pays.

Deuxièmement, nous avons été témoins de l'intérêt, de l'engagement et de l'urgence qu'il y a de par le monde à renforcer la profession enseignante afin d'améliorer l'éducation. C'est cette urgence qui nous a rassemblé(e)s. Il est beau et très significatif de voir ce rassemblement des dirigeant(e)s de l'éducation dont la mission est de faire exactement cela, faire ce qu'ils/elles peuvent, de façon à ce que nous puissions soutenir les enseignant(e)s pour aider chaque enfant à réaliser son plein potentiel.

Lors de ce rassemblement, nous avons partagé et offert à l'examen public nos idées et nos actions en vue d'améliorer cette profession, et ce dialogue sincère a fourni un apprentissage précieux.

Durant les deux jours de réunion, et en comparant en particulier la réunion de l'année dernière avec celle-ci, nous avons constaté l'apprentissage réalisé et l'évolution de notre pensée. Notre discussion a évolué de nombreuses façons. Nous parlons maintenant beaucoup plus de développer un plus large éventail de compétences et de dispositions. Nous ne parlons plus uniquement de compétences et de connaissances fondamentales, mais du développement de l'imagination, de l'esprit critique, de la compassion et de l'empathie, de l'engagement et de l'efficacité civiques et politiques, de la créativité et de l'inventivité. Nous avons parlé des conditions pour attirer et soutenir de bon(ne)s enseignant(e)s, mais également des dirigeant(e)s de l'éducation et des types de leadership. Nous reconnaissons que ces changements requièrent des méthodes et une harmonisation des efforts, et que ceux-ci requièrent à leur tour des coalitions et des partenariats.

Troisièmement, nous avons également vu à quel point les comparaisons internationales peuvent être précieuses et stimulantes. Les comparaisons des résultats d'apprentissage, bien sûr, mais également des pratiques pédagogiques et du sens de l'auto-efficacité des enseignant(e)s, et les comparaisons des programmes et des politiques, ainsi que les comparaisons d'institutions et de méthodes de formation des enseignant(e)s. Dans ces comparaisons, nous avons vu la valeur d'une approche pluraliste pour produire les indications utiles à ces discussions. Ce sont ces comparaisons et cet échange, non seulement des faits connus, mais aussi de beaucoup de connaissances à propos de la pratique tacite, qui peuvent stimuler la pensée et l'innovation.

Quatrièmement, nous avons appris dans ces discussions l'importance de réfléchir clairement à propos des compétences et des résultats qui importent, et que les discussions au sujet de l'avenir de la profession enseignante doivent être ancrées à ces réflexions concernant les intérêts et les besoins des étudiant(e)s. Il s'agit bien sûr d'une discussion qui ne concerne pas uniquement les expert(e)s en éducation, mais d'une discussion plus large qui doit impliquer beaucoup de parties prenantes, parce qu'elle concerne le type de société pour lequel nous voulons éduquer les étudiant(e)s. En fin de compte, c'est une discussion à propos de ce qu'est le bien-vivre.

Plusieurs fois ces jours-ci, il a été fait mention de l'importance d'enseigner la durabilité, la durabilité des interactions humaines avec l'environnement, et d'éduquer à la prospérité, à l'emploi, à l'égalité, aux droits humains et à la paix. Cette vision morale est un grand saut par rapport à nos discussions de l'année dernière. De maintes façons, nous sommes intéressés à renforcer la profession enseignante comme moyen de reconstruire le bien commun, les institutions essentielles au bon fonctionnement d'une société démocratique.

Comme autre point découlant de cette vision morale, nous avons également évoqué à maintes reprises l'urgence d'accorder la priorité à l'amélioration des conditions d'éducation dans les zones à forte pauvreté. De faire plus pour celles et ceux qui ont moins. De veiller à ce que l'éducation soit vraiment en train de redresser ces inégalités résistantes, et dans certains cas, croissantes, qui menacent la légitimité de toute démocratie.

Cinquièmement, dans nos discussions lors de cette réunion, nous avons vu l'importance de regarder ce qui fonctionne, de tirer les leçons de la réussite et d'utiliser ces connaissances pour stimuler plus d'innovation. Etant donné l'énormité et la complexité des défis consistant à améliorer l'éducation, nous aurions pu rester obsédés par les pathologies et les dysfonctionnements des écoles et des systèmes éducatifs, mais il n'est pas évident de savoir comment cette étude et cette contemplation de ce qui ne fonctionne pas nous mènerait à ce qui fonctionne. Tirer les leçons du succès est plus productif et inspire davantage à l'action.

Dans ces discussions, nous nous sommes également mis d'accord sur la nécessité de penser et d'agir systématiquement afin d'améliorer l'éducation et de renforcer la profession enseignante. Ces améliorations ne consistent pas à régler une ou deux choses rapidement, mais à s'occuper d'un certain nombre d'éléments qui ont tous besoin d'attention et qui doivent être harmonisés. Et de ce besoin d'interventions systémiques et continues, il s'ensuit que les partenariats et les coalitions sont essentiels, en particulier dans le contexte d'une diminution des ressources et d'autres défis sociaux. Ces coalitions doivent rassembler parents, enseignant(e)s et étudiant(e)s, les gouvernements à plusieurs niveaux, les syndicats d'enseignants, les institutions de formation des enseignant(e)s, les innovateurs et les entrepreneurs sociaux, les entreprises et les organisations philanthropiques. Et cela demande des efforts spéciaux pour créer les conditions d'une discussion productive et sincère entre ces parties. Cela demande de la confiance pour avoir une discussion soutenue, franche et fructueuse.

Afin de bâtir et de maintenir cette confiance, nous devons toutes et tous réexaminer la façon dont nous traitons et dont nous communiquons avec ces autres institutions. Il est par exemple inutile d'établir cette confiance et de réaliser cette action collective efficace en vue de bâtir une profession et d'améliorer les conditions éducatives, lorsque les institutions ou les programmes de formation des enseignant(e)s sont les vaches à lait des écoles de formation et des universités qui les hébergent. Cela n'aide pas la profession lorsque des politicien(ne)s tirent des avantages politiques à court terme de l'humiliation des enseignant(e)s ou de leurs organisations.

Comme Randi Weingarten l'a mentionné ce matin, il est difficile de bâtir une profession au moment où nous la mettons en pièces. Les syndicats d'enseignants peuvent avoir un rôle clé à jouer pour bâtir une profession, lorsqu'ils favorisent l'harmonisation entre l'aspect personnel, c'est-à-dire les valeurs qui attirent de bon(ne)s candidat(e)s vers l'enseignement et qui les motivent à soutenir chacun(e) de leurs étudiant(e)s pour qu'ils/elles réussissent; l'aspect professionnel, c'est-à-dire les compétences qui se traduisent en efficacité, respect et confiance des enseignant(e)s, et qui justifient une autonomie accrue de vrais professionnels; et l'aspect politique, c'est-à-dire l'harmonisation de ce travail professionnel avec une vision morale qui consiste à bâtir une démocratie plus robuste, une société plus équitable, le bien commun qui donne à chaque personne une chance d'être incluse et de contribuer.

Dans nos discussions, nous avons également mis à jour, mais non résolu, certaines tensions. La tension entre la valeur à donner aux compétences essentielles pour le 21ème siècle, sur l'importance desquelles il y avait un large consensus, et les défis posés par l'évaluation des connaissances et des compétences des étudiant(e)s. Nous voulons mesurer ce que nous apprécions, de façon à ce que nous puissions vraiment l'enseigner, mais nous savons que cela représente un défi.

Nous avons également reconnu dans nos discussions que, lorsque de bonnes choses se produisent pour des étudiant(e)s et des enseignant(e)s, c'est parce qu'il y a des personnes à l'origine de ces événements. Nous ne devrions pas tout simplement attendre un bon leadership ou le considérer comme allant de soi, mais nous devrions le cultiver. Mais nous ne sommes pas parvenu(e)s à déterminer quelle part de ce leadership est lié à des caractéristiques de personnes ou à des méthodes et structures.

Nous avons reconnu que le leadership innovateur, visionnaire et audacieux, qui soutient la créativité et l'innovation parmi les enseignant(e)s, est en grande partie soutenu par le leadership opérationnel, par des méthodes et des structures qui permettent aux trains d'être à l'heure, donc ce n'est pas seulement du leadership pédagogique.

Nous avons également convenu des dangers du leadership autocratique à tous les niveaux, en raison du fait qu'il peut miner la profession et les possibilités d'enseigner les compétences essentielles pour le 21ème siècle. Nous avons marqué notre accord sur le fait que les dirigeant(e)s doivent habiliter d'autres personnes, et nous avons reconnu les bénéfices d'un bon leadership politique pour soutenir un bon leadership éducatif. Mais il y a encore beaucoup plus de choses concernant ce domaine du leadership, notamment le leadership pour l'innovation, où il y a d'importants décalages par rapport à ce qui est notoire.

Nous avons convenu de l'importance d'engager les praticien(ne)s eux-mêmes/elles-mêmes - enseignant(e)s, directeurs/trices et autres dirigeant(e)s de l'éducation - dans la définition des normes de leur profession.

Dans nos discussions, il y a eu un large consensus sur l'importance de s'occuper de la préparation des enseignant(e)s, et sur la valeur du type de révision et de réforme complètes de la formation des enseignant(e)s, illustrées par l'expérience de Singapour, qui a débuté avec des objectifs clairs, englobant valeurs, compétences et connaissances.

Dans cette discussion sur la préparation des enseignant(e)s et les encouragements qui sont leur sont donnés, nous avons reconnu que la profession enseignante est ancrée dans un engagement social plus large envers l'égalité des chances, et il devrait s'ensuivre que nous ne devrions pas juste attendre ou espérer cet engagement, mais assumer la responsabilité de le produire, étant donné qu'il a un rôle clé pour soutenir une bonne éducation pour toutes et tous.

Une des leçons que nous avons apprises lors de cette réunion est le fait que nous disposons du pouvoir d'orienter nos actions. Les problèmes que nous abordons sont extrêmement complexes. En dépit de leur complexité, toutes celles et tous ceux d'entre vous qui dirigez des systèmes éducatifs et des organisations de l'éducation, vous prenez des mesures concrètes pour les traiter. C'est ce qui a fait la puissance de cette réunion, cet engagement à agir. Dans un moment, nous allons entendre quelles sont les mesures immédiates que chaque équipe nationale s'engage à prendre. Je n'ai pas eu l'occasion de voir ce que ces engagements allaient être, mais j'espère qu'il y aura des mesures audacieuses et imaginatives, au moins dans les domaines suivants:

  1. Des mesures audacieuses pour fermer la brèche entre ce que nous mesurons et ce que nous apprécions dans l'éducation, de façon à ce que nous puissions évaluer et enseigner ce qui a de l'importance.
  2. Des mesures pour promouvoir l'innovation et l'expérimentation sur un certain nombre de fronts, de façon à ce que nous puissions offrir à tous/toutes les étudiant(e)s les compétences pour inventer l'avenir.
  3. Des mesures significatives pour rénover considérablement la formation des enseignant(e)s, afin de les préparer à enseigner ce qui a de l'importance, avec le type de réforme complète illustrée par Singapour.
  4. Des mesures imaginatives pour forger les coalitions multipartites nécessaires à la réalisation de réformes systémiques et durables, illustrées par l'exemple de la Virginie-Occidentale mentionné lors de cette réunion.
  5. Des manières créatives pour que les organisations d'enseignants et les gouvernements donnent la parole aux enseignant(e)s et aux directeurs/trices en vue d'articuler les bonnes pratiques et de définir les normes de la pratique professionnelle.

Cela a été un vrai privilège pour moi de participer à cette rencontre, cette année, et d'être le témoin de l'évolution de notre pensée collective depuis l'année dernière. Je suis enthousiasmé par l'engagement de ce groupe à effectuer un travail déterminé afin d'améliorer l'éducation et de renforcer la profession enseignante, et je me réjouis de suivre ces rencontres et leurs résultats dans la pratique, dans les années à venir.