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Mondes de l'éducation

Les écoles publiques de Marseille entre les mains de multinationales

Publié 24 juillet 2018 Mis à jour 24 juillet 2018

Par Michelle Olivier, SNUipp-FSU

A Marseille, un Collectif  [1] s’insurge contre le Partenariat Public Privé (PPP), modalité choisie par la mairie pour réaliser des travaux urgents dans une trentaine d’écoles vétustes.

Toute cette affairé est née d’un dossier, très illustré, du journal Libération, publié en 2016: E coles à Marseille: la honte de la République. Le tableau est très sombre : classes surchargées, murs décrépis, présence éventuelle d’amiante... Dans cette ville, la vétusté des locaux provoque régulièrement la colère des enseignants et des parents d'élèves.

En effet, pour les élèves, la situation est telle que des parents  ont décidé de rassembler les certificats médicaux pour déposer un dossier à l'ARS [2]. Une quinzaine d'enfants souffriraient de sinusites, bronchites et autres maladies respiratoires.

Des  témoignages recueillis par les journalistes font état de murs couverts de salpêtre, de fenêtres qui ferment mal, de chauffage insuffisant en hiver … ou de températures extrêmes en été.

Pour remédier à cette situation, la mairie a fait le choix d’un financement pourtant déconseillé par la Cour des Comptes et le Sénat, mais aussi par la Cour des comptes Européenne.

Pour  reconstruire en urgence (sur 6 ans) 34 écoles, alors que les 400 autres qui auraient besoin de travaux également devront attendre encore, ce mode de financement est inacceptable pour le Collectif, qui alerte sur ses conséquences, à savoir l’endettement de la population pendant plus de 25 ans pour rembourser ce pacte qui est estimé à un peu plus d’un milliard d’euros.

L’école n’est pas à vendre

Il faut dire que cette ville a pourtant déjà de l’expérience (amère) dans le domaine du PPP, avec son stade Vélodrome, dont  le budget, estimé à environ 160 millions d'euros, a finalement atteint 268 millions d'euros. Mais ce n’est pas tout : avec les loyers que la municipalité devra verser au propriétaire, la Cour des comptes évalue le coût brut à 1,051 milliard d'euros.

Alors forcément, cette décision municipale a fait réagir!

Qu’ils soient  simples citoyens, syndicalistes de l’éducation (FSU, CGT, Solidaires, Unsa), élus ou architectes, les membres du Collectif  dénoncent cette opération coûteuse : « Ça suffit, il faut retomber dans un équilibre plus simple et plus sain. C’est dans les écoles que se joue l’avenir des enfants », plaide ainsi  André Jollivet, l’un des architectes.

Au-delà du coût pour les contribuables —certains d’entre eux ont d’ailleurs déposé un recours auprès du tribunal, le Collectif dénonce de multiples conséquences et fait des propositions alternatives, car les travaux sont bien sûr absolument nécessaires.

Pour Pierre-Marie Ganozzi, secrétaire départemental de la FSU 13, les risques liés à ce type de financement sont nombreux : « Cela coûte 100M€ de plus que le coût d’une maîtrise d’œuvre publique. »  Et avec ce système, ce n’est pas la mairie qui va décider, en derniers recours. « On dépossède les marseillais de leur école publique. »

Mais ce qui se cache aussi derrière ce type de partenariat, c’est la mainmise des multinationales qui pourront décider seules de ce qu’elles implantent autour des écoles. En effet, le risque est grand que, par souci de rentabilité, les terrains qui environnent les écoles soient transformés, par exemple, en zone commerciale. «Il n’y a pas obligation que ce soit des équipements sportifs ou culturels » prévient Pierre-Marie.

Si l’appel d’offre a bien été lancé, le Collectif ne baisse pas les bras et fait des propositions concrètes « pour la rénovation des écoles mais avec une vision technique et pragmatique », basée sur la consultation des enseignant.es, des parents, des architectes, … comme cela se produit naturellement lorsque le cadre choisi n’est pas un PPP.

Il appelle ainsi à  réaliser les travaux avec une procédure MOP (maîtrise d’ouvrage publique) qui permet de réduire le coût, et qui est la seule procédure garante de l’intérêt public; à réaliser un audit technique de l’ensemble des écoles marseillaises avant toute décision —pour pouvoir établir une stratégie foncière…

Il fait valoir aussi que la Maîtrise d’ouvrage publique permet de maintenir les emplois locaux des architectes et artisans locaux; que la pédagogie, les méthodes éducatives, et les réglementations thermiques étant en constante évolution, engager un contrat de partenariat sur 25 ans serait une erreur; …

Le Collectif va donc rester mobiliser, car assurément, à Marseille comme ailleurs, 

l’école publique n’est pas à vendre

!

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[1] https://marseille-contre-les-ppp.fr/le-collectif/

[2] Agence Régionale de Santé

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.