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Les principaux résultats de la COP26 : pourquoi est-ce important pour les syndicalistes de l’éducation ?

Publié 8 décembre 2021 Mis à jour 13 décembre 2021
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La COP26, abréviation pour la 26e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, a été présentée comme le plus important sommet sur le climat depuis l’Accord de Paris de 2015. En raison de la pression croissante du public et des perturbations causées par la pandémie de COVID-19, une série d’engagements majeurs étaient attendus des débats climatiques de cette année, notamment en matière de finances, d’adaptation et de réduction des émissions, en particulier de la part des pays industrialisés.

Les pays riches n’ont en effet pas tenu leur promesse de dégager, en 2020, les 100 milliards absolument nécessaires pour le climat, pour aider les pays en développement vulnérables à opérer la transition vers des économies à faible émission de carbone et à s’adapter aux changements climatiques.

Ces deux semaines de conférence ont-elles été un succès ou un échec ? La question reste entière. Bien que la COP26 ait permis d’établir le Pacte de Glasgow pour le climat, prévoyant de doubler le financement pour l’adaptation et d’augmenter les Contributions déterminées au niveau national (CDN) d’ici l’an prochain, elle reste néanmoins décevante pour beaucoup, dans la mesure où le mécanisme de financement de référence proposé par les pays en développement pour la gestion des coûts économiques et sociaux résultant des conséquences irréversibles du changement climatique, communément appelés « pertes et préjudices », a une nouvelle fois été refusé. Par ailleurs, les décisions de cette année prévoient notamment une « diminution progressive » du charbon – première référence aux combustibles fossiles dans un texte officiel de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques depuis le protocole de Kyoto de 1997. Malgré ces avancées apparentes, il importe de souligner que cette déclaration est une version édulcorée de la proposition initiale où il est plutôt question d’une « suppression » du charbon. Reste à voir comment cette formulation ambiguë pourra donner lieu à des politiques locales et internationales concrètes, notamment en termes de subventions à l’industrie des combustibles fossiles.

Aussi, afin de clôturer la campagne de cette année, « Enseignez pour la planète », cet article passera-t-il rapidement en revue les principaux résultats de la COP26 pouvant s’avérer pertinents pour les syndicalistes de l’éducation et leur travail.

Pacte de Glasgow pour le climat : sommes-nous toujours sur la voie du 1,5 °C ?

La question centrale du sommet de Glasgow de cette année était de savoir comment renforcer les engagements pour limiter à 1,5 degré le réchauffement planétaire – le plus ambitieux des objectifs de l’accord de Paris, proposant des hypothèses moins catastrophiques concernant l’impact sur le climat.

Ambitieuse, la présidence britannique a d’emblée annoncé que la COP26 avait pour objectif d’aboutir à un accord qui offrirait une chance de limiter la hausse des températures mondiales à 1,5 degré. Quelques semaines avant la COP26, force a été de constater que le monde se dirigeait droit vers une hausse des températures de 2,7 degrés d’ici la fin du siècle. Le groupe d’expert·e·s intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC, acronyme anglophone) a averti dans son rapport du mois d’août dernier que cette hausse pourrait déjà atteindre 1,5 degré d’ici 2030.

Toujours avant la COP26, quelque 151 pays ont soumis des CDN, nouvelles ou actualisées, qui permettraient de réduire le réchauffement climatique de 0,2 degré si elles étaient pleinement mises en œuvre. De même, plusieurs haut·e·s responsables, coalitions multilatérales et acteurs privés ont pris des engagements pour réduire les émissions, le méthane, le charbon, les transports et la déforestation. Une nouvelle étude montre que, pleinement mis en œuvre, ces engagements permettraient de réduire de 0,1 degré supplémentaire le réchauffement planétaire.

Dans la foulée de toutes ces initiatives, le Pacte de Glasgow pour le climat a été adopté à la fin du sommet. Ce document de 11 pages, présentant les décisions finales de l’ensemble du processus, se réfère pour la première fois aux combustibles fossiles et appelle à relever la barre des ambitions beaucoup plus tôt pour atteindre les objectifs d’atténuation. En particulier, le texte demande aux pays de renforcer leurs engagements climatiques en 2022 au lieu de 2025, comme mentionné dans l’Accord de Paris, et appelle à une diminution du charbon et à une suppression des subventions aux combustibles fossiles inefficaces. L’interprétation du terme « diminution » semble difficile dans la pratique, à l’heure où les responsables discutent encore de ses implications pour les politiques énergétiques de chaque pays.

Un autre résultat notable dans le texte des décisions est la référence à la science et à l’urgence, mettant en lumière les recommandations du dernier rapport de l’IPCC réitérant la nécessité de supprimer intégralement et massivement les émissions pour limiter le réchauffement à 1,5 degré.

Mais, malgré ces avancées, il importe de souligner que le fonds d’adaptation, plafonné actuellement à 20 milliards de dollars américains, ne verra son montant doubler qu’en 2025. Selon un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement, ces montants ne sont pas suffisants pour répondre aux besoins d’adaptation du monde, estimés entre 140 et 300 milliards de dollars américains par an d’ici 2030 et entre 280 et 500 milliards de dollars américains par an d’ici 2050 pour les pays en développement. Le texte ne prévoit pas non plus de feuille de route pour la mise en œuvre de cet engagement. Les responsables politiques des pays en développement et les acteurs de la société civile ont déploré l’absence de mesures concernant le pilier manifestement le plus contesté de l’action pour le climat : les pertes et préjudices.

Facilité « pertes et préjudices » du Pacte de Glasgow

Les pertes et préjudices, piliers majeurs de l’Accord de Paris, désignent la destruction des moyens de subsistance et des infrastructures, ainsi que les pertes en vies humaines causées par les conséquences inévitables du changement climatique, telles que la hausse du niveau de la mer, les événements météorologiques extrêmes et la désertification. En résumé, il s’agit des coûts économiques et sociaux des changements climatiques ne pouvant être compensés que par des mesures réparatrices.

À mi-parcours de la conférence, le Première ministre d’Écosse Nicola Sturgeon a annoncé un versement de 1 million de livres sterling via le Fonds de résilience pour la justice climatique pour soutenir les populations les plus exposées aux catastrophes climatiques. Si cette initiative reste de toute évidence insignifiante en comparaison des besoins exprimés par les pays vulnérables, estimés par les militante·s à au moins 300 milliards de dollars américains d’ici 2030, elle n’en demeure pas moins une manière forte pour une dirigeante mondiale de reconnaître l’importance des mesures compensatoires. La société civile a salué l’initiative, en espérant qu’elle incitera d’autres pays à suivre cet exemple.

Mais l’atmosphère dans l’arène officielle des négociations était radicalement différente. À cet égard, les débats à la COP26 ont, en effet, été centrés sur la Facilité « pertes et préjudices » du Pacte de Glasgow, qui aurait permis de mettre en place un mécanisme de financement. Cette initiative était principalement défendue par le Groupe des 77 + Chine, un puissant collectif de négociation composé de 134 pays en développement. Les petits États insulaires et plusieurs pays africains se sont également déclarés favorables à cette initiative. Sans surprise, les pays riches comme les États-Unis et l’Union européenne ont bloqué sa progression, craignant qu’un financement pour pertes et préjudices n’entraîne des responsabilités en matière de changement climatique sous la forme de poursuites judiciaires. Au lieu de cela, seule la formulation « assistance technique » apparaît dans la décision finale. Les équipes de négociation des pays en développement ont dénoncé cette formulation « trop timide », considérée comme un moyen d’apaiser leurs revendications en faveur d’un plan pour reconstruire les économies et compenser les pertes en vies humaines et en moyens de subsistance causées par les catastrophes climatiques.

COP26 et éducation au climat

L’ordre du jour de la COP26 a accordé une place importante à l’éducation au climat. Plus précisément, les ministres de l’Éducation et de l’Environnement de plusieurs pays, ainsi que les groupes représentant la jeunesse, ont organisé un événement intitulé Ensemble pour demain : éducation et action pour le climat, où plus d’une vingtaine d’engagements ont été pris pour la formation du personnel enseignant, la participation des élèves et la résilience climatique dans les systèmes éducatifs. Au cours de cet événement, la jeunesse militante a souligné l’importance de soutenir le personnel enseignant et de s’assurer de la collaboration des élèves pour réformer les programmes d’études à travers le monde, afin que le changement climatique occupe une place à part entière dans l’enseignement.

Mais cela n’a pas été le cas dans l’arène officielle des négociations, où l’éducation au climat n’a pas bénéficié d’une telle attention. L’éducation au climat fait partie du mandat de l’Action pour l’autonomisation climatique (Action for Climate Empowerment – ACE), négocié dans le cadre du Programme de travail de Doha. Malgré les inquiétudes soulevées par les groupes de militant·e·s déplorant l’absence de références cruciales aux droits humains, un programme de travail de dix ans a été adopté dans le cadre de l’ACE à l’issue du sommet, encourageant les parties à inclure l’enseignement du changement climatique dans les systèmes d’éducation formels et non formels. Reste à voir si l’ACE fera avancer le programme pour l’éducation lors de sa prochaine réunion aux intersessions de Bonn, en Allemagne, en juin 2022.

En quoi tout cela est-il important pour les syndicalistes de l’éducation ?

Si la communauté enseignante et les syndicats de l’éducation s’accordent à reconnaître la nécessité de prendre des mesures urgentes pour répondre à la crise climatique, il subsiste néanmoins de grandes divergences quant à la réelle pertinence de cette problématique pour le secteur. La nature peut-être trop vague du changement climatique et ses enjeux indirects pour le secteur de l’éducation peuvent rendre difficile d’inscrire toutes les exigences qui y sont liées dans le travail syndical. Il pourrait par conséquent s’avérer utile de s’intéresser en premier lieu au lien qui existe entre les syndicats de l’éducation et le changement climatique en insistant sur le concept de la transition juste, une question de plus en plus importante pour les droits des travailleur·euse·s.

La transition juste constitue la pierre angulaire de l’engagement syndical en matière de changement climatique, compte tenu des implications que suppose une transition vers une économie à faible émission de carbone pour les travailleur·euse·s. En résumé, la transition juste renvoie à un plan-cadre qui prévoit et garantit des emplois décents et de meilleure qualité, davantage de possibilités de formation et une plus grande sécurité d’emploi pour tous les travailleur·euse·s subissant les effets des politiques en matière de réchauffement planétaire et de changement climatique. Si le personnel enseignant n’est peut-être pas le premier concerné, un grand nombre d’éducateur·trice·s et de professionnel·le·s de l’éducation sont lié·e·s à des travailleur·euse·s qui le sont, comme le souligne Liam Rutherford du syndicat NZEI Te Riu Roa. Les licenciements et les transformations au sein de l’économie du travail ont des répercussions sur les familles et les communautés. Les éducateur·trice·s ont donc tout intérêt à jouer un rôle de premier plan dans la promotion de la formation et des connaissances nécessaires pour les emplois dans l’industrie à faible émission de carbone aujourd’hui et demain.

De même, le secteur de l’éducation a toujours contribué activement à aider les communautés à s’adapter au changement climatique. Compte tenu de leur place centrale au sein des communautés, les écoles sont devenues le siège de l’adaptation au climat et des réponses aux catastrophes. Dans un grand nombre de pays en développement, les écoles servent de lieux d’évacuation en cas de typhon ou d’autres événements météorologiques. Elles sont également des lieux de formation où l’on apprend à réduire les risques de catastrophes et, souvent, les enseignant·e·s sont réquisitionné·e·s par les gouvernements locaux pour assurer la formation de leurs communautés. Que se passe-t-il lorsque les enseignant·e·s ne sont pas suffisamment formé·e·s pour enseigner le changement climatique et que les écoles n’ont pas la capacité de se montrer résilientes face au climat ?

Au cours des négociations entourant les pertes et préjudices, un premier projet proposé par le Groupe des 77 + Chine comportait une disposition pour le financement des « services publics » à la suite des destructions dues au climat. En théorie, ce projet aurait permis d’assurer la reconstruction et le renforcement des infrastructures scolaires. Malheureusement, cette disposition a été supprimée du texte final sous la pression des pays riches.

Il s’agissait d’un nouveau revers pour les pays en développement, mais aussi pour le secteur de l’éducation compte tenu de son rôle en tant que service public. Le secteur de l’éducation détient un potentiel incroyable pour l’action climatique. Non seulement les écoles sont les mieux placées pour former les générations d’élèves actuelles et futures en faveur d’une industrie à faible émission de carbone, mais elles servent également de lieux physiques pour la formation à l’adaptation climatique et, parfois, de refuges pour se protéger des effets de la crise climatique. Les écoles sont les lieux que nous avons en commun pour la résilience climatique.

Le défi que doivent relever les syndicats de l’éducation consiste donc à aller de l’avant en ayant une vision globale de l’éducation au climat. Sachant que le changement climatique est une crise multisectorielle et intergénérationnelle qui doit être traitée le plus rapidement possible en faisant clairement prévaloir le sens de justice, les syndicalistes de l’éducation se doivent d’intégrer dans leurs campagnes le plaidoyer en faveur de l’éducation au climat.

Les éducateur·trice·s et les syndicalistes sont appelés à lutter pour la justice climatique, en partant du principe qu’il est possible de créer un monde meilleur, pour lequel il vaut la peine de se battre.