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Résolution: L’avenir de la profession enseignante

Publié 23 septembre 2019 Mis à jour 23 septembre 2019

Le 8e Congrès mondial de l’Internationale de l’Education (IE), réuni à Bangkok, en Thaïlande, du 21 au 26 juillet 2019 :

(1) Souligne que le développement des logiciels d’intelligence artificielle (IA) et des ordinateurs ultra-rapides, associé à la sophistication et à la haute performance des technologies de la robotique, transformera le travail de la plupart des travailleur·euse·s, y compris les enseignant·e·s et les autres professionnel·le·s de l’éducation. .

(2) Reconnaît que, au cours des 15 prochaines années, l’utilisation des technologies d’IA pour assister les enseignant·e·s dans leurs classes et à domicile se généralisera de façon significative, à l’instar de l’apprentissage en ligne adapté et des applications de réalité virtuelle.

(3) Affirme que l’introduction des technologies sophistiquées dans l’environnement d'apprentissage et sur le lieu de travail interviendra, quelles que soient les actions entreprises par les syndicats de l’éducation à travers le monde. Toutefois, ces derniers peuvent – et devraient – orienter les modalités d’introduction de ces technologies et leur incidence sur les enseignant·e·s.

(4) Signale que, sur le marché de l’éducation, l’IA est dominée par une petite poignée d’entreprises comme Google, Microsoft, IBM, Pearson et Amazon.

(5) Déclare qu’il existe une différence entre la robotique simple, présente au sein des environnements de travail depuis des décennies, et l’avènement de l’IA sophistiquée. Auparavant, la robotique servait fréquemment à remplacer le travail manuel répétitif. Aujourd’hui, l’IA tente de remplacer en partie la pensée humaine.

(6) Affirme que les nouvelles technologies ne pourront jamais remplacer la relation entre l’enseignant et l’élève ou entre l’enseignant et sa classe. La technologie doit être complémentaire à l’enseignement et non le remplacer. Ces technologies, dont l’IA fait partie, ne doivent en aucun cas entraver l’autonomie professionnelle des enseignant·e·s.

(7) Affirme l'importance des compétences et des capacités uniques des êtres humains face à l'automatisation et à la robotisation. Le rôle de l'éducation devrait davantage consister à aider les élèves à développer leurs compétences non techniques et non cognitives, telles que la créativité, la communication, la curiosité, les compétences civiques et l’intelligence émotionnelle. A l’ère de la mondialisation et du numérique, l’éducation doit promouvoir les valeurs de coopération, la conscience interculturelle, la démocratie et le sens des responsabilités.

(8) Affirme que l’implantation progressive des nouvelles technologies d’IA dans l’environnement d'apprentissage a accentué la « fracture numérique » et les inégalités. Les écoles sont nombreuses à ne pas disposer des fonds suffisants pour l’introduction des nouvelles technologies, étant donné que cela requiert un investissement considérable dans les technologies de l’information (TI) ainsi qu’une connexion fiable à Internet.

(9) Rappelle que la plupart des études, notamment celles plus récentes de l’OCDE portant sur l’avenir du travail, estiment que les technologies actuelles, orientées sur l’IA, transformeront radicalement le marché du travail au cours des 10-12 années à venir. Les prévisions varient fortement, mais certains considèrent que, d’ici à 2030, entre 400 et 800 millions d’emplois à travers le monde pourraient être automatisés.

(10) Souligne que beaucoup d’études prévoient que l’ampleur des pertes d’emplois pourra être atténuée par la nécessité d’embaucher des gens pour des postes encore non définis aujourd’hui. Ces personnes devront néanmoins acquérir les nouvelles compétences leur permettant d’accéder à ces nouveaux emplois. Les deux questions les plus importantes sont dès lors : comment les personnes pourront-elles développer ces nouvelles compétences et qui assurera la prise en charge financière de ces « mises à niveau » ?

(11) Affirme que l’éducation nécessitera un développement professionnel continu tout au long de la vie pour la majorité des gens. Afin d’acquérir la flexibilité que supposent les nouvelles technologies, les travailleur·euse·s auront à poursuivre leur formation tout au long de leur vie. Cette mise à niveau tout au long de la vie est l’une des raisons pour lesquelles le secteur de l’éducation perdra moins d’emplois que les autres secteurs durant la révolution.

(12) Est convaincu que, à l’avenir, la mission des syndicats consistera, du moins en partie, à superviser et à soutenir la mise à niveau continue tout au long de la carrière de leurs membres, requise par leur nouvel environnement de travail. Il est crucial que les syndicats défendent les intérêts de leurs membres et veillent à ce que des programmes de développement professionnel continu gratuits et de bonne qualité soient proposés au personnel de l’éducation, afin de lui permettre d’acquérir les compétences qui lui sont nécessaires pour demeurer compétitif dans un monde en rapide mutation. .

(13) Déclare que tous les syndicats doivent se montrer proactifs face au développement de la numérisation. Les syndicats occupent une position unique pour relever les défis chaque jour plus nombreux que pose l’IA dans l’environnement d'apprentissage et les milieux professionnels. Chaque syndicat devrait consacrer du temps et des ressources en vue de comprendre les défis potentiels qui accompagnent l’introduction de l’IA dans le travail de ses membres. Dès lors que les syndicats comprennent les effets de l’IA, ils peuvent aider efficacement leurs membres à s’adapter aux nouveaux environnements de travail.

(14) Confie au Bureau exécutif de l’IE le mandat suivant :

(i) Evaluer la pertinence d’inscrire dans le plan de travail de l’IE des travaux visant àdocumenter le développement des technologies dans les différents milieux oùœuvrent les syndicats enseignants affiliés à l’IE.

(ii) Encourager les organisations membres à collaborer avec le public qu’elles servent et à élaborer un « pacte social » définissant l’utilisation appropriée de l’IA, ainsi que l’avenir du travail. Il est nécessaire que la population comprenne les risques inhérents au remplacement d’un grand nombre de personnes par des machines d’apprentissage. Les citoyens doivent comprendre que, même si leurs propres emplois ne sont pas directement concernés par l’IA ou même s’ils et elles ne participent pas au monde du travail, en l’absence d’un pacte social performant, ils et elles ressentiront également les effets négatifs de cette révolution.

(iii) Insister sur la nécessité de créer une commission composée de syndicalistes, employeurs et de représentant·e·s des gouvernements et de l’OCDE étudie et adresse des recommandations concernant le champ d’application et l’utilisation éventuelle de l’IA et de la robotique sur le lieu de travail et concernant l’avenir du travail dans nos pays. Des commissions similaires devraient se réunir dans chaque état / pays.

(iv) Développer des lignes directrices définissant le contenu de la négociation collective et des politiques publiques pour l’introduction éventuelle de l’IA et de la robotique sur le lieu de travail et dans les services publics. Ces lignes directrices permettraient aux travailleur·euse·s de définir des accords locaux et des politiques le plus rapidement possible sans avoir à analyser une nouvelle fois ce qui a été fait au niveau national.

(v) Développer conjointement des stratégies (politiques, législatives et médiatiques) afin que l’introduction de l’IA et de la robotique sur le lieu de travail puisse assurer la protection des travailleur·euse·s , et soit réglementée efficacement, protège la vie privée et offre aux travailleur·euse·s de nombreuses possibilités d’acquérir « gratuitement » les compétences nécessaires pour garantir un emploi rémunérateur.

(vi) Développer des stratégies internes incluant des politiques d’emploi sectorielles pour l’IA et des programmes destinés à aider les personnes sous-employées à acquérir les nouvelles compétences et à obtenir un emploi à temps plein. Les syndicats devraient se réorganiser afin de devenir des partenaires essentiels des travailleur·euse·s tout au long de la vie, alors qu’ils et elles évoluent dans ce nouveau monde du travail en mutation constante.

(vii) Affirmer l’importance des compétences et des capacités uniques des êtres humains face à l'automatisation et à la robotisation, et promouvoir le rôle du personnel enseignant dans le développement des compétences non techniques et non cognitives, en complément des compétences cognitives.

(viii) Continuer à travailler avec la communauté syndicale mondiale et à collaborer en vue de trouver des moyens efficaces pour affronter cette nouvelle réalité. Ce n’est pas le moment de faire marche arrière. L’heure est venue de rechercher de nouvelles informations, de nouvelles interprétations et de créer un consensus concernant les meilleurs moyens pouvant être mis en œuvre par les syndicats partout dans le monde pour façonner la réalité du travail au cours des prochaines décennies.