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Internationale de l'Education
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Chili: les enseignant(e)s contre la répression des manifestations étudiantes

Publié 14 août 2012 Mis à jour 1 décembre 2015

Le Colegio de Profesores (CPC), l'affilié de l'IE au Chili, a condamné la « répression violente et injuste » exercée par les forces de police spéciales à l'encontre d'une manifestation étudiante.

Mercredi 8 août, des milliers d'étudiant(e)s se sont rassemblé(e)s dans la capitale, Santiago, pour exiger que leur droit à une éducation gratuite soit respecté par le gouvernement.

Ils/elles ont réaffirmé leur droit à une éducation subsidiée par le gouvernement, par opposition au modèle d'économie de marché auquel ils/elles sont soumis(es) actuellement.

Les dirigeant(e)s étudiant(e)s chilien(ne)s ont demandé à leur gouvernement de reprendre le contrôle des universités publiques largement privatisées, afin d'offrir une équité d'accès à une éducation de qualité. Ils/elles ont également demandé que le gouvernement modifie le système fiscal. Actuellement, ce système inflige une imposition plus élevée aux pauvres et finit par les laisser dans l'incapacité de payer des droits de scolarité sans cesse croissants.

Malheureusement, les protestations ont mal tourné. Tant des étudiant(e)s que des officiers de police ont été sévèrement blessé(e)s. Deux autobus scolaires auraient également été incendiés par des manifestant(e)s étudiant(e)s. Le gouvernement chilien a réagi de manière disproportionnée à la manifestation, invoquant que le droit des étudiant(e)s à manifester avait récemment été révoqué après leur précédente manifestation, le 28 juin, qui avait aussi malheureusement donné lieu à la violence. La « Loi Hinzpeter», approuvée par le Comité de la sécurité civile de la Chambre des députés chilienne, à la suite de la manifestation du 28 juin, restreint la liberté de réunion des étudiant(e)s. Tant les étudiant(e)s que les enseignant(e)s l'ont jugée arbitraire.

Les syndicats d'enseignants soutiennent les étudiant(e)s

« Le Gouvernement chilien fait preuve d'un manque absolu de compréhension à propos de ce mouvement social, et adopte une attitude anti-démocratique », ont dit Barbara Figueroa, directrice nationale du CPC, et Silvia Valdivia, une autre représentante du syndicat, qui participaient à la manifestation.

Figueroa a ajouté qu' « il n'était pas possible que le gouvernement Piñera continue d'ignorer les citoyens, les acteurs sociaux, les étudiants, les enseignants et les travailleurs, qui ont démontré qu'ils ne se tairaient pas, ni n'accepteraient que leurs droits soient bannis, malgré la pression exercée par les autorités ».

« Nous, les éducateurs, sommes venus ici parce que les revendications des étudiants sont également les nôtres », a-t-elle souligné. « Depuis qu'ils ont introduit la décentralisation administrative au niveau communautaire, nous avons rejeté cette forme d'administration, car elle ne fait qu'élargir les différences sociales. »

Figueroa a en outre indiqué qu' « en vue d'améliorer la qualité de l'éducation pour nos enfants et nos jeunes enseignants, nous appelons à une grève des enseignants, le 28 août; les enseignants de par le monde sont invités à se joindre à notre action de mobilisation universelle ».

Figueroa a continué en déclarant que « le CPC dénonce la réforme fiscale récemment mise en œuvre par le gouvernement, car elle exonère de paiement les parents dont les enfants fréquentent l’école privée. Il s’agit d’une claque à la figure de l’éducation publique. »

« Nous ne pouvons autoriser notre gouvernement  à continuer de nier à la jeunesse chilienne l’égalité d’accès à une éducation publique de qualité. Les militants sociaux, les enseignants, les étudiants et les autres travailleurs du secteur de l’éducation ont de façon répétée montré qu’ils ne resteront pas silencieux ni ne reviendront sur leurs demandes face à la répression. »

« Le Gouvernement chilien  pense que les dépenses dans l’éducation ne servent qu’à accroître les salaires des enseignants, » a-t-elle ajouté.  Ceci ne prend pas en considération les aspects importants de la profession enseignante que sont les dépenses nécessaires dans le secteur de l’éducation, telles que la formation des enseignants ou la formation sur le terrain dans le service public! Le CPC croit fermement qu’avec la collaboration de l’Etat, la société chilienne pourrait bénéficier d’un système éducatif exhaustif offrant de réelles opportunités depuis la salle de classe. »

Le 25 juin, le Président du CPC, Jaime Gajardo, a déjà décrit, lors d'une conférence de presse, la loi Hinzpeter comme « un pas en arrière ».

Lors d'un assemblée nationale extraordinaire, près de 200 enseignant(e)s chilien(ne)s ont exprimé leur rejet des mesures prises par le gouvernement à l'égard du secteur de l'éducation.

Ils/elles ont également exprimé leur soutien vis-à-vis de la mobilisation étudiante.

La réforme de l'éducation en suspens

Ces manifestations sont la partie émergente d'un combat mené depuis mai 2011. En avril 2012, le Ministre de l'Education chilien, Harald Beyer, a proposé un nouveau plan de financement des universités, selon lequel les prêts aux étudiant(e)s ne se feraient plus par le biais de banques du secteur privé, et les taux d'intérêts sur les prêts seraient réduits de 6 à 2%.

Le Président de la Fédération des étudiants de l'Université du Chili, Gabriel Boric, a rejeté la proposition, en déclarant: « Nous ne voulons pas échanger une dette par une autre dette; c'est ce que le gouvernement nous offre ».

La solidarité de l'IE

L'IE suit, et continuera à suivre de près, la situation de l'éducation au Chili. Elle soutient la lutte des étudiant(e)s et enseignant(e)s chilien(ne)s pour une éducation publique gratuite et de qualité. Elle exhorte les autorités chiliennes à entamer un dialogue loyal avec les syndicats d'étudiants et d'enseignants, et s'oppose à ce que les étudiant(e)s soient privé(e)s de leur droit à la négociation collective.

Le 25 avril, une délégation de l’IE a rencontré les syndicats de l’éducation chiliens, dans le cadre d'une grande manifestation en faveur de l'éducation publique, à Santiago. Plus de 50.000 personnes ont appelé au financement par l'Etat d'une éducation de qualité. Les dirigeant(e)s syndicaux/ales se sont réuni(e)s avec le personnel enseignant, les universitaires et les étudiant(e)s. De même, la délégation de l'IE a rencontré le Ministre chilien de l'Education, Harald Beyer, à qui ils ont exprimé leur inquiétude face à la volonté quasi inexistante d'écouter les demandes légitimes des organisations syndicales. Lors d'une rencontre avec les représentant(e)s de l'Organisation internationale du Travail (OIT) au Chili, la délégation a exprimé les préoccupations de la communauté éducative mondiale concernant la « dette historique » dont l'Etat chilien est toujours redevable vis-à-vis de milliers d'enseignant(e)s, depuis la dictature du Général Augusto Pinochet.

Le Secrétaire général adjoint de l'IE, David Edwards, a affirmé: « Cette marche est une preuve de plus de la ferme conviction du peuple chilien que l'éducation est un droit fondamental pour toutes et tous ». Edwards a insisté sur la nécessité d'une profonde réforme du système éducatif chilien, en vue de la création d'un modèle alternatif aux politiques éducatives néolibérales. Il croit en « un processus au sein duquel les syndicats d'enseignants sont et seront les acteurs clés de la remise en place d'un système éducatif non élitiste, ouvert à toutes et tous ».