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Internationale de l'Education
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Les syndicats d’enseignants: une force positive pour l’éducation de qualité

Publié 15 mars 2016 Mis à jour 5 avril 2016

En début de semaine, le Secrétaire général de l’IE Fred van Leeuwen a engagé le débat avec des militant(e)s anti-syndicaux dans le cadre du Forum mondial sur l’éducation et les compétences, réuni à Dubaï, au cours duquel il s’est opposé à une déclaration selon laquelle « les syndicats d’enseignants constituent un obstacle à l’éducation de qualité ».

Allocution d’ouverture de Fred van Leeuwen, Secrétaire général de l’Internationale de l’Education:

Nous devons, en premier lieu, nous pencher sur un malentendu fondamental: l’idée selon laquelle il existe d’un côté les enseignantes et enseignants et de l’autre les syndicats de l’éducation et leurs responsables. Certains gouvernements se plaisent à souligner cette distinction, comme pour affirmer que les syndicats d’enseignants ne sont en rien représentatifs de la profession. L’autre jour, un ministre de l’Education m’a confié qu’il n’avait pas besoin de s’adresser au syndicat d’enseignant local, puisqu’il était en contact au quotidien avec les enseignantes et enseignants - sur Twitter.

Dans bon nombre de pays, la plupart des enseignantes et enseignants sont affiliés à des organisations syndicales professionnelles indépendantes et démocratiques, chargées d’une double mission. La première consiste à défendre les intérêts de leurs membres et ceux de la profession dans son ensemble, la seconde à promouvoir l’éducation de qualité et l’égalité. Ces deux missions ne sont en rien contradictoires. Elles se veulent complémentaires.

L’équation est très simple: l’éducation de qualité reste indissociable d’un enseignement de qualité qui, lui-même, requiert un personnel enseignant hautement motivé et qualifié - ce qui ne se fera pas sans garantir des conditions d’emploi et de travail justes et équitables. Cette affirmation selon laquelle les organisations d’enseignants constitueraient un obstacle à l’éducation de qualité est parfaitement ridicule. Le contraire, en revanche, est vrai.

L’histoire nous démontre que les organisations d’enseignants ont toujours été les principaux promoteurs de l’amélioration de la qualité de l’éducation et les premiers défenseurs de l’égalité des chances. Est-ce une coïncidence si les 23 Etats les plus performants selon les classements PISA sont ceux où les syndicats d’enseignants sont les plus puissants? Bien sûr que non. La plupart des réformes éducatives qui ont porté leurs fruits au sein des économies industrialisées ont été initiées par les syndicats d’enseignants, tout comme les programmes de développement professionnel les plus efficaces.

A Detroit, dans l’Etat américain du Michigan, nous rencontrons bien trop souvent des écoles délabrées. Mais certaines représentent une véritable menace: moisissures qui noircissent les couloirs, toilettes cassées, fils électriques exposés à l’air libre. Enseignantes et enseignants et parents se sont adressés aux responsables de ces établissements, mais en vain. Notre affilié a dès lors lancé un mouvement de grève pour demander de procéder aux réparations. Le maire a finalement visité les écoles en question et a déclaré les bâtiments zones dangereuses. Les syndicats d’enseignants... un obstacle à la qualité de l’éducation? Bien sûr que non. Ils sont, au contraire, bien souvent au premier plan lorsqu’il s’agit de demander aux représentantes et représentants des autorités publiques de rendre des comptes.

Aux Pays-Bas, nos affiliés ont déclaré un jour de grève dans l’enseignement primaire pour s’opposer aux coupes drastiques réalisées dans les budgets de l’enseignement spécial. Non pas en vue d’obtenir une augmentation des salaires ou des pensions, mais bien pour exiger une amélioration de la qualité de l’éducation. Les autorités publiques ont mis un terme à leurs coupes budgétaires. Les syndicats d’enseignants... un obstacle à la qualité de l’éducation? Bien au contraire, ils sont prêts, s’il le faut, à se battre sur le terrain politique pour amener nos dirigeantes et dirigeants à faire les bons choix.

Au Liban, malgré le refus des autorités publiques de respecter une convention collective en place depuis dix ans, notre affilié a décidé de répartir le travail en deux équipes afin de pouvoir accueillir les centaines de milliers d’enseignantes et enseignants réfugiés dans les écoles publiques. Les syndicats d’enseignants... un obstacle à la qualité de l’éducation? Restons sérieux. Ils contribuent, au contraire, à offrir un véritable accès à l’éducation.

Dans une multitude de pays africains, au plus fort de la crise financière, les enseignantes et enseignants, tous affiliés à leurs syndicats nationaux, ont travaillé pendant des mois sans percevoir le moindre salaire. Ils n’ont jamais abandonné leurs classes et ont poursuivi leur travail avec les étudiantes et étudiants, après avoir décidé ensemble que ces derniers ne devaient pas être victimes de la crise.

Prenons un dernier exemple: la Californie. Lorsque le gouverneur Arnold Schwarzenegger a décidé de sabrer dans le financement des écoles situées en zones défavorisées, notre affilié l’a poursuivi en justice et a remporté plusieurs millions. Le syndicat a-t-il utilisé cette somme pour augmenter le salaire de ses employées et employés ou l’a-t-il placé dans ses coffres? Non! Il a réinvesti cet argent dans les écoles les plus pauvres.

Personne ne choisit la profession enseignante pour l’argent. Les enseignantes et enseignants prennent soin de nos enfants et souhaitent offrir à leurs étudiantes et étudiants une chance équitable de réussir. Les syndicats d’enseignants sont guidés par cette même ambition.

Mais venons-en maintenant à ces enseignantes et enseignants « médiocres » que nous protégeons. Oui, nous protégeons toutes les enseignantes et tous les enseignants, celles et ceux qui, prônant l’innovation, s’opposent à leur conseil d’administration conservateur, celles et ceux qui, plus traditionnels, se confrontent aux principes progressistes, et oui, nous défendons aussi « les enseignantes et enseignants médiocres ou moins performants », qui ont également droit à une direction responsable quel que soit le régime politique. Cela s’appelle un processus en bonne et due forme, et les écoles performantes, les dirigeantes et dirigeants et les syndicats travaillent au quotidien dans le respect de ce principe, au sein des meilleurs systèmes éducatifs du monde.

Ceux et celles, parmi mes opposantes et opposants, qui craignent les syndicats de l’éducation doivent se sentir particulièrement à l’aise dans ce pays qui nous accueille aujourd’hui, où les enseignantes et enseignants se voient refuser le droit de s’affilier à des syndicats indépendants, ou non loin d’ici, dans la péninsule du Bahreïn, où les membres de notre affilié sont sévèrement réprimés et ses responsables placés en détention pour avoir pris ouvertement la défense des étudiantes et étudiants et des enseignantes et enseignants.

Je me permets de mentionner ce qui précède car, outre le rôle important que jouent les syndicats de l’éducation dans l’amélioration des normes professionnelles et de la qualité de l’éducation, ils forment également un maillon essentiel de toute société démocratique, à la fois en tant que représentants d’une profession chargée de transmettre les valeurs de la démocratie aux générations futures et en tant que groupes de pression cherchant à instaurer la justice sociale et la primauté du droit.

Conclusion, si les syndicats d’enseignants constituent réellement un obstacle à l’éducation de qualité, je demande alors à mes opposantes et opposants de m’expliquer pourquoi dans le Nord et l’Ouest des Etats-Unis, régions où la présence syndicale reste fortement marquée, le salaire des enseignantes et enseignants, les subventions par étudiant et les résultats scolaires sont nettement plus élevés que dans les Etats du Sud soumis au Right-to-Work(droit de travailler). Les chiffres ne sont jamais le fruit du hasard.

Ici se termine mon plaidoyer.