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Internationale de l'Education
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La fin de l'éducation en Somalie

Publié 16 janvier 2009 Mis à jour 16 janvier 2009

Cinq enseignants et huit élèves ont été tués, et près de 30 000 autres élèves, ont été privés de leur droit à l'éducation après la fermeture à la mi-octobre des dernières écoles encore ouvertes dans la capitale somalienne de Mogadiscio, en raison des risques inacceptables de violence.

Osman Mohamoud, Président du Syndicat national des enseignants de Somalie (SNUT), a déclaré que les écoles avaient longtemps tenté de rester ouvertes près des « zones de conflit », mais qu'il était à présent devenu impossible de continuer à mettre les élèves et les enseignants en danger. « En tant qu'enseignants, nous avons persévéré autant que nous avons pu pour continuer à enseigner dans les conditions les plus dangereuses, mais il est devenu impossible d'exposer les jeunes enfants à plus de danger », déclare Osman Mohamoud. « Il est inacceptable de transformer nos dernières écoles en bases militaires. Les écoles devraient être des havres de paix pour les enfants. »

La plupart des écoles de Mogadiscio ont fermé leurs portes il y a longtemps en raison de l’intense agitation, mais quelques-unes étaient restées ouvertes – en dépit de l'escalade des violences et de l'augmentation du nombre de morts. Au cours des trois mois précédents, on compte au moins cinq enseignants tués et plus de neuf autres blessés. Pendant cette période, huit élèves ont également été tués et quinze autres gravement blessés dans le quartier connu sous le nom de K4.

« Nous avons fermé 34 écoles et universités restées ouvertes à Mogadiscio lorsque les forces gouvernementales somaliennes ont déployé leurs soldats autour du quartier K4 où les écoles avaient été transférées », déclare Mohamed Saeed Farah, porte-parole de l’association des écoles somaliennes pour l’éducation formelle (SAFE), une organisation locale de coordination. En raison de sa stabilité relative par rapport au reste de la capitale, le quartier K4 rassemblait au moins 27 200 étudiants. A présent, même cette oasis de calme relatif s'est envolée, emportant avec elle toute opportunité d'apprentissage. Cette fermeture marque la fin de toutes les activités éducatives dans la capitale, où la violence et l'anarchie ont été les mots d'ordre de ces deux dernières années, soit depuis que les forces gouvernementales somaliennes ont repris, avec le soutien de l'Ethiopie, la partie centre-sud du pays des mains d'un groupe islamiste.

Deux décennies de violence ont eu raison des écoles situées dans le sud et le centre de la Somalie, qui ont fermé leurs portes depuis longtemps. Les forces gouvernementales éthiopiennes et somaliennes ciblaient les écoles, tandis que des groupes d'insurgés lançaient des attaques contre les soldats et ce, à proximité des bâtiments scolaires.

Cependant, poursuivre l'éducation comme avant est impossible dans le contexte actuel. Le SNUT a écrit de nombreuses fois aux responsables du gouvernement local ainsi qu'aux ministres de l'Education, afin de les exhorter à mettre un terme à la militarisation des écoles et à arrêter de prendre les étudiants et enseignants pour cible, mais sans résultat.

Les responsables du SNUT, le seul syndicat d'enseignants du pays, ont dû faire face au harcèlement constant des parties en guerre. Les principaux locaux du syndicat à Mogadiscio ont également été fermés par les soldats du gouvernement somalien.

C’est de Suède, où il s’est réfugié, et par courriel, qu’Osman Mohamoud a envoyé sa déclaration sur la fermeture des écoles. Il a fui la Somalie il y a un an, à la suite des multiples menaces de mort lancées par des groupes locaux et du harcèlement exercé par les forces gouvernementales éthiopiennes et somaliennes.

Parallèlement, les enseignants somaliens tentent toujours de se montrer professionnellement responsables. Certains se sont portés volontaires afin d’enseigner dans les camps pour les populations déplacées en périphérie de Mogadiscio. Selon les Nations Unies, plus d'un million de personnes déplacées, soit près de la moitié des résidants de la capitale, vivent de façon sordide dans des abris de fortune.

Pour subvenir à leurs besoins ainsi qu'à ceux de leur famille, les enseignants sont également obligés de prendre un autre emploi, dans la construction par exemple, ou comme vendeur sur les marchés, boulanger, etc., tandis que d'autres lancent de petites affaires.

Les enseignants qui n'ont pas la chance de trouver un emploi survivent avec le soutien de leurs collègues qui travaillent. Le SNUT a permis de coordonner des partenariats de solidarité entre les enseignants qui ont trouvé un travail et ceux qui sont sans emploi.

« Même s'ils se trouvent en plein cœur d'une lutte existentielle, les membres et les responsables du SNUT sont constamment en contact et tentent de s’entraider dans cette période difficile de notre histoire », déclare Osman Mohamoud.

Par Abdurrahman Warsameh

Cet article a été publié dans Mondes de l'Éducation, No. 28, Décembre 2008.