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Internationale de l'Education
Internationale de l'Education

L’investissement dans l’éducation participe à la solution face à la crise économique

Publié 12 mai 2009 Mis à jour 12 mai 2009

Ces six derniers mois, nous avons assisté avec inquiétude au développement de ce qui apparaît aujourd’hui clairement comme la pire crise de l’économie réelle depuis la Grande dépression des années 1930. Malheureusement, les travailleurs, qui n’ont aucune responsabilité dans cette crise, en subissent les conséquences : chômage massif, coupes sombres dans les services publics, instabilité sociale et espoirs déçus.

Le mouvement international du travail a cependant développé un agenda audacieux et un plan clair définissant les orientations et les changements nécessaires afin de faire face à cette crise mondiale.

Les perspectives sont de toute évidence moroses. L’Organisation internationale du travail a récemment revu à la hausse ses estimations de pertes d’emplois pour 2009. Cette année, le chômage mondial devrait augmenter par rapport à 2007 de 18 à 30 millions de travailleurs, et de plus de 50 millions si la situation continue à se détériorer. Selon ce scénario, quelques 200 millions de travailleurs, principalement dans les économies en développement, pourraient sombrer dans une pauvreté extrême.

En même temps, les banquiers et les financiers de Wall Street, qui ont réclamé à corps et à cris un investissement public de plusieurs milliards de dollars afin de sauver le système financier, ont continué à s’octroyer des milliards de dollars de bonus, pratique « honteuse » selon le Président américain Barack Obama.

« Honteux en effet », a déclaré le Secrétaire général de l’IE Fred van Leeuwen, soulignant que les 18 milliards de dollars empochés par les personnes à l’origine même de la crise auraient pu envoyer à l’école 75 millions d’enfants privés d’accès à l’éducation à travers le monde.

Mais, comme toujours en période de crise, il existe des opportunités de changement. L’Internationale de l’Education et d’autres syndicats mondiaux saisissent l’occasion pour revendiquer une réforme fondamentale du système économique, inspirée par la justice sociale, les droits humains, des emplois décents et une coopération internationale, et non par la concurrence et l’appât du gain.

« Le glas du fondamentalisme de marché a sonné », écrit Barbara Wettstein, d’UNI Finance, dans le journal International Union Rights. « Mais la réforme doit être complète et mondiale… Le nouveau modèle économique doit placer les travailleurs et le développement durable avant les intérêts des financiers et des spéculateurs. »

À présent que les décideurs économiques sont forcés de reconnaître la nécessité de nouvelles structures régulatrices et architectures financières, les syndicats demandent à faire partie de la solution, en insistant sur leur juste place à la table des négociations et leur poids dans le dialogue mondial.

Pour ce faire, l’IE développe un Plan d’action pour l’éducation et l’économie, afin de protéger l’éducation contre la crise économique et de mobiliser le soutien politique à l’investissement dans l’éducation, élément essentiel de la relance économique. L’IE et ses membres font pression sur leurs gouvernements respectifs afin de garantir que l’éducation fasse partie intégrante de toutes les mesures de relance mises en œuvre. En particulier, les affiliés des pays du G20 diffusent ce message chez eux, en perspective de la réunion du groupe à Londres en avril prochain.

Fred van Leeuwen a insisté sur le fait que le plan d’action doit respecter les principes de base de l’IE : l’éducation est un bien public et non une marchandise ; l’éducation va au-delà de l’économie ; l’éducation est essentielle dans nos sociétés et ce à plusieurs niveaux, notamment sociaux et économiques ; et en particulier une éducation de qualité requiert des enseignants de qualité.

Il a noté qu’en presque 16 ans d’existence de l’IE, la lutte des syndicats enseignants pour mettre ces principes en pratique a été ardue.

« Elle va devenir encore plus difficile, beaucoup plus difficile », a-t-il averti. « Lorsque l’effondrement financier frappera de plein fouet l’économie mondiale, les systèmes éducatifs mondiaux seront confrontés à des défis jamais connus de notre vivant. La crise a débuté au Nord, mais affecte déjà le monde entier. Le Sud, qui se relève à peine d’erreurs telles que l’ajustement structurel, sera profondément touché lorsque la récession mondiale s’installera. Les Objectifs du Millénaire pour le développement avec 2015 pour horizon sont dangereusement menacés. La crise financière et économique menace tout ce pour quoi nous avons travaillé. »

Dans certains pays européens, l’impact sur l’enseignement public se fait déjà sentir en termes de diminution des dépenses publiques et d’augmentation de la privatisation. L’Italie et l’Irlande, par exemple, ont réduit drastiquement le financement de l’éducation, suscitant de vives protestations de la part des syndicats, des enseignants, des parents et des étudiants.

L’IE insiste sur le fait que les gouvernements devraient investir au lieu de réduire les dépenses éducatives, afin de stimuler la croissance, la stabilité sociale et l’économie de la connaissance. Les incitants fiscaux via l’investissement dans les services publics et la protection sociale des plus vulnérables sont la meilleure chance de relance.

Lors d’une récente réunion avec les représentants des institutions financières internationales, le Secrétaire général de l’IE a appelé le Président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, à défendre des Objectifs du Millénaire pour le développement, et en particulier l’Education pour tous, contre les ravages de la crise actuelle.

« Il n’y a selon moi rien de plus important », a déclaré Robert Zoellick, ajoutant qu’il cherchait à persuader les gouvernements d’inclure dans leurs mesures de relance des financements pour des services vitaux dans les pays en développement, notamment en matière d’éducation et de santé.

« Nous disposons de preuves tangibles que ce type de dépenses appuiera la relance mondiale et aidera également les économies plus avancées », a-t-il affirmé.

En effet, le Fonds monétaire international a récemment fait rapport aux pays du G20 de son évaluation de l’effet multiplicateur pour trois options politiques : les réductions fiscales, l’investissement dans les infrastructures et les « autres » dépenses gouvernementales. L’enseignement public se classe dans la troisième catégorie.

Selon le document du FMI, les dépenses publiques de la catégorie « autres » ont un effet multiplicateur considérablement plus important que les réductions fiscales (1.0 contre 0.6), bien que celui de l’investissement dans les infrastructures soit encore supérieur (1.8 contre 0.6). Clairement, les réductions fiscales sont l’option politique la moins efficace.

Alors que les économies industrialisées peinent à trouver des solutions, le monde en développement craint de plus en plus de devoir subir les conséquences économiques négatives et une réduction de l’aide au développement. La plupart des gouvernements du G8 n’ayant pas honoré leurs engagements en période faste, on craint qu’ils s’exécutent encore moins à présent qu’ils sont confrontés à cette crise.

Cependant, une étude du Centre de développement de l’OCDE révèle que le soutien à l'aide au développement reste important malgré la crise. Le moment est mal choisi pour priver des gens qui ont déjà si peu. Dans le Policy Insights N° 87, intitulé Fallout from the Financial Crisis (5) (Retombées de la crise financière), Robert Zimmerman rapporte que :

« Les preuves démontrent que le soutien public à l’aide au développement est fort, comme cela a été le cas ces vingt dernières années. Les politiciens à la recherche de diminutions "faciles" de leurs budgets devraient y réfléchir à deux fois. D’abord, le soutien important à l’aide au développement se reflète dans une société civile bien organisée, qui s’opposera au non respect des engagements des donateurs en faveur d’une aide plus importante et meilleure. En effet, en temps de crise, la charité semble être plus répandue et la redistribution plus populaire. Ensuite, en période de crise financière mondiale, les pauvres des pays en développement ont plus que jamais besoin de l’aide au développement. Les contribuables semblent s’en rendre compte. À leur décideurs d’en faire autant. »

Cet article a été publié dans Mondes de l'Éducation, No. 29, mars 2009.