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Mithat Güley ‘’J’ai pensé à entamer une grève de la faim’’

Publié 11 juillet 2017 Mis à jour 1 août 2017

Alors qu’il est en chemin pour la rentrée scolaire 2016-2017 dans la petite ville d’Adiyaman, au sud-est du pays, Mithat reçoit un appel téléphonique d’un ami. Son nom figure sur la liste des enseignants licenciés.

Alors qu’il est en chemin pour la rentrée scolaire 2016-2017 dans la petite ville d’Adiyaman, au sud-est du pays, Mithat reçoit un appel téléphonique d’un ami. Son nom figure sur la liste des enseignants licenciés. Professeur de biologie au lycée depuis 16 ans, c’est tout un monde qui s’écroule. Si officiellement il est accusé de soutenir ‘’une organisation terroriste’’, Mithat connait, dit-il, la ‘vraie raison’ derrière son renvoi. En décembre 2015, alors que les affrontements entre l’armée turque et des militants kurdes du PKK (le parti des travailleurs du Kurdistan) ont repris dans le sud-est du pays, une centaine d’enseignants ont participé à un jour de grève pour dénoncer la reprise des violences, dans le centre ville d’Adiyaman. Tous ceux en première ligne de cette manifestation ont été victimes des purges qui ont suivies la tentative de coup d’Etat. Cela fait dix mois que Mithat est sans travail. Il avait trouvé quelques heures dans une école de cours du soir mais l’employeur s’est rétracté. ‘‘Les directeurs ont peur de m’embaucher car je suis accusé de soutenir des terroristes’’ explique-t-il,‘’je ne peux plus travailler, j’ai 41 ans et je ne parle pas anglais. Quel autre métier pourrais-je faire ?’’. Le regard dans le vide, il se souvient avoir pensé à vendre sa voiture et à revenir vivre chez ses parents. C’est grâce au soutien financier de son syndicat, Eğitim-Sen, et de ses amis, qu’il a pu garder ses biens. Chaque mois, il reçoit environ 2 000 TL (500 euros), juste de quoi subvenir à ses besoins.

Pour cet hyperactif, l’exclusion de la société est la pire des sentences.‘’C’est une mort sociale’’ lance-t-il l’âme en peine.‘’Adiyaman est une petite ville où tout le monde se connait. En tant qu’enseignant j’avais un statut, j’étais reconnu et respecté. Aujourd’hui, les gens ne me saluent même plus dans la rue de peur des représailles.’’ Il ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec les cours de biologie qu’il enseignait à ses élèves.‘’Pendant les cours sur le Sida, je prenais soins de leur expliquer la maladie et ses transmissions mais je les sensibilisais aussi au fait qu’on peut toujours serrer la main d’un malade, par exemple. Je leur disais qu’il ne fallait pas les considérer comme des pestiférés. Aujourd’hui j’ai l’impression d’être à la place de ces malades dont je parlais à mes élèves’’.

En l’espace de dix mois, Mithat et d’autres collègues ont tenté tous les recours possibles. Mais aucune instance auprès desquelles ils ont fait appel ne se considère compétente pour juger leurs dossiers. Mithat baisse les yeux, dans un soupir il confie‘’il y a quatre mois j’ai pensé à entamer une grève de la faim. Je n’ai pas pu m’y résoudre, ma mère en serait morte de chagrin’’.

C’est sans doute la chose la plus difficile à gérer pour lui. S’il s’estime heureux dans son malheur car au moins, dit-il, il n’a pas d’enfants à charge, la tristesse et l’anxiété que cette situation génère à sa famille ajoute un peu plus de culpabilité au poids qui pèse déjà sur ses épaules.