Ei-iE

Résolution: Revendiquer, resister, reconquerir

Publié 19 septembre 2019 Mis à jour 19 septembre 2019

Le 8ème Congrès mondial de l’Internationale de l’Education (IE), réuni à Bangkok du 21 au 26 juillet 2019 :

(1) Notant que plus de 10 ans après la crise économique et financière de 2008, les politiques d’austérité et de plans d’ajustement structurels, sous l’égide du Fonds Monétaire International notamment, pour répondre aux exigences des marchés financiers, se sont considérablement aggravées dans le monde entier, faisant porter injustement tout le poids de la dette aux peuples ;

(2) Observant que, parallèlement, les impôts sur les profits et pour les plus riches baissent ; les évasions fiscales et les évitements fiscaux de même que la corruption, dans les pays pauvres et certains pays riches, se poursuivent, privant les secteurs publics de ressources nécessaires ;

(3) Constatant que, dans les pays en développement, ces politiques, se mènent bien souvent en fonction d'intérêts extérieurs ou étrangers sous l'égide d'institutions internationales (FMI, Banque mondiale), au détriment de la population, contribuant à l'aggravation de la misère, avec des conséquences graves et multiples, dont celle de pousser des millions d’hommes, de femmes et d’enfants sur les chemins de l’émigration, aboutissant à une crise humanitaire sans précédent ;

(4) Observant que ces politiques se traduisent par un sous-investissement voire une baisse continuelle des budgets des services publics, en particulier celui de l’éducation avec des effets alarmants ; que le désengagement de l’état aboutit, dans certains cas, au délabrement pur et simple du système éducatif, privé des moyens les plus élémentaires de fonctionnement ; et à l’intervention croissante du secteur privé dans l’éducation qui, échappe parfois à tout contrôle de l'état ;

(5) Notant que, au cours des dix dernières années, des billions de dollars de revenus de particuliers et de sociétés se sont envolés vers des paradis fiscaux non transparents grâce aux évitements fiscaux créés par les responsables politiques pour bénéficier aux riches ; cette évasion fiscale renforce considérablement les inégalités et la corruption mondiales, et l'argent perdu en raison des paradis fiscaux a un impact significatif sur les budgets des gouvernements déjà soumis à une pression fiscale énorme

(6) Observant que, dans les pays en développement, l'application de la réforme LMD se traduit par des dysfonctionnements majeurs des systèmes d'enseignement supérieur;

(7) Constatant que cela s’accompagne d’une augmentation sans précédent du recrutement de personnels précaires, privés d’une véritable formation et cela aux dépens d’un recrutement en perte de vitesse, voire gelé ou inexistant de personnels qualifiés protégés par un statut ;

(8) Constatant que les salaires des enseignants ont été durement attaqués par des diminutions drastiques, des gels de carrière, des retards de paiement parfois sur plusieurs années ;

(9) Observant que des réformes de l’évaluation professionnelle introduisent le paiement au mérite, certaines primes étant octroyées au prix d’une diminution salariale pour la majorité mais aussi d'un contrôle de l’enseignant au mépris des libertés pédagogiques et académiques se soldant également par un chantage au salaire et à l’emploi ;

(10) Constatant que les systèmes de retraites collectifs fondés sur la solidarité intergénérationnelle et à prestations définies sont remis en cause dans de nombreux pays et inexistants dans d’autres ;

(11) Observant que ces politiques menacent la profession elle-même, dont l’attractivité est en net recul ;

(12) Constatant que les conditions de travail se sont encore dégradées, avec une augmentation d’effectifs hors normes dans les classes, la charge de travail et les missions ne cessant d’augmenter ;

(13) Constatant que la stabilité de l’emploi n’est plus garantie, reniant ainsi la recommandation OIT/UNESCO de 1966 : « La stabilité professionnelle et la sécurité de l'emploi sont indispensables, aussi bien dans l'intérêt de l'enseignement que dans celui de l'enseignant, et elles devraient être garanties même lorsque des changements sont apportés à l'organisation de l'ensemble ou d'une partie du système scolaire. » et celle de 1997 : « La sécurité de l'emploi dans la profession, y compris le régime de la permanence lorsqu'il existe ou le cas échéant son équivalent fonctionnel, devrait être préservée car elle est essentielle tant pour l'enseignement supérieur que pour son personnel enseignant. »

(14) Observant que ces politiques entrent en contradiction avec l’objectif affiché par les Nations Unies d’assurer à tous une éducation de qualité (ODD 4) ;

(15) Réaffirmant que le statut élevé des enseignants est indispensable à la qualité de l’éducation mais aussi au progrès de l’ensemble des sociétés (congrès de l’IE, Washington) ;

(16) Considérant les luttes multiples et multiformes que mènent les peuples, dont ’objectif est leur refus de payer les conséquences des politiques d'austérité et d'ouvrir une alternative à ces politiques ;

(17) Observant qu’en cette année du centenaire de l’OIT, dans de nombreux pays, le droit de grève est remis en cause, comme dans de nombreux secteurs ;

(18) Exprimant sa solidarité avec tous les collègues et leurs syndicats qui se battent pour défendre leurs revendications et leurs droits, pour la préservation des conquêtes démocratiques et sociales, pour le droit à l’éducation, à la formation ; pour le droit à des emplois protégés par des conventions collectives et des statuts, souvent contraints à la grève ;

(19) Considérant que ces attaques détruisent les droits pour lesquels les travailleurs et les défenseurs de la démocratie ont combattu depuis plus d’un siècle, à l’échelle nationale comme internationale ;

Le Congrès mondial, par conséquent,

(20) Mandate le bureau exécutif, en coopération avec les organisations membres, pour :

(i) Dénoncer les plans d’austérité, les plans d’ajustement structurel et toutes les mesures qui en découlent (précarisation, salaires trop bas, licenciements..), sapant l’avenir de l’éducation, de la jeunesse et de manière plus générale de nos sociétés.

(ii) Plaider pour que les gouvernements augmentent massivement les investissements dans les secteurs publics afin de mettre fin à leur dégradation alarmante, en particulier celle de l’éducation publique dans le monde et afin de garantir une éducation de qualité à tous ;

(iii) Se résout à ce que l'Internationale de l'Éducation s'emploiera à sensibiliser et à plaider en faveur de rapports transparents sur le coût élevé de l'évasion fiscale parmi les affiliées, les responsables gouvernementaux et nos communautés qui dépendent des services publics ; l’IE plaidera également en faveur de la divulgation et de la suppression des pires niches fiscales offshore et de toute autre manipulation financière susceptible de compromettre la stabilité et l’équité des systèmes de recettes publiques.

(iv) Défendre et renforcer le recrutement de personnels de l’Education sur la base de l’emploi permanent de titulaires garantis par un statut, accompagnée d’un droit à la formation et d’un salaire à la hauteur d’un métier exigeant ; d’agir pour la titularisation de tous les personnels en situation précaire ;

(v) Développer une campagne pour défendre les enseignants comme titulaires garantis par un statut ;

(vi) Effectuer, à partir des revendications précédentes, un vigoureux plaidoyer auprès des organismes intergouvernementaux appropriés tels que l’UNESCO, l’UNICEF, l’OIT, l’OCDE, la Banque mondiale et le FMI, qu’il fasse la publicité de ces revendications et publie régulièrement un état des lieux sur les avancées obtenues;

(21) Ceci afin de faire respecter les recommandations sus-citées et de faire en sorte que la qualité de l’Education soit prioritaire et qu’elle ne soit pas subordonnée aux besoins de l’économie.