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Mondes de l'éducation

La stratégie commerciale de Bridge International Academies joue désormais sur la peur et l’intimidation

Publié 17 juin 2016 Mis à jour 17 juin 2016

Par Angelo Gavrielatos, Directeur de Projet Global Response, Internationale de l'Education

La mauvaise réputation de l’entreprise d’édu-business Bridge International Academies, soutenue par Pearson, ne cesse de s’aggraver, suite à la prolifération de fausses accusations visant à faire emprisonner un chercheur canadien travaillant sur les activités de l’entreprise en Ouganda.

Précisément au moment où ses affaires étaient au plus mal, le prestataire de services éducatifs payants, Bridge International Academies, a eu recours à des tactiques plus que dangereuses pour éluder les questions relatives à ses pratiques. La semaine dernière, Curtis Riep, doctorant et chercheur canadien à l’Université de l’Alberta pour l’Internationale de l’Education (IE), la Fédération syndicale mondiale des enseignant(e)s, a eu l’occasion de se rendre compte de ce que l’entreprise était capable de manigancer pour faire taire ses détracteurs.

Après s’être rendu à l’entretien prévu avec les responsables scolaires le 30 mai, Riep a été appréhendé par la police et accusé par la suite d’usurpation d’identité et de violation de propriété. Bien qu’il ait été relaxé après deux jours d’interrogatoire, cette expérience l’a traumatisé.

Dans un message envoyé par courriel, Riep a déclaré: « Cela démontre jusqu’où sont capables d’aller ces entreprises pour réprimer et museler celles et ceux qui tentent de lever le voile sur leurs activités. Tous les inspecteurs et représentants ministériels avec lesquels j’ai discuté ont déclaré ne pas souhaiter coopérer ou livrer des informations. Ce n’est jamais qu’une nouvelle preuve de ce que j’avance. »

A présent de retour en sécurité au Canada, Riep ignorait que quelques jours auparavant Bridge avait publié un avis de recherche dans un journal national, l’accusant d’usurpation d’identité et de se faire passer pour un de ses employés, une allégation qui s’est avérée fausse.

Dans une lettre ouverte adressée à la co-fondatrice de Bridge, Shannon May, le Secrétaire de l’IE, Fred van Leeuwen, a déclaré: « Les agissements de l’entreprise étaient non seulement sans fondements, mais également irresponsables. Nous jugeons cette situation et ce comportement totalement inacceptables et indignes d’une entreprise qui prétend défendre prioritairement les intérêts des jeunes. » Van Leeuwen a demandé à Bridge de présenter ses excuses à Riep et de l’indemniser pour ses frais de justice.

Bridge, gestionnaire d’écoles payantes dites « low-cost » en Ouganda, au Kenya et plus récemment au Liberia, est soutenu par Mark Zuckerberg de Facebook, la Bill and Melinda Gates Foundation et le conglomérat éducatif Pearson Ltd. Le modèle d’entreprise de Bridge, financé par les deniers publics pour assurer la gestion d’écoles payantes embauchant du personnel non qualifié, a largement prêté le flanc à la critique.

Bien qu’il promeuve une éducation « abordable » pour les enfants parmi les plus pauvres du monde, Bridge force les familles à payer pour des leçons à lire sur des tablettes. Nombreux sont les enfants à devoir étudier dans des environnements inappropriés, notamment dans des classes sans équipements adéquats, sans bureaux, sans chaises.

L’IE, représentant plus de 400 organisations d’enseignants dans 171 pays, mène une campagne mondiale contre la privatisation et la commercialisation de l’enseignement public, Bridge et Pearson faisant partie des entreprises visées par cette campagne.

Le projet de Riep en Ouganda fait suite aux études sur la chaîne d’écoles Omega au Ghana et le déploiement des écoles APEC aux Philippines.

Bien que l’on observe un recul en Ouganda, les projets de l’entreprise progressent partout ailleurs. Dans le sillage de l’épidémie d’Ebola et des années de guerre civile, Bridge cible aujourd’hui le Liberia, un pays appauvri où l’entreprise exerce des pressions sur le gouvernement financièrement exsangue pour l’amener à externaliser l’intégralité de son système d’enseignement public.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.