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Mondes de l'éducation

COMMENT LE GROUPE MONDIAL D’ÉDUCATION PEARSON CRÉE DES MARCHÉS DE L’ÉDUCATION SUPÉRIEURE

Publié 8 novembre 2019 Mis à jour 8 novembre 2019

Un article de Ben Williamson, Université d'Édimbourg, Royaume-Uni 

Pearson, une entreprise internationale d’éducation, s’est établie comme un acteur majeur de l’enseignement supérieur dans le monde entier. Avec des intérêts commerciaux dans l’éducation basée sur les données, les cours en ligne numériques et les modèles d’enseignement supérieur alternatifs, Pearson encourage activement la marchéisation, la commercialisation et la privatisation de l’enseignement supérieur. En se positionnant comme le leader du marché dans le secteur international de l’enseignement supérieur, il remet également en question les objectifs et les pratiques mêmes des universités au niveau international.

Une éducation supérieure basée sur les données

Pearson est un acteur majeur sur le marché de plusieurs milliards de dollars et s'intéresse énormément au commerce mondial dans le domaine de l'éducation numérique basée sur les données. Dans l'enseignement supérieur, Pearson a considérablement investi dans les technologies éducatives basées sur les données. La société a même conclu un partenariat avec IBM Watson pour créer des « tuteurs IA » afin de suivre les actions et les progrès des étudiant·e·s, puis d’« interagir » pour « améliorer les performances des étudiant·e·s ». Ce type d'analyse de données et de technologies basées sur l'intelligence artificielle nécessite un accès à de vastes bases de données sur les étudiant·e·s.

Au Royaume-Uni, de graves inquiétudes ont été exprimées concernant le partage des données sur les étudiant·e·s avec des entreprises privées lorsque Pearson a été autorisé à accéder légalement au jeu de données national sur l’enseignement supérieur par le gouvernement. Parmi ces inquiétudes, citons le risque d'exploitation des données des étudiant·e·s à des fins lucratives, les atteintes à leur vie privée, la réutilisation potentielle ou la vente des données à des fins non déclarées, ainsi que le rôle de Pearson dans la promotion de ses intérêts commerciaux dans l’enseignement supérieur.

Dans le cadre de ses efforts pour recueillir d’énormes banques de données sur les étudiant·e·s, de nouvelles formes d’échanges commerciaux se créent entre les étudiant·e·s et Pearson. Ainsi, les étudiant·e·s transmettent leurs informations en échange d’un soutien personnalisé à l’apprentissage.

Privatisation de l’infrastructure d’enseignement supérieur 

Fournir une infrastructure pour les services d’apprentissage en ligne est l’une des activités les plus dynamiques de Pearson. Grâce à des partenariats avec des universités, la société s’impose comme un prestataire offrant un bon rapport qualité-prix dans un marché concurrentiel pour les programmes « d’éducation internationale ». Plusieurs universités britanniques ont signé un contrat de 10 ans portant sur « l’approche complète de Pearson pour la création de programmes d’études en ligne ou de solutions d’apprentissage individuel ».

De cette façon, Pearson aide les universités à se centrer davantage sur le marché. Ils s’expriment dans les mêmes termes en se référant à « l’étude en ligne flexible » et à la satisfaction « de la demande des marchés du travail en évolution ». Son infrastructure d'apprentissage en ligne est conçue pour permettre aux établissements d'être plus innovants, axés sur le numérique et accessibles à un groupe international plus large d'étudiant·e·s payant des frais d’inscription.

Parallèlement, Pearson redéfinit les fournisseurs d’enseignement supérieur pour qu’ils agissent davantage comme des entreprises concurrentielles ayant des clients à attirer. Pearson fournit les solutions d'infrastructure privatisées pour permettre ces nouvelles formes d'échange sur le marché entre les étudiant·e·sconsommateur·rice·s et les fournisseurs de services d'enseignement supérieur.

Offre et demande du secteur

Pearson intervient activement dans la création d’un marché pour une prestation « alternative » de l’enseignement supérieur. La société a créé le Pearson College London en 2012, la seule société britannique FTSE 100 à décerner des diplômes. L’établissement se présente comme étant « alimenté par l’expérience du secteur » et comme un fournisseur de marché distinct qui « transforme l’enseignement supérieur ».

Pearson a également prédit un changement vers une « éducation basée sur la demande » qui « s'attacherait plus que jamais à veiller à ce que les diplômés soient aptes à l'emploi et aient accès à des carrières enrichissantes ». Il met même en avant l’intelligence artificielle et « l’analyse prédictive des talents » pour orienter les étudiant·e·s vers des parcours professionnels. En conséquence, Pearson met l’accent sur les « compétences futures » commercialisables, tout en recadrant les universités comme fournisseurs de services éducatifs « utiles » axés sur la demande et en aidant les partenaires de l’industrie à devenir des fournisseurs de services d’enseignement supérieur.

Éducation à la demande

Enfin, Pearson est en train d’édifier un marché de plateformes d’apprentissage numérique accessibles « directement au consommateur ». Son directeur général a décrit les étudiant·e·s comme « la génération Spotify » qui peut « payer pour l’utilisation » de services « qui sont directement pertinents pour leurs cours et leurs résultats ».

La société élabore déjà des plateformes éducatives « à la demande ». « Les entreprises de la SiliconValley constituent la référence en matière d’expérience numérique en tant que plateformes », a déclaré le directeur des systèmes d'information de Pearson. « Cela changerait la donne pour Pearson, mais aussi pour l’ensemble du secteur, si nous pouvions créer cette plateforme unique, semblable à Netflix, Spotify et Amazon ».

Pearson construit donc une plateforme d’apprentissage numérique mondiale reposant sur le modèle commercial de services de diffusion en continu sur les réseaux sociaux, basé sur le paiement à l’accès. En créant un marché d'étudiants-consommateurs susceptibles de payer pour du contenu éducatif à la demande, la société cherche également à obtenir un avantage concurrentiel sur le marché du secteur commercial de l'enseignement supérieur.

Des marchés en mutation 

Des études antérieures ont montré à quel point Pearson mutait constamment alors que la société cherchait de nouveaux marchés pour ses produits. L’enseignement supérieur est l’un de ses principaux intérêts actuels et la société cherche à façonner le secteur afin qu’il corresponde à son modèle commercial, à sa propre infrastructure et à sa vision de l’avenir de l’éducation. De cette manière, elle façonne activement un certain nombre de marchés en mutation de l’enseignement supérieur.

Pearson crée des marchés à partir des données des étudiant·e·s en forgeant des échanges « précieux » de contenu personnalisé en échange d’un accès à l’information. La société vend des services d’infrastructure aux universités, en les rendant plus commercialisables en tant qu’institutions innovantes et internationalisées, tout en affirmant que Pearson s’impose comme un leader du marché du secteur mondial de l’enseignement supérieur.

Dans le même temps, la priorité est accordée à la préparation au marché du travail comme objectif clé de l’enseignement supérieur et à la promotion de ses propres produits auprès des étudiant·e·s en tant que services de diffusion en continu à la demande basés sur le modèle commercial de plateforme de la SiliconValley.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.