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Internationale de l'Education
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Les négociations Canada-Europe sur le libre-échange examinées à la loupe

Publié 28 janvier 2010 Mis à jour 28 janvier 2010

Le deuxième cycle de négociations en vue de la conclusion d’un accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) s’est déroulé à Bruxelles en janvier, alors que les inquiétudes des syndicats et de la société civile vont croissant sur le champ d’application et l’impact du traité.

L’Internationale de l’Éducation a rencontré des fonctionnaires de la Commission européenne et du Canada en janvier afin d’en savoir plus sur l’accord et ses répercussions potentielles sur les éducateurs des deux côtés de l’Atlantique.

Tant les négociateurs canadiens qu’européens ont déclaré que les services d’éducation n’avaient pas été directement discutés à ce jour, mais d’autres éléments de l’accord, tels que la propriété intellectuelle, les marchés publics, la mobilité de la main-d’œuvre et la réglementation intérieure, pourraient affecter le secteur.

Les fonctionnaires canadiens ont admis que les demandes de l’UE en matière de propriété intellectuelle étaient sujettes à controverse au sein de la communauté éducative et ont rejeté les allégations de l’UE selon lesquelles le Canada est un «État voyou» en ce qui concerne la protection des droits d’auteur.

Selon une indiscrétion, l’UE estime que le régime canadien des droits de propriété intellectuelle est entaché de «déficiences graves» et demande au Canada d’étendre la protection des droits d’auteur de 20 ans de plus que ce que le droit international exige, de renforcer ses dispositifs de répression et de sanction et de pénaliser le contournement des verrous numériques.

Michael Geist, professeur de droit à l’université d’Ottawa, a déclaré sur un blog que «il ne fait aucun doute qu’une pression énorme sera exercée sur les négociateurs canadiens afin qu’ils lâchent du lest en matière de PI en échange d’avantages dans d’autres domaines.»

«L’AECG n’a pas énormément attiré l’attention jusqu’à présent, mais ses implications à long terme pourraient dépasser celles du premier accord de libre-échange États-Unis-Canada», a-t-il ajouté.

Après l’échec des négociations précédentes sur le libre-échange avec le Canada, l’UE a adopté une position ambitieuse.

Les négociateurs de la CE ont déclaré qu’ils auront besoin d’engagements significatifs du Canada pour justifier la signature d’un accord susceptible de devenir un modèle pour les négociations séparées actuellement en cours ou prévues avec l’Inde, Singapour et la Corée.

Aux dires des négociateurs, les marchés publics, qui incluent les achats de produits et de services par les écoles et les universités qui excèdent un certain montant, sont une priorité, afin de permettre aux entreprises européennes de soumissionner pour ces contrats.

À notre grand étonnement, les fonctionnaires canadiens ont indiqué qu’ils n’avaient pas encore identifiés leurs demandes essentielles, même si un projet d’accord a été préparé.

En Europe, toutefois, les spéculations et les préoccupations vont bon train quand à savoir si le Canada va réclamer les droits controversés des investisseurs en cas de différend les opposant à un État, des droits qui confèrent aux entreprises individuelles le pouvoir, indépendamment de leur gouvernement, d’engager un recours contre une partie pour violation présumée de l’accord.

Ces droits des investisseurs sont courants dans de nombreux traités bilatéraux d’investissement et sont une caractéristique essentielle de l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA), dans le cadre duquel plusieurs recours formés par des entreprises contre des gouvernements ont suscité des controverses sur la capacité des investisseurs à prendre la place du processus décisionnel démocratique.

Les fonctionnaires canadiens sont restés évasifs sur la question de savoir s’ils mettraient les droits des investisseurs sur la table de négociation, mais ils ont déclaré que la question était intéressante.

«En matière commerciale, la possibilité de recours d’un investisseur contre un État est notre approche privilégiée», a reconnu un fonctionnaire canadien. «Toutefois, il est encore trop tôt et nous devons voir quel est l’intérêt manifesté par l’autre partie.»

De leur côté, les fonctionnaires de la CE ont affirmé que bien que les droits des investisseurs en cas de différend les opposant à un État «puissent être dangereux», le «modèle canadien semble intéressant».

Les fonctionnaires de la CE ont également relevé que l’AECG est le premier accord négocié selon les règles du nouveau traité de Lisbonne, entré en vigueur en décembre 2009. Le traité confère à l’UE une compétence exclusive, à la majorité qualifiée, pour toutes les questions relatives au commerce extérieur, y compris les services, les droits de propriété intellectuelle et les investissements.

Il s’ensuit que les décisions relatives au commerce des services sociaux, de la santé, de l’éducation et des services audiovisuels ne requièrent plus automatiquement l’unanimité, mais uniquement une majorité qualifiée. Le traité prévoit toutefois que les États membres ont le droit d’invoquer l’unanimité lorsque des accords «risquent de porter préjudice à la diversité linguistique et culturelle de l’Union» ou de «perturber gravement l’organisation nationale de ces services et de porter atteinte à la responsabilité des États membres dans la prestation de ces services.»

Parallèlement, le Parlement européen prendra une plus grande part dans la détermination de la politique relative au commerce et la ratification des accords commerciaux, ce qui signifie que les affiliés de l’IE en Europe auront un rôle important à jouer en matière de lobbying auprès des députés européens.

Le troisième cycle de négociations de l’AECG est prévu en avril et d’autres cycles sont planifiés en juillet et au début de l’automne. A l’issue de ce cycle , les deux parties évalueront la possibilité de conclure les négociations.