Canada : le premier ministre québécois doit « faire marche arrière » et financer pleinement l’enseignement supérieur
Au Canada, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et ses fédérations du réseau collégial dénoncent les compressions de 150 millions de dollars canadiens (environ 96 millions d’euros) en 2025-2026 et appellent le premier ministre à rétablir le financement des collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps), établissements d’enseignement public où est dispensé le premier niveau de l’enseignement supérieur.
« Le premier ministre Legault a répété à maintes et maintes reprises qu’il ferait de l’éducation sa priorité. J’interpelle directement François Legault, le chef de ce gouvernement, afin qu’il fasse amende honorable. Il doit revenir sur cette décision aux conséquences catastrophiques pour le réseau collégial ! Je l’invite à puiser dans sa réserve de courage ! », a commenté d’emblée Éric Gingras, le président de la CSQ, une organisation membre de l’Internationale de l’Éducation.

Des baisses d’impôt à l’impact négatif sur le crédit provincial
À la suite de la présentation du dernier budget du Québec, l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a annoncé qu’elle abaissait la cote de crédit du Québec.
« Les compressions annoncées aujourd’hui s’expliquent au moins en partie par la décision délibérée du gouvernement du Québec de baisser les impôts avant les dernières élections. Il est entièrement responsable de son malheur, de celui du personnel collégial ainsi que des étudiantes et étudiants ! Il n’y a rien de ce qui se produit aujourd’hui qui n’aurait pu être évité ou qui soit une fatalité. Investir dans les cégeps, c’est plus que jamais nécessaire ! », a commenté M. Gingras.
L’agence a par ailleurs souligné, elle aussi, que les baisses d’impôt avaient eu un impact sur cette décote.
Les coupes dans l’éducation, un acte « insensé »
Alors que l’augmentation des subventions de fonctionnement du réseau collégial pour 2025-2026 sera réduite à seulement 0,3 %, la CSQ et ses fédérations du réseau collégial tiennent à rappeler que les sommes initialement prévues au budget ne permettaient déjà pas d’adresser adéquatement l’augmentation des coûts de système. En effet, les 2,1 % d’augmentation du budget du ministère de l’Enseignement supérieur se situaient en deçà de l’augmentation prévue de la masse salariale, laquelle compte pour plus de 50 % du budget, et sous l’inflation de 2,3 %.
« À 0,3 %, le financement des cégeps fond comme peau de chagrin et les services aux étudiantes et étudiants avec lui ! Au lieu de couper, il aurait dû réinvestir pour tenir compte de l’augmentation prévue du nombre d’étudiantes et d’étudiants dans l’ensemble du réseau collégial. On parle ni plus ni moins que de 14,4 % d’ici 2032. Pourtant, il nous coupe les ailes et nous empêche de leur offrir des services à la hauteur de ce à quoi ils sont en droit de s’attendre. Ça aura nécessairement un impact dramatique sur le personnel, en particulier le personnel de soutien et les professionnels, qui risquent d’être frappés de plein fouet par ces compressions. En contexte de pénurie, comment le gouvernement peut penser qu’en réduisant le financement des coûts de système, il n’y aura pas d’impact sur les activités quotidiennes et la qualité des services aux étudiants, c’est insensé ! », ont ajouté la présidente de la Fédération du personnel de soutien de l’enseignement supérieur (FPSES-CSQ), Valérie Fontaine, le président de la Fédération de l’enseignement collégial (FEC-CSQ), Youri Blanchet, et le président de la Fédération du personnel professionnel des collèges (FPPC-CSQ), Éric Cyr, dans une déclaration commune.
Des syndicats mobilisés pour l’amélioration des conditions de travail de leurs membres
« Alors que le personnel de soutien subit déjà une surcharge de travail qui a été accentuée avec le gel d’embauche imposé par le gouvernement, on nous annonce que ce n’est pas cette année que nous arriverons à sortir la tête de l’eau. Les prochaines années seront difficiles, nous avions déjà sonné l’alarme et au lieu de nous écouter, le gouvernement fait exactement le contraire. Toutes ces mesures de restriction sont un non-sens, alors qu’une hausse de fréquentation est annoncée depuis déjà quelques années. Nos membres ont à cœur la réussite étudiante et travaillent à leur offrir un environnement d’étude sain, stimulant et sécuritaire. Chaque personne compte et les postes que nous perdons avec les coupes étaient nécessaires au bon déroulement des activités. Notre capacité à nous organiser à titre de syndicat en sera aussi affectée. Difficile de se libérer pour s’occuper des affaires syndicales quand il ne reste plus personne d’autre que nous dans notre département. La communauté tout entière ressort perdante de ces décisions illogiques », affirme Mme Fontaine.
« Le réseau des cégeps subit actuellement des compressions budgétaires multiples : gel des embauches de personnel administratif, plafonnement des heures rémunérées, coupes dans l’offre de formation créditée aux adultes, dans l’entretien des bâtiments, dans les mesures de recrutement à l’international, dans les achats de matériel, dans les subventions pour la recherche collégiale, entre autres. Chaque mois, les cégeps perdent du personnel professionnel qu’ils ne peuvent pas remplacer. Cette situation entraîne une diminution des services d’aide à la réussite, d’aide psychosociale et d’encadrement professionnel de toutes sortes. Cette situation entraîne aussi une augmentation de la charge de travail pour nos membres qui risquent de s’absenter ou même de quitter leur travail. Les conséquences seront majeures à travers le réseau collégial et pour la société québécoise de demain parce que cette baisse de services nuira à la réussite, à la persévérance aux études et à la diplomation », explique M. Cyr.

Pour lui, « il est plus que désolant de constater la manière dont est malmené le réseau collégial par le gouvernement du Québec, alors que c’est un joyau de l’enseignement supérieur qui est, par surcroît, unique au monde. Les coupes et les restrictions budgétaires répétées depuis la dernière année mettent à mal l’existence même de ce réseau d’éducation qui offre de la formation de qualité, tant en enseignement technique qu’en enseignement préuniversitaire, et ce, sur tout le territoire québécois, favorisant ainsi l’accessibilité à l’éducation, mais également à la culture à l’ensemble de la population. »
« Alors que nos membres mettent de l’énergie année après année pour mettre en place des activités et des stratégies visant à favoriser la réussite, l’instabilité du financement est à la fois contre-productive et démoralisante. C’est aussi pour cette raison que nous organisons notre congrès cette année sur un thème mobilisateur, soit Redonner du cœur au savoir. Cependant, pour y arriver, les ressources doivent être au rendez-vous, pas être retranchées des budgets des cégeps! », ajoute M. Blanchet.
La force du public : ensemble on fait école !
Ces demandes des syndicalistes de l’éducation québécois s’inscrivent en droite ligne de la campagne de l’Internationale de l’Éducation, « La force du public : ensemble on fait école! ». Cette campagne représente un appel urgent aux gouvernements pour qu'ils investissent dans l’enseignement public, un droit humain fondamental et un bien public, et qu'ils investissent davantage dans les enseignant·e·s, le facteur le plus important pour parvenir à une éducation de qualité.
« Quand on coupe dans le secteur collégial, ce ne sont pas des postes qui disparaissent. Ce sont des services d’aide, des activités éducatives, du soutien psychosocial, des projets porteurs et des équipes déjà durement affectés par le manque de ressources. Ce sont des jeunes qui reçoivent moins que ce à quoi ils ont droit. Cette attaque contre notre réseau collégial n’est pas un cas isolé : elle reflète une vision réductrice des services publics qu’on observe malheureusement un peu partout dans le monde. À travers la campagne La force du public, nous nous levons collectivement pour rappeler que l’éducation ne peut pas être sacrifiée. Réinvestir dans nos cégeps, c’est investir dans la réussite et l’avenir du Québec », affirme Marjolaine Perreault, directrice générale de la CSQ et membre du bureau exécutif de l’Internationale de l’Éducation.