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Internationale de l'Education
Internationale de l'Education

Investir dans l’éducation pour sortir de la crise

Publié 19 octobre 2012 Mis à jour 5 novembre 2012

Des syndicats d'enseignants forts et des investissements soutenus dans l'éducation sont nécessaires pour assurer une reprise durable, à la suite de la crise économique et financière actuelle. Telle a été la principale conclusion des syndicats de l’éducation du monde entier et des organisations internationales, dont les représentant(e)s ont participé au Séminaire sur « L'éducation en crise », les 18 et 19 octobre, à Bruxelles, en Belgique.

Le 18 octobre, la table ronde sur le thème « Stratégies pour sortir de la crise et politiques pour la croissance économique future », était animée par Roland Schneider, Conseiller principal en politiques de la Commission syndicale consultative (TUAC) auprès de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Les mesures d'austérité imposées par ou à de nombreux gouvernements dans le monde entier ne fonctionnent pas », a-t-il dit. « Lorsque vous êtes dans un trou, arrêtez de creuser! », a-t-il poursuivi. « Les syndicats doivent convaincre les gouvernements qu'ils sont sur la mauvaise voie. Le véritable défi est de trouver des moyens crédibles pour sortir de la crise et de lutter pour un changement de paradigme des politiques économiques et sociales. »

La crise est venue à bout du dialogue social

Le Directeur du CSEE (la région européenne de l'IE), Martin Rømer, a souligné que « la crise actuelle n'est pas la seule que nous ayons eue depuis les années 50, et il y aura une issue. Mais déciderons-nous quelle sorte d'issue nous voulons, ou laisserons-nous d'autres, par exemple les marchés, décider? »

« Nous devons nous souvenir que la crise de la dette actuelle en Europe a été créée par le sauvetage des banques », a-t-il dit. « Entre octobre 2008 et octobre 2011, 4,5 billions € sont allés aux banques européennes, provoquant une crise de la dette souveraine. »

Il a dénoncé un « unilatéralisme autoritaire qui rend les partenaires sociaux nationaux inutiles ». Dans de nombreux pays européens, il n'y a pas de dialogue social, et la Grèce est un laboratoire pour le nouveau néo-libéralisme.

« Ce n'est qu'en 2020 que la Grèce retournera aux mêmes niveaux auxquels elle se trouvait avant la crise », a-t-il averti.

Soulignant que le problème réel en Europe était le manque de croissance, Rømer a condamné l'introduction de l'euro, comme devise commune, sans garantie économique.

Les implications pour l’éducation

La crise n'a pas laissé l'éducation indemne. Une enquête de 2008 indique que, dans la plupart des pays européens, les budgets consacrés à l'éducation ont été réduits. La formation des enseignant(e)s a également souffert, parce que moins de fonds publics lui ont été alloués.

Rømer a expliqué que les syndicats doivent réinvestir dans la solidarité. Toutefois, toute forme de solidarité visant à sortir de la crise impliquera le partage de la dette, mais cela ne peut se produire sans changer la structure économique.

Il a par ailleurs prôné une taxe européenne sur les transactions financières, un cadre de réglementation et de contrôle européen, l'octroi à l'éducation des fonds structurels inutilisés, la lutte contre la corruption, la prévention de la privatisation des services éducatifs, ainsi qu'un débat démocratique pour décider si la solidarité requiert oui ou non un nouveau traité européen.

La relance économique australienne

Le cas de l'Australie a été cité comme exemple de bonne pratique. « L'Australie est préservée de la crise, en comparaison avec l'Europe », a dit Angelo Gavrielatos, le Président de l' Australian Education Union(AEU).

Il a dit que le gouvernement avait entamé de sérieux efforts de relance économique, en développant des programmes dans les écoles primaires financés par l'Etat fédéral.

Reconnaissant que la ségrégation augmente avec la privatisation, il a déploré le fait que l'Australie avait un écart d'apprentissage affectant les minorités, telles que les peuples autochtones.

Il a également mentionné la campagne nationale Gonski, visant à mobiliser et à bâtir des coalitions en faveur d'une éducation publique de qualité.

Argentine: l'investissement dans l'éducation et le dialogue social

En Argentine, une loi de financement de l'éducation a été adoptée en 2006. Selon Stella Maldonado, Secrétaire générale de la Confederación de Trabajadores de la Educación de la République d'Argentine (CTERA), cet investissement dans l'éducation, associé à d'autres mesures structurelles, a aidé l'Argentine à sortir de la crise.

En 2004 est adoptée une loi ( Ley de Implementacion de Crimenes de Guerra y Lesa Humanidad) qui met fin à l'impunité des crimes commis durant la dictature des années 70.

Elle a dit que durant la période de démocratie restreinte, de 1983 à 2003, les syndicats avaient commencé à retrouver du pouvoir et leurs droits à la négociation collective.

Les systèmes éducatifs d'Europe orientale fortement frappés par la crise

En Europe orientale, un financement accru en faveur de l'éducation est nécessaire, a indiqué Janka Takeva, Présidente du Syndicat des enseignants bulgares (SEB).

La réduction ou le gel des fonds alloués à l'éducation et aux salaires des enseignant(e)s, le manque de possibilités de formation d'enseignant(e)s, les conditions de travail inappropriées, et le rejet des droits de négociation collective des enseignant(e)s sont quelques-uns des effets désastreux que les politiques d'austérité ont eu dans trop d'Etats membres de l'Union européenne.

L'Europe orientale a été frappée très sévèrement par ces politiques, en particulier la Bulgarie, la Roumanie et la Lettonie, a dit Takeva.

En Bulgarie, 27% des enseignant(e)s et autres personnels de l'éducation sont parmi les travailleurs/euses les moins bien rémunéré(e)s.

Une analyse de la Commission européenne indique que de nombreux pays européens ont réduit ou gelé les salaires des enseignant(e)s durant la crise. Les salaires ont diminué dans au moins 16 pays européens, et ont été gelés dans les 11 pays restants. La Bulgarie figure parmi les pays où les salaires des enseignant(e)s du primaire et du secondaire ont été gelés.

Elle a déclaré qu'il était nécessaire de diminuer les exigences vis-à-vis des pays d'Europe orientale en ce qui concerne l'utilisation des fonds structurels de l'Union européenne en vue de lutter contre les disparités régionales dans l'éducation; la mise en œuvre d'une approche systématique de la collecte de données au niveau sous-régional; l'implication des syndicats dans le processus décisionnel des systèmes éducatifs; l'application d'une norme minimum européenne pour la qualification des enseignant(e)s, les programmes de formation des enseignant(e)s, la préparation universitaire et l'ensemble du personnel; et le renforcement du dialogue social au niveau régional.

Le moment est venu d'agir

Le 19 octobre, la discussion a débuté par une présentation de Carol Bellamy, Présidente du Partenariat mondial pour l'éducation (GPE) sur « L'avenir de l'éducation et du développement ». Cette séance était animée par Monique Fouilhoux, ancienne Secrétaire générale adjointe de l'IE et Présidente actuelle de la Campagne mondiale pour l'éducation.

Bellamy a indiqué que l'investissement dans l'éducation avait le meilleur retour sur l'investissement, et a condamné le fait que 61 millions d'enfants n'étaient toujours pas scolarisés.

« L'éducation signifie plus que conduire les enfants sur un lieu d'apprentissage », a-t-elle dit. « L'impact de la crise est une menace directe contre l'éducation. En tant que syndicalistes enseignants, adressez-vous à votre Ministre de l'Education, ainsi qu'à votre Ministre des Finances! »

Elle a noté qu'en dépit d'une complaisance insidieuse, l'Education pour tous (EPT) a nettement plus progressé que n'importe quel autre des Objectifs du Millénaire pour le développement.

Une éducation de qualité pour toutes et tous réduit les inégalités

« Au sujet de la qualité, nous ne faisons pas assez pour veiller à ce que les enfants restent à l'école. Il convient de s'attaquer aux inégalités en classe et en-dehors de la classe », a ajouté Bellamy. « Même à l'école, trop d'enfants n'apprennent pas. »

Elle a également condamné le manque de ressources, telles que les manuels scolaires, les tables pour les élèves et des sanitaires appropriés pour les filles dans certains pays.

En outre, il est nécessaire de se concentrer sur les enseignant(e)s. « Trop d'enseignants ont subi des conditions abusives, avec des salaires insuffisants ou des mois d'arriérés de salaire. Beaucoup d'enseignants vivent en-dessous du seuil de pauvreté », a-t-elle dit.

« Nous avons besoin de deux millions d'enseignants primaires, si nous voulons réaliser l'éducation pour tous. Trop souvent, des enfants reçoivent une instruction par des enseignants qui font de leur mieux, mais qui sont tout simplement non-qualifiés. »

Elle a souligné que « nous devrions saluer l'initiative mondiale du Secrétaire général des Nations Unies, L'éducation avant tout. Cette initiative est très importante pour l'agenda de l'après-2015, car elle poursuit trois priorités: mettre chaque enfant à l'école, améliorer la qualité de l'apprentissage et promouvoir la citoyenneté mondiale. »

Bellamy a terminé son discours en disant: « Nous ne pouvons faire aucun compromis avec l'éducation. Nous devons lutter contre l'ignorance, l'inégalité et la pauvreté.

Une table ronde sur « L'impact de la crise sur l'éducation et le développement » a ensuite eu lieu. Elle était animée par l'ancienne Vice-présidente de l'IE, Haldis Holst. Les panels ont été suivis d'une séance de questions/réponses, avant de laisser la place à une dernière table ronde sur « L'éducation en crise: quelles sont les prochaines étapes? » et aux conclusions du Séminaire par le Secrétaire général de l'IE, Fred van Leeuwen.