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Internationale de l'Education
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Iran: Internet favorise la liberté d’expression

Publié 10 septembre 2008 Mis à jour 10 septembre 2008

Les Iraniens se servent d’Internet pour exercer comme jamais auparavant leurs droits en matière de liberté d’expression. Et ce, en dépit d’interdictions draconiennes et punitions sévères.

Au début 2007, les enseignants ont manifesté à de nombreuses reprises devant le Parlement à Téhéran afin d’appuyer la grève qu’ils menaient pour obtenir une amélioration de leurs conditions salariales et de travail, ainsi que la libération de centaines de collègues emprisonnés. Utilisant leurs téléphones portables, les enseignants ont filmé ces mouvements de protestation et ces vidéos peuvent être vues sur Internet.

La lettre de solidarité envoyée par l’IE a touché une audience dont l’importance a surpris : elle avait été traduite en persan et au moins une dizaine de blogueurs l’avait affichée sur leur site. De cette manière, par le biais d’images fortes et de la lettre d’appui, la contestation a été portée rapidement à la connaissance d’un nombre incalculable de personnes, tant à l’intérieur des frontières iraniennes qu’à l’extérieur de celles-ci.

Les développements récents d’Internet permettent aux voix courageuses qui s’expriment en Iran de se faire entendre dans le monde entier. Plus de 7 millions d’Iraniens utilisent Internet et l’on estime à 400 000 le nombre de blogs en persan, ce qui représente un nombre incroyablement élevé dans un pays dont la législation impose l’enregistrement de tout site web et de tout blog. Enhardis par l’anonymat que confère Internet, des Iraniens ont développé des blogs en anglais et ceux-ci se multiplient dans le cyberespace.

Selon OpenNet Initiative, un projet de collaboration entre la Harvard Law School et les universités de Toronto, d’Oxford et de Cambridge, la République islamique d’Iran dispose de l’un des systèmes de filtrage technique d’Internet les plus étendus au monde. La plupart des sites web qui contiennent des informations relatives à des contestations d’ordre politique ou religieux ou des documents pornographiques sont bloqués.

Les médias nationaux étant strictement contrôlés par le gouvernement, la plupart des journalistes se livrent à une autocensure afin de se protéger. Il s’ensuit que les blogs sont devenus des sources d’information alternatives qui représentent une menace grandissante pour le régime qui réagit par la prise de mesures de plus en plus dures.

Si un nouveau projet de loi est adopté, les blogueurs et tous ceux qui font part de leurs commentaires sur la Toile pourraient être menacés d’exécution au motif « qu’ils perturbent la sécurité mentale » des Iraniens. Le Centre national des défenseurs des droits humains a publié une déclaration s’élevant contre ce projet de loi, faisant valoir que « s’il était adopté, et en raison des lacunes qu’il présente, non seulement il augmenterait le nombre de délits passibles de la peine de mort mais il menacerait aussi la sécurité des citoyens ». ‎

Le Code pénal iranien condamne déjà les délits liés au contenu comme « la propagande contre l’Etat », mais omet de définir le terme « propagande ». L’article 513 prévoit la peine de mort ou une peine d'emprisonnement pouvant atteindre 5 ans pour « insulte envers la religion » mais omet de préciser le terme « insulte ». L’article 609 criminalise les critiques émises à l’encontre des représentants officiels de l’Etat dans l’exercice de leur fonction et prévoit une sanction sous la forme d’une amende, de 74 coups de fouet ou d’un emprisonnement de 3 à 6 mois.

Vivant sous la menace de poursuites judiciaires, les Iraniens développent leur créativité pour exprimer leurs points de vue et leurs espoirs. Icy, artiste de graffiti iranien, donne à voir son art dans les rues de Téhéran et sur des sites de partage en ligne de photos comme Flickr.com.

Dans la même veine, des réalisateurs de vidéos ont utilisé YouTube.com pour apporter les preuves de l’exécution cruelle par pendaison de jeunes homosexuels, de la brutalité policière à l’égard d’étudiants universitaires et de l’acte de défi posé par des femmes manifestant en faveur de l’égalité des droits.

Paradoxalement, alors que le gouvernement bloque les sites web étrangers et nationaux et poursuit ses utilisateurs, il en a lui-même recours pour la promotion de ses propres messages. Ainsi, le discours prononcé par le Chef suprême Ali Khamenei contre les manifestations des enseignants a été enregistré par vidéo et ensuite placé sur YouTube.com.

Même le Président Mahmoud Ahmadinejad dispose de son propre blog dans les langues suivantes : persan, anglais, français et arabe.

Par Harold Tor

Cet article à été publié dans Mondes de l'Éducation, No. 27, Septembre 2008.