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Photo by Artin Bakhan on Unsplash
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Iran : les attaques chimiques à répétition menées contre les écoles mettent en évidence la violence fondée sur le genre et les obstacles à l’éducation des filles

Publié 17 juillet 2023 Mis à jour 21 mars 2024

Une nouvelle recherche publiée par l’Internationale de l’Éducation (IE) recense les attaques aux gaz toxiques perpétrées contre les écoles de filles en Iran durant les manifestations menées dans l’ensemble du pays sous la bannière « Femme, vie, liberté ».

Cette recherche dénombre 358 attaques aux gaz toxiques survenues entre décembre 2022 et avril 2023 dans le cadre de la campagne menée par le pouvoir en place pour réprimer le mouvement en faveur des droits des femmes.

Les dommages causés par ces attaques chimiques sont étudiés par l’Internationale de l’Éducation et le Coordinating Council of Iranian Teacher Trade Associations (CCITTA) dans un rapport intitulé « Attaques chimiques contre les étudiantes en Iran ».

Ces attaques, qui ciblent les écoles de filles, perturbent leur parcours scolaire, nuisent à leur santé et font régner la peur, forçant les parents à garder leurs filles à la maison. Les étudiantes déclarent ressentir des symptômes physiques tels que des douleurs aux yeux et à la gorge, des difficultés respiratoires, des maux de tête et d’estomac, des diminutions de la pression artérielle, des faiblesses dans les jambes et des palpitations cardiaques.

Comme le rappelle le secrétaire général de l’IE David Edwards : « Une des priorités de l’IE est de garantir que chaque élève puisse accéder à une éducation de qualité et équitable dans un environnement sûr. Les attaques chimiques répétées contre les écoles de filles en Iran représentent une menace pour la santé et la sécurité des élèves, ainsi qu’une atteinte à leur droit à l’éducation, et sont le reflet d’un système profondément patriarcal. »

Et d’ajouter : « L’IE exprime toute sa solidarité aux élèves, aux personnels enseignants et de soutien à l’éducation, ainsi qu’à l’ensemble de la communauté éducative en Iran, qui cherchent à lutter contre ces pratiques abominables et qui continuent à tout mettre en œuvre pour développer des environnements d’apprentissage sûrs et inclusifs pour chaque élève. »

Femme, vie, liberté

En septembre 2022, la population iranienne et le monde entier scandaient le slogan « Femme, vie, liberté » pour protester contre la mort de Jina Mahsa Amini, une jeune femme de 22 ans décédée après avoir été arrêtée par la « police des mœurs » iranienne, chargée de faire respecter les règles vestimentaires, y compris le port du hijab.

Si, selon les autorités gouvernementales, la cause du décès de Jina Mahsa Amini est une crise cardiaque, sa famille et les équipes médicales iraniennes soutiennent que, compte tenu des symptômes que présentait la jeune fille à son arrivée à l’hôpital (saignements des oreilles et ecchymoses sous les yeux), elle est très probablement décédée des suites d’un coup porté à la tête dans le fourgon de la police des mœurs.

La population iranienne a manifesté sa solidarité avec Mahsa Amini et sa famille et a réclamé justice pour la jeune fille décédée, appelant à davantage de droits pour les femmes en Iran. En guise de protestation, certaines femmes iraniennes se sont coupé les cheveux et ont brûlé leur hijab pour marquer leur résistance à la police des mœurs de cette république islamique.

Ces mouvements de contestation ont progressivement été associés au mouvement mené actuellement en Iran pour les droits des femmes, l’élimination de la violence fondée sur le genre et la défense de l’égalité.

Attaques chimiques

Lors des manifestations « Femme, vie, liberté », plusieurs attaques chimiques de plus en plus graves ont eu lieu dans des provinces iraniennes. Le 13 mars 2023, le directeur adjoint du ministère de la Santé a confirmé que 13.000 filles avaient été traitées pour empoisonnement en Iran.

Ces attaques chimiques témoignent de l’importance des obstacles à l’éducation des jeunes Iraniennes. En raison des pratiques discriminatoires enracinées dans les mouvements politiques religieux et de l’instauration d’un régime autoritaire après la révolution islamique de 1979, les femmes ont été exclues du système éducatif, par le biais de la ségrégation entre les hommes et les femmes, de préjugés véhiculés par les manuels scolaires et de règles vestimentaires strictes, entre autres mesures.

Les attaques ont atteint leur paroxysme au début de l’année 2023. Le 6 février 2023, 13 écoles ont été attaquées. Un mois plus tard, le 5 mars, ce sont 50 autres écoles qui ont été prises pour cibles. Le rapport de recherche explique que l’empoisonnement de jeunes étudiantes durant les manifestations démontre clairement la volonté du régime en place de museler la résistance et de faire régner la peur. Les attaques chimiques contre des écoles perturbent le parcours scolaire des jeunes étudiantes, tandis que l’absence de données officielles et de transparence de la part des autorités laisse supposer leur implication dans ces événements.

Le CCITTA, une organisation affiliée à l’IE, revendique l’accès à une éducation de qualité et défend les droits des enseignant·e·s et des personnels de soutien à l’éducation en Iran. En publiant un rapport sur les attaques chimiques perpétrées contre les écoles de filles, le CCITTA se donne pour objectif de sensibiliser et de mobiliser les populations pour garantir le respect du droit à l’éducation des filles.

« L’éducation est l’antidote à l’oppression et le CCITTA défendra sans relâche l’accès à l’éducation de qualité et les droits des personnels enseignants et de soutien à l’éducation en Iran », a expliqué le CCITTA, avant d’ajouter : « Ce rapport sur les attaques chimiques dans les écoles de filles représente pour nous un moyen de sensibiliser l’opinion publique, d’attirer l’attention des médias et de lutter inlassablement pour un changement transformateur. »

Le rapport intégral est disponible ici.