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Joyeux 30e anniversaire, Internationale de l’Éducation !

Publié 24 juillet 2023 Mis à jour 28 juillet 2023

Le 14 juillet, une discussion en panel a réuni la présidente de l’Internationale de l’Éducation (IE), Susan Hopgood, le secrétaire général émérite de l’IE, Fred van Leeuwen, et le cofondateur de l’IE, Robert Harris, afin de réfléchir à la création de l’organisation et de dresser le bilan des progrès accomplis par la fédération mondiale représentant les enseignant·e·s et les personnels de soutien à l’éducation, ainsi que de se pencher sur les prochaines étapes pour parvenir à une éducation de qualité pour tou·te·s.

Fred van Leeuwen, ancien secrétaire général de l’IE et secrétaire du Secrétariat professionnel international de l’enseignement (SPIE), et Robert Harris, ancien directeur exécutif (Relations intergouvernementales) de l’IE et secrétaire général de la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE), ont évoqué les efforts ayant conduit à la fusion du SPIE et de la CMOPE lors d’une convention à Stockholm et à la naissance à l’IE en 1993.

Aux yeux de Susan Hopgood, « le succès de l’Internationale de l’Éducation n’était pas écrit d’avance ».

Des raisons pratiques et politiques ont présidé à la création de l’IE, a souligné Fred van Leeuwen. « Nous avons créé l’IE pour qu’elle soit la voix de la profession enseignante au sein de la communauté internationale », a-t-il expliqué.

« Il y a 30 ans, la mondialisation et les politiques néolibérales commençaient à produire leurs effets sur les budgets nationaux alloués à l’éducation et nous avons pensé qu’il était important d’aider nos organisations membres à faire face à ces évolutions au niveau international. La Banque mondiale imposait également des politiques de développement structurel aux pays à faible revenu, qui ont mis à mal des systèmes éducatifs entiers dans ces pays. Cela a donné naissance à l’idée de fusionner nos deux organisations. »

« On constatait également un taux d’analphabétisme ahurissant », a-t-il rappelé. « Des millions d’enfants ne pouvaient pas aller à l’école et les gouvernements et la communauté internationale ne faisaient pas vraiment leur travail selon nous. Nous avons donc pensé que nous avions besoin d’un instrument fort et puissant pour traiter ces questions et que nous étions bien placés pour le faire parce que nos organisations étaient déjà présentes au sein des instances intergouvernementales censées s’occuper de ces questions. »

Une autre raison était d’ordre financier : « Nous voyions le travail s’accumuler et nous avons également compris qu’il serait extrêmement difficile pour chaque fédération internationale d’obtenir les ressources nécessaires ».

« Avant cette époque, pendant une centaine d’années, différents groupements d’enseignantes et enseignants ont tenté de trouver une manière de renforcer leur unité et cela a souvent échoué. Dans les années 1980, il existait quatre organisations internationales. Nous avions l’habitude de nous rencontrer pour mettre au point une déclaration commune à l’intention de la réunion internationale des ministres de l’Éducation qui se tenait à Genève tous les deux ans. Cela ne suffisait pas. Il fallait beaucoup plus. Nous devions élaborer des ressources, concentrer nos ressources, surmonter la concurrence qui usait nos ressources, lesquelles auraient été mieux exploitées en les utilisant pour des actions de plaidoyer au nom du corps enseignant et des syndicats en général. À la fin des années 1980, nous avons vu cette fenêtre d’opportunité et nous avons pensé qu’il était temps de la saisir. C’est ce que nous avons fait », a observé Bob Harris.

Accord sur les structures de la nouvelle organisation

« Nous avons pris des éléments de nos deux internationales », a ajouté Fred van Leeuwen. « Parvenir à un accord sur la version finale de ce statut n’a pas été chose aisée, parce que chaque participante et participant considérait que la structure de son syndicat national ou de son association nationale était la meilleure. Par exemple, en ce qui concerne les fonctions de président et de secrétaire général : le secrétaire général devait-il être élu ou désigné ? Une autre question épineuse était la suivante : devait-il y avoir des structures régionales et celles-ci devaient-elles être indépendantes ? Se posait également la question de la durée des mandats. »

Nécessité de critères d’adhésion clairs

Autre point très important : la définition des critères d’adhésion, les conditions d’adhésion à la nouvelle fédération syndicale mondiale.

« Il n’y avait pas de divergence de vues sur le fait que l’organisation devait être démocratique et indépendante des gouvernements, des partis politiques, de l’Église, etc. Mais la question était de savoir comment déterminer si une organisation remplit ces conditions ? ».

« Le Président fondateur de l’IE, Al Shanker, a compris que c’était un élément que nous ne pouvions en fait pas déterminer nous-mêmes et que nous devions confier cette tâche à un groupe de sages, le comité d’experts », a expliqué Fred van Leeuwen.

Le comité d'experts a été mis en place et présidé par l'ancien Premier ministre australien Bob Hawke, a ajouté Bob Harris. Le comité a conseillé le bureau de l’organisation, formulé des recommandations claires et présenté une série de critères bien définis qui ont permis à la nouvelle organisation de se développer, a-t-il poursuivi. Finalement, la Confédération syndicale mondiale de l’enseignement (CSME) est venue rejoindre l’IE en 2006.

Selon Fred van Leeuwen, « tous les membres du Bureau exécutif provisoire, qui a entamé ses activités en 1993 jusqu’au premier Congrès mondial organisé à Harare, au Zimbabwe, en 1995, étaient très conscients que le succès n’était pas garanti et que nous devions être extrêmement prudents. Nous devions apprendre à travailler avec les diverses idéologies que cette nouvelle organisation représentait. Au début, elle était assez fragile, il n’était pas acquis que cela fonctionnerait et la mise sur pied des structures régionales s’est révélée particulièrement difficile. »

« Nous avons dû élaborer nos actions de plaidoyer avec les agences internationales – Nations Unies, Organisation internationale du Travail, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), UNESCO, Organisation mondiale de la santé (OMS), notamment – et c’est tout simplement fantastique d’être ici aujourd’hui et d’apprendre l’existence d’un groupe spécial des Nations Unies sur la profession enseignante. C’est le point culminant du travail réalisé et il doit être poursuivi », a également souligné Bob Harris.

Il a fait remarquer que « dans le même temps, la nouvelle organisation devait développer les services qu’elle proposait à ses membres, en traitant les questions graves qui se posaient et elle devait être en mesure d’apporter la solidarité nécessaire pour le faire. Elle fonctionnait donc à deux niveaux. »

Bob Harris a observé que la société civile était très active à l’époque où l’IE a été créée.

Il a rappelé qu’au tournant du siècle, le Sommet social de Copenhague de 1995 a élaboré le concept d’Objectifs du Millénaire pour le développement, qui ont été adoptés en l’an 2000, « à l’occasion de la plus grande réunion des dirigeantes et dirigeants du monde organisée par Kofi Annan en sa qualité de Secrétaire général des Nations Unies. À cette époque, il régnait une espèce d’optimisme voulant que nous puissions réellement progresser sur certaines des grandes problématiques de pauvreté et de justice et sur l’avenir de la planète. »

Il a toutefois averti : « Ensuite, il y a eu le 11 Septembre, il y a eu la guerre en Irak, il y a eu toute une série de choses. De sorte que l’histoire n’a pas été linéaire. Malheureusement, elle a ses hauts et ses bas et je pense, 30 ans plus tard, que la situation est beaucoup plus difficile aujourd’hui qu’à l’époque de la création de l’IE. »

Un facteur de démocratie

« Je suis convaincu qu’il est très important que nous ayons été capables de changer l’histoire de l’éducation et des enseignantes et enseignants dans la communauté internationale », a encore souligné M. van Leeuwen.

« Nous avons réussi à faire en sorte que l’éducation soit inscrite en tête de l’agenda international. C’était tout à fait essentiel parce qu’en fin de compte, cela a conduit les Nations Unies à faire de l’éducation un important objectif du Millénaire pour le développement et, 15 ans plus tard, un Objectif de développement durable. »

« Et n’oublions pas la percée des démocraties dans le prolongement du Printemps arabe », a-t-il poursuivi. « Les organisations d’enseignantes et enseignants ont joué un rôle essentiel dans le Printemps arabe et dans l’afflux de syndicats de l’éducation du monde arabe dans l’Internationale de l’Éducation. »

Selon lui, en regardant l’avenir, l’un des plus grands défis est la protection de la démocratie. « Je crois que protéger la démocratie, aider nos enfants à en comprendre l’importance est probablement l’une des tâches principales qui nous incombent aujourd’hui. »

« Mary Futrell a dit au début : “La lutte ne cesse jamais” et c’est plus vrai que jamais. Trente ans plus tard, nous devons continuer de nous battre. Et demain aussi », a confirmé M. Harris.

Un champion de l’égalité entre les femmes et les hommes

À la question posée par la présidente de l’IE, Susan Hopgood, de savoir si, pour les femmes, l’IE est aujourd’hui une organisation différente, meilleure en termes de participation des femmes, qu’elle ne l’était il y a 30 ans, Fred van Leeuwen a fait valoir qu’en termes de chiffres, la participation des femmes dans les organes directeurs de l’Internationale de l’Éducation est nettement plus élevée que ce n’était le cas en 1995.

« De grands progrès ont été réalisés, mais l’important est qu’il faut que des jeunes femmes rejoignent les rangs de celles qui dirigent aujourd’hui les instances décisionnelles. »

Il a ajouté qu’outre le fait d’avoir défendu les femmes et l’égalité des genres, l’IE a été l’une des premières organisations internationales à apporter clairement son soutien aux minorités, telles que les peuples autochtones et la communauté LGBTI.

Bob Harris a également indiqué que pour le CMOPE et certains de ses principaux affiliés, il était capital que des postes soient réservés à des femmes afin d’avoir un équilibre entre les femmes et les hommes au sein de la direction exécutive mondiale.

« C’est presque une évidence et je pense que cela fait désormais partie de l’ADN de l’Internationale de l’Éducation. C’est l’un des grands dossiers inscrits à notre agenda, que ce soit au niveau du Bureau exécutif, du Congrès mondial ou à l’échelle nationale. Et c’est ainsi que cela doit être. »

Et d’ajouter : « Peu après la création de l’Internationale de l’Éducation, un rapport de la Banque mondiale, étayé par une recherche solide, a indiqué que s’il n’y a qu’un investissement qu’un pays puisse faire, le meilleur de tous, réside dans l’éducation des femmes et des filles. »

Lire les réflexions de Fred van Leeuwen à l’occasion du 30e anniversaire de l’IE ici.

La présidente de l’IE, Susan Hopgood, a également fait part de ses réflexions sur le rôle des femmes au sein de leur syndicat et de l’Internationale de l’Éducation au cours des trois dernières décennies. Lire son article ici.