Défendre les droits, faire avancer l’inclusion : les syndicats de l’éducation s’organisent pour une justice pour les personnes LGBTI+
« Ceci est une conversation essentielle qui résonne comme un écho profond à l’engagement partagé de l’Internationale de l’Éducation (IE) en faveur des droits humains, de l’équité et de la dignité pour tous et toutes. » Ces mots d’introduction prononcés par la secrétaire générale adjointe de l’IE, Haldis Holst, ont donné le ton de la récente réunion en ligne consacrée aux droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées – et autres – (LGBTI+), qu’il s’agisse d’éducateur·trice·s ou d’élèves. Dans un monde où les droits des personnes LGBTI+ sont de plus en plus menacés, les syndicats de l’éducation se mobilisent pour prôner la justice et l’inclusion. Ils réaffirment leur engagement en faveur des droits humains et des défis que rencontrent les personnes LGBTI+.
Le rappel fort d’un recul mondial
Mme Holst a ouvert le webinaire Défendre les droits, faire avancer l’inclusion : Les syndicats de l’éducation s’organisent pour une justice pour les personnes LGBTI+, qui s’est tenue le 5 juin et a coïncidé avec la dernière semaine de la World Pride 2025, un événement mondial organisé à Washington, D.C., qui a servi de rappel fort de la lutte en cours pour les droits des LGBTI+.
Elle a souligné l’urgence de la situation et a mis en évidence l’hostilité croissante à l’égard des personnes LGBTI+, de l’éducation inclusive et de la liberté académique. « Nous observons cette urgence dans les réactions de rejet croissantes, où des lois discriminatoires et une rhétorique d'extrême droite ciblent les personnes LGBTI+ », a-t-elle déclaré.
Elle a également rappelé que « lors de notre dernier Congrès mondial, nous avons adopté une résolution condamnant la montée d'une idéologie anti LGBTI+ à l'extrême droite. Cette résolution n’était pas symbolique : c’était un appel à s’organiser, à résister et à défendre ».
« Dans le cadre de notre campagne La force du public: ensemble on fait école !, nous continuons à plaider pour des investissements publics dans des systèmes éducatifs qui ne sont pas dotés de ressources suffisantes, mais qui ne sont pas non plus inclusifs ou justes. Parce que sans sécurité, sans dignité, il n’y a pas d’éducation de qualité », a ajouté Mme Holst.
Des voix venant de la ligne de front aux États-Unis
Hilario Benson, directeur associé du Département des droits humains et civils du Centre pour la justice raciale et sociale de la National Education Association (NEA), a partagé son histoire personnelle et les défis rencontrés par les éducateur·trice·s LGBTI+ aux États-Unis.
Il a également mentionné « un contraste frappant » avec la situation d’il y a deux ans, lorsqu’il a célébré la World Pride à Sydney, en Australie, en tant que membre de la délégation de l'IE. « Aujourd’hui, ici, à Washington, nous luttons contre des tentatives fortes de supprimer la protection et l’ensemble des droits dont nous, en tant que syndicat, en tant que société, ne pouvons plus jouir. »
Reconnaissant que « les progrès ne sont pas linéaires », il a indiqué que « nous continuons de nous battre parce que nous le devons, nous nous sommes construits pour ce moment et c’est notre responsabilité envers nos élèves, nos communautés, de continuer à lutter ».
Il a observé que son syndicat insiste sur l’importance de « se rebeller et de résister, mais aussi de célébrer la joie ».
M. Benson a souligné qu’en février 2025, l’Administration Trump a mis en œuvre des mesures permettant d’identifier des enseignant·e·s appliquant les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) et a permis aux parents et au public de les dénoncer. « La NEA, et nos syndicats frères, comme l’ American Federation of Teachers (AFT), ont introduit un recours en justice et nous avons gagné. Ce n’est pas un combat que nous menons seuls. Nous devons nous encourager, encourager nos parents, nos familles à commencer à résister. »
Jeff Freitas, vice-président de l’AFT et président de la California Federation of Teachers (CFT), a également évoqué la lutte en cours pour les droits des personnes LGBTI+ aux États-Unis. « Nous continuons à nous battre pour ces droits ici aux États-Unis et nous sommes déterminés, comme vous en tant que syndicalistes, à lutter pour ces droits humains dans le monde », a-t-il déclaré.
Il a également mis en évidence plusieurs politiques progressistes et victoires judiciaires et légales concernant les droits des personnes LGBTI+ et l’éducation.
La Californie a interdit les lois qui obligeraient les éducateur·trice·s à divulguer l’identité LGBTI+ d’un élève aux parents sans le consentement de l’élève. Au cours de la dernière décennie, l’État de Californie a, selon lui, imposé que « l’histoire des LGBTI+ et celle de ses avocats soit racontée dans nos écoles ». Et les athlètes transgenres sont autorisés à « concourir dans les sports dans le genre avec lequel ils s’identifient », tout en veillant également à ce que « les femmes ne perdent pas leurs droits dans ces sports ».
M. Freitas a encore insisté sur une importante victoire des travailleurs à Chicago, où un nouveau contrat avec des écoles publiques a été ratifié à une majorité écrasante par le Chicago Teachers’ Union (CTU) et couvre des revendications traditionnelles – « classes plus petites, hausses des salaires, meilleure couverture de santé, ressources pour les salles de classe » ainsi que des dispositions plus larges « bien commun, biens de la communauté » en lien avec la thématique LGBTI+.
Impact des efforts des syndicats de l’éducation dans le monde
À l’échelle mondiale, les efforts des syndicats de l’éducation en matière de défense des droits des personnes LGBTI+ ont eu un impact profond tant que le paysage éducatif que sur la lutte plus large pour les droits humains. Ces syndicats ont permis de créer des environnements plus sûrs et plus inclusifs pour les élèves et les éducateur·trice·s LGBTI+ et de s’attaquer aux politiques et pratiques discriminatoires.
Au Royaume-Uni, par exemple, Phil Siddle, secrétaire général adjoint du NASUWT- The Teachers’ Union, a souligné les efforts déployés par son syndicat pour obtenir des améliorations en matière d’égalité pour les personnes LGBTI+ : « Nous avons une fière tradition de lutte pour l’amélioration de la situation des personnes LGBTI au Royaume-Uni et des syndicats comme le mien ont joué un rôle clé dans l’obtention de ces droits renforcés au fil des ans, en particulier depuis l’an 2000. Nous avons désormais le même âge de consentement pour les gays, les droits de partenariat civil, les droits d’adoption et de parentalité pour les couples mariés de même sexe et, surtout, en 2004, la loi sur la reconnaissance du genre a donné des droits aux personnes transgenres », a-t-il détaillé. Ces changements législatifs ont contribué à créer un environnement scolaire plus sûr tant pour le personnel que pour les élèves.
Il a toutefois évoqué « ce changement que nous observons au Royaume-Uni et la réaction de rejet ». Au sujet de l’effet négatif de l’arrêt de la Cour suprême du 16 avril 2025, qui clarifie l’interprétation à donner aux termes « homme », « femme » et « sexe » dans la loi de 2010 sur l’égalité, en particulier par rapport à la loi de 2004 sur la reconnaissance du genre, il a déclaré que « le discours anti-LGBTI+ que nous entendons aujourd’hui porte en fait sur les personnes transgenres et non binaires au Royaume-Uni. L’arrêt de la Cour suprême marque un recul très préoccupant des droits, en particulier parce qu’il est souvent déformé. Ce que cet arrêt dit est qu’aux fins de la loi sur l’égalité, notre législation principale protégeant les personnes contre la discrimination, les personnes transgenres ne sont pas protégées sur la base d’un nouveau genre, d’un certificat de naissance modifié ou d’un certificat de reconnaissance du genre. Elles ne peuvent être protégées que sur la base du sexe qui leur a été attribué à la naissance. »
Vous pouvez lire l’article dans le blog de Phil Siddle pour Mondes de l’Éducation, Lutter contre les discriminations envers les personnes LGBTQ+ : le combat continue, ici.
En Argentine, Ayelén Maitén Díaz a indiqué que le syndicat s’est efforcé de lutter contre la rhétorique d’extrême droite et les discours haineux encouragés par le gouvernement actuel : « Les discours du Président Milei sont légitimés sur les réseaux sociaux, créant une atmosphère de haine. Il y a eu un incident à Barracas, à Buenos Aires, où un voisin a bouté le feu à une maison dans laquelle vivaient des lesbiennes. »
Elle a expliqué que la CONADU s’est activement mobilisée pour défendre les droits de la communauté LGBTI+ et protester contre les politiques discriminatoires.
En Amérique latine, a-t-elle ajouté, « nous avons lancé un grand mouvement ces vingt dernières années. Le 3 juin, nous avons célébré l’anniversaire du mouvement Ni Una Menos [« Pas une (femme) de moins »] en Argentine. Nous ne pouvons pas agir de manière isolée. Nous devons en faire une lutte de classe. Et notre slogan cette année sera ‘Nous ne voulons pas une personne de moins’. »
Elle a poursuivi en reconnaissant que « si vous ne parlez pas de quelque chose, cette chose n’existe pas. Nous devons tout nommer, pour nous tous et toutes, l’identité, les différentes identités transgenre et non binaire. C’est pourquoi nous avons décidé de mobiliser les quatre coins du pays pour obtenir davantage de visibilité.
« L’extrême droite veut nier l’existence de notre diversité sexuelle et nos syndicats doivent être présents et relever le défi. Nous sommes des dirigeants et dirigeantes de syndicat. Nous devons rester fermes, sensibiliser à la réalité LGBTI+ et faire avancer les choses. »
Mme Maitén Díaz a conclu par ces mots : « Nous avons le pouvoir des enseignants et enseignantes qui sont dans les classes et préparent des cours inclusifs. Ils et elles font de leur mieux. Ils et elles nous accompagnent dans notre lutte, tout comme la communauté trans d’Amérique du Sud qui a tellement lutté pour l’égalité des genres. Les enfants et les élèves apprennent à parler, à écrire et à lire dans nos classes. Et nous utilisons leur pouvoir pour traverser cette période obscure. Nous sommes convaincus que nous relèverons le défi. »
Atsushi Takehana, enseignant du secondaire membre du Japan Teachers’ Union (JTU) et président du Kyoto Teachers’ Union, a fait part de statistiques alarmantes provenant d’une enquête menée par ReBit, une organisation sans but lucratif qui promeut la compréhension et apporte son soutien aux minorités sexuelles au Japon. Quatre-vingt-dix pour cent des élèves LGBTI+ ayant répondu à l’enquête ont connu des problèmes de harcèlement, a-t-il affirmé.
M. Takehana a également présenté les pourcentages de répondants ayant déclaré « J’ai pensé au suicide au cours de l’année écoulée ». Dans le cas des adolescent·e·s, le taux était supérieur à 50 pour cent et pour les jeunes d’une vingtaine d’années, il s’élevait à 40 pour cent. Le taux d’adolescent·e·s LGBTI+ qui ont pensé au suicide est 3,3 fois plus élevé que celui des autres adolescent·e·s. En comparaison avec l’enquête précédente de 2022 sur les enfants et les jeunes LGBTI+, il constate que ce pourcentage augmente.
Il a également signalé que près de 64 pour cent des problèmes et du harcèlement sont le fait des éducateur·trice·s à l’école. « Il s’ensuit que ces élèves ne peuvent pas vraiment parler en confiance. »
M. Takehana a également déclaré : « Je suis généralement conscient de l’éducation aux droits humains partout dans la vie scolaire, je ne laisse pas passer une agression sans réagir ou je prends contact avec des élèves en partant du principe qu’il existe des minorités dans les classes. De cette façon, les élèves parlent librement. »
Il a poursuivi en informant les participant·e·s que le JTU s’efforce de créer un réseau LGBTI+ afin de fournir un soutien et une protection.
Au sujet du réseau subrégional d’affiliés de l’IE en Asie du Nord (Taïwan, Corée du Sud, Mongolie et Japon), il a indiqué que ce réseau « a été créé pour promouvoir l’équité et l’inclusion en milieu scolaire et protéger les droits des élèves et des éducateurs et éducatrices ». Et il a annoncé une nouvelle positive : « Un représentant du Korean Teachers and Education Workers Union (KTU) a signalé qu’un soldat transgenre a été renvoyé de l’armée, mais que son renvoi a été jugé inconstitutionnel. Par ailleurs, la Corée du Sud a célébré la Journée LGBTI+ et des éducateurs et éducatrices ont fourni du matériel sur les minorités sexuelles et la diversité à différents niveaux d’enseignement ».
Les syndicats de l’éducation sont toujours aux avant-postes pour défendre la justice, l’inclusion et la démocratie. Ils ont non seulement amélioré la vie des personnes LGBTI+ à l’intérieur du système éducatif, mais ils ont également contribué à la lutte plus large pour les droits humains et l’égalité. Les efforts collectifs des syndicats de l’éducation ont également renforcé un sentiment de solidarité et de résilience au sein de la communauté LGBTI+. Comme l’a déclaré Haldis Holst : « Continuons à développer des syndicats de l’éducation qui protègent chacun de leurs membres, défendent chaque élève et soutiennent les droits humains universels qui nous appartiennent à tous et toutes ».
Le 14 juillet, le Comité LGBTI+ du Conseil des Global Unions (Conseil des syndicats mondiaux) organisera également un webinaire sur le thème « La contre-attaque renforce le pouvoir syndical : comment les syndicats ripostent face à l'agenda anti-LGBTI de l'extrême droite dans le monde ». Vous pouvez vous inscrire ici.