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Mondes de l'éducation

Soutenir la participation et le leadership des femmes à travers les technologies numériques : les enseignements tirés de l’expérience des syndicats de l’éducation durant la pandémie de Covid-19

Publié 8 mars 2023 Mis à jour 10 mars 2023
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La pandémie mondiale de Covid-19 a fortement affecté les travailleuses. L'Organisation internationale du travail (OIT) a documenté les pertes d'emplois et de revenus disproportionnées subies par les femmes dans le monde durant la pandémie: rien qu’en 2019-2020, l’emploi des femmes a chuté de 4,2 % (soit 54 millions d’emplois). La situation a exposé les femmes à un risque accru de perte d’emploi, de pauvreté, d’insécurité alimentaire, de perte de logement et à ce qu’ONU Femmes appelle désormais la pandémie fantôme de la violence domestique.

Des éléments anecdotiques suggérant une hausse de la participation des femmes aux activités syndicales à travers le monde ont poussé l’Internationale de l’Éducation à commander une étude sur les expériences vécues par les femmes en matière d’engagement, de participation et de leadership dans les syndicats de l’éducation durant la pandémie [1].

L’étude avait également pour objectif d’analyser l’efficacité des efforts et des stratégies syndicales pour faire progresser l’engagement, la participation et le leadership des femmes dans les syndicats en recourant aux technologies numériques au cours de la période 2020-2022.

Nous nous sommes entretenues avec 50 femmes syndicalistes de différentes régions du monde. Ce qu’elles nous ont dit est particulièrement instructif dans le cadre de la 67e session de la Commission de la condition de la femme, qui se déroule actuellement à New York, où des représentant·e·s des États membres des Nations unies, d’organisations internationales et non gouvernementales, dont des syndicats, sont rassemblé·e·s pour discuter du rôle de la mutation technologique et de l’éducation à l’ère du numérique pour parvenir à l’égalité des genres et autonomiser toutes les femmes et toutes les filles.

Expériences vécues par les femmes

Des enseignantes membres des organisations affiliées à l’Internationale de l’Éducation de différentes régions de l’IE ont relaté comment le Covid-19 a affecté leur vie quotidienne et leur participation aux activités de leur syndicat. Les témoignages qu’elles ont partagés sont un rappel brutal de l’interdépendance de leur vie professionnelle et privée, enfermées dans des normes de genre propres à leur contexte personnel, ainsi que de la division genrée du travail, qui a influencé la manière dont elles ont vécu la pandémie en tant que femmes et en tant que syndicalistes.

« Nous avons dû travailler beaucoup plus que ce que nous avions l’habitude de faire. Dans notre pays, dans nos réalités, les femmes sont censées s’occuper de tout ce qui a trait aux tâches ménagères et la plupart des hommes ne penseraient même pas à les aider ou à faire quoi que ce soit dans la maison. »

Syndicaliste d’Amérique latine

Parallèlement, les témoignages ont mis en évidence l’extraordinaire soutien apporté par les syndicats, en particulier les commissions des femmes ou de l’égalité des genres, les actes de solidarité et de fraternité et les mesures stratégiques prises par les syndicats pour soutenir la participation des femmes en dépit de la pandémie.

« Au cours de la pandémie, notre table ronde annuelle en présentiel s’est arrêtée et les enseignantes ne sont restées en contact que par les réseaux sociaux, comme les groupes WhatsApp, sur lesquels elles ont publié des questions, donné des nouvelles, se sont soutenues émotionnellement et psychologiquement, ont échangé leurs expériences. C’était une sorte de réseau de soutien dans lequel nous trouvions un soutien mutuel et de la solidarité. »

Syndicaliste d’Afrique

Ces témoignages attestent de l’importance de l’affiliation à un syndicat pour les femmes syndicalistes, en particulier durant la première année de la pandémie, lorsqu’elles luttaient pour donner un sens à l’incertitude et à l’évolution rapide de la situation en termes de confinements, de fermetures des écoles, de santé et de sécurité, sans parler des conséquences sur la sécurité d’emploi et le salaire. Les réunions, les groupes et les formations des syndicats sont devenus des réseaux de soutien et de solidarité avec d’autres membres féminins.

Les syndicats de l’éducation montent au créneau

L’étude a également mis en lumière les stratégies efficaces que les syndicats de l’éducation ont introduites pour aider leurs membres féminins à rester impliqués dans les activités syndicales pendant la pandémie.

Renforcer les compétences numériques et l’accès aux plateformes en ligne

« Ce qui fait vraiment la différence en termes de participation, c’est l’accès. »

Syndicaliste d’Europe

Les personnes chargées de l’inclusion et de l’égalité au sein des syndicats, les commissions des femmes et de l’égalité entre les genres, ainsi que les responsables des formations ont immédiatement renforcé leurs actions à travers l’organisation de réunions, formations et ateliers en ligne. Cela n’a pas été facile. Il a souvent fallu donner une formation sur Zoom et d’autres plateformes et outils en ligne, y compris WhatsApp et Facebook. Beaucoup se sont également mobilisé·e·s pour que les syndicats offrent une allocation ou un crédit à leurs membres pour la connexion internet et les données.

« J’ai demandé de l’argent au Conseil national du syndicat pour acheter des données afin que les femmes puissent nous rejoindre, parce que les données sont chères. Lorsque je peux leur donner des paquets de données, elles interviennent et participent. »

Syndicaliste d’Afrique

Les femmes syndicalistes ont accueilli favorablement les approches hybrides qui sont désormais adoptées par de nombreux syndicats. Les organisations syndicales devront continuer à fournir des formations et des espaces en ligne, en particulier dans les pays où les réseaux ne sont pas fiables et où les outils numériques ne sont pas abordables.

Offrir de nouveaux types de soutien pour répondre aux nouveaux défis

Les responsables des syndicats nationaux chargés de l’égalité et de l’inclusion ou de la formation ont répondu aux défis supplémentaires qu’ont rencontrés leurs membres féminins durant la pandémie en proposant de nouveaux types de formation et de soutien.

« Parmi les choses sur lesquelles la pandémie nous a permis de nous concentrer figurent les questions qui n’étaient peut-être pas considérées comme aussi importantes dans la formation auparavant… Ainsi, nous organisons davantage d’ateliers sur les sujets de la santé mentale, de la santé et la sécurité au travail, des droits des personnes LGBTQI, de la discrimination raciale, du changement climatique, de la ménopause et de nombreuses autres questions qui nous [femmes militantes] concernent. »

Syndicaliste d’Amérique du Nord

Certains syndicats ont créé et proposé des cours de formation en ligne sur des sujets comme : comprendre la violence et comment y répondre, la santé mentale et le bien-être, ainsi que des informations sur les droits humains et juridiques et les voies de recours pertinents dans le contexte de la pandémie. Les membres des syndicats ont également apprécié le fait que les formations sont désormais enregistrées et disponibles en ligne pour mieux s’intégrer dans leur agenda personnel.

« Nous repensons nos modèles d’apprentissage sous l’angle de l’égalité afin de fournir des possibilités d’apprentissage asynchrones, ayant un rapport très direct avec le problème pratique auquel les personnes sont confrontées. »

Syndicaliste d’Europe

Bâtir une base de connaissances

Quelques syndicats investissent dans la recherche sur l’impact de la pandémie sur le personnel enseignant et les autres membres des syndicats de l’éducation (cf. par exemple, les activités de recherche menée par l’ Educational Institute of Scotland). Investir dans une recherche sur la manière dont la pandémie et ses répercussions continuent d’affecter les enseignantes reste essentiel pour susciter de nouvelles idées de stratégies et de politiques syndicales.

« Nous avons vu des membres concevoir et réaliser plusieurs types d’activités, mais nous ne connaissons pas l’ensemble de leurs besoins, de sorte que nous suggérons de procéder à une évaluation des besoins afin de savoir de quels types d’activité les membres des syndicats ont besoin en cette période et aussi lorsque la pandémie sera terminée. »

Syndicaliste d’Asie-Pacifique

L’étude plaide (et formule des recommandations) pour que les membres de l’Internationale de l’Éducation et des syndicats de l’éducation continuent de fournir des ressources et de donner la priorité aux trois stratégies mentionnées ci-dessus, afin de renforcer la participation, la voix et le leadership des femmes syndicalistes dans le monde de l’après-COVID et de contribuer à faire avancer les objectifs du Plan d’action pour l’égalité des genres de l’Internationale de l’Éducation.

1. ^

Les syndicats de l’éducation et la participation des femmes aux activités syndicales en période de COVID-19, rapport élaboré pour l’Internationale de l’Education par Carol Miller et Houda Sabra, Octobre 2022.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.