Maroc : une grève soutenue devient un évènement fondateur et moteur du renouveau syndical
Durant une forte mobilisation de la profession enseignante au Maroc de trois mois, le Syndicat National de l'Enseignement - Confédération Démocratique du Travail (SNE-CDT) a mis en place une écoute active des revendications, organisé des consultations à la base et bâti un discours syndical commun. Et un plan national de renouveau syndical a été lancé, avec des objectifs précis tels que l'augmentation du taux d'adhésion, la création de comités syndicaux au niveau local, et l’organisation de visites sur le terrain.
Des stratégies de communication efficaces
Selon Younes Firachine, secrétaire général du Syndicat National de l'Enseignement - Confédération Démocratique du Travail (SNE-CDT), « le succès au niveau de la durée – trois mois – de cette mobilisation trouve ses origines dans une combinaison de facteurs structurels et humains avant d'entrer dans le mouvement de grève, parce que nous avons mené un long travail de terrain. Il y avait bien sûr une légitimité du combat parce que la grève n'a pas été une réaction impulsive, mais a répondu à un malaise profond ressenti sur l'ensemble du territoire ».
M. Firachine souligne l'importance de la communication claire et de la résistance pacifique : « Nous avons privilégié les actions non violentes, les sit-in, les marches encadrées, toutes formes de manifestations pacifiques. Mais au-delà de toutes ces stratégies, c'est la force morale aussi des enseignants et enseignantes de ce mouvement qui a été décisive. »

Il ajoute : « Nous avons mis en place une écoute active de revendications, organisé des consultations à la base et bâti un discours bien sûr syndical commun et nous avons aussi, bien sûr, joué avec les bases syndicales, les sections locales et régionales, un rôle stratégique assurant la continuité de la grève ».


Des accords historiques
Après les trois mois de grève, deux accords historiques ont été signés, marquant une étape décisive dans la lutte collective des enseignant∙e∙s. Ces accords, datés du 10 et du 26 décembre 2023, ont permis d'obtenir des augmentations de salaire à partir de 1.500 dirhams (150 euros) et un nouveau statut unifiant les enseignant∙e∙s contractuel∙le∙s et statutaires.
Un renouveau syndical
La grève a également été un moment d'introspection collective pour le SNE-CDT, révélant des faiblesses internes et la nécessité de réinventer le rôle du syndicat. Le dirigeant syndical explique : « Nous avons compris que le syndicat ne pouvait plus se limiter à réagir aux crises, il devait devenir un acteur de transformation sociale, pédagogique et aussi au niveau éthique ».
Un plan national de renouveau syndical a donc été lancé en février 2024, avec des objectifs précis tels que l'augmentation du taux d'adhésion et la création de comités syndicaux au niveau local.
Cet « évènement fondateur », selon M. Firachine, a rassemblé des militant∙e∙s de toutes les 12 provinces du pays « pour refonder notre vision commune et notre méthode d'action. Nous avons créé des équipes locales dynamiques composées de jeunes enseignants et enseignantes, de femmes engagées, de militants et militantes expérimentés. Ils ont agi comme catalyseurs dans leurs régions. »



Le syndicat a par ailleurs organisé des sorties de terrain régulières. Des délégué∙e∙s du SNE-CDT se sont rendu∙e∙s dans les établissements, y compris dans les établissements les plus reculés, pour dialoguer, écouter et bien sûr convaincre des collègues de l’intérêt du syndicalisme.
« Nous avons aussi modernisé nos outils de communication : nous avons utilisé des podcasts, des vidéos, et posté sur les réseaux sociaux pour toucher un public plus large », ajoute M. Firachine.
Des résultats prometteurs
Les efforts du SNE-CDT ont porté leurs fruits, avec une augmentation de 50 % des adhérents depuis la fin de 2023. M. Firachine conclut : « La grève de 2023, pour nous, c'était un tournant, un moment de vérité, mais ce n'était pas une fin en soi-même. Ce qui importe, c'est ce que nous avons bâti, avec un syndicat revitalisé, plus représentatif, plus à l'écoute, plus connecté à la réalité du terrain et bien sûr, résolument tourné vers l'avenir de l'École publique. Nous avons exploité la dynamique qui a créé ces trois mois de grève. Nous étions prêts pour un renouveau syndical avec des plans d'actions concrets, avec des objectifs chiffrés, bien réfléchis et bien planifiés. Et nous avons eu des résultats que nous n’avions pas imaginé pouvoir obtenir. »