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Internationale de l'Education
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Populations autochtones - Réparation par l’école

Publié 18 mai 2005 Mis à jour 18 mai 2005

Au Pérou, le rapport final de la Commission Vérité et Réconciliation, publié en août 2003, estime que la violence politique qui a frappé le pays de 1980 à 2000 a touché différemment les zones urbaines et rurales du pays. Les zones rurales et les départements plus pauvres ont subi le plus de victimes. Quatre victimes sur dix provenaient des peuples Ayacucho et parmi les quatre, trois parlaient le quechua. La plupart des victimes n'avait pas fait d'études supérieures, et rares étaient celles qui avaient bénéficié d'un enseignement secondaire.

Plus de la moitié des 25.000 victimes était des hommes âgés de 20 à 49 ans. 75% des cas de violence sexuelle ont été perpétrés sur des femmes d'origine quechua. De nombreux enfants ont perdu leurs parents lors des conflits: la majorité des victimes étaient des chefs de famille. Actuellement, bon nombre de ces enfants traumatisés, déplacés et orphelins à cause de la violence, essaient de refaire leur vie.

Rebeca Sevilla, coordinatrice IE, a été invitée à participer à la mission de l'ONG de développement néerlandaise NOVIB dans la ville de Huanta, en territoire Ayacucho. La délégation a visité le collège José María Arguedas, construit par l'association des parents APAFA, dont la plupart des membres sont des personnes qui ont été déplacées lors du conflit et qui n'ont aucune envie de retourner dans leur région d'origine.

Edwin Aguilar Chavez, le directeur de l'école, nous a expliqué: "Nous avons 200 enfants en primaire, avec un équilibre filles-garçons dans les classes. Notre première promotion termine cette année, et nous voulons construire davantage de salles de classe pour leur proposer le secondaire. S'ils vont dans une autre école, ils n'auront pas le niveau requis et courront le risque d'abandonner rapidement parce qu'ils n'auront pas reçu l'attention dont ils ont besoin. Ce sont des enfants à problèmes, tant du point de vue pédagogique que domestique. Certains dorment par terre ou n'ont parfois pas à manger. Certains parents ou tuteurs ne savent même pas lire ni écrire, ni parler espagnol."

Il poursuit fièrement en nous disant que tous les professeurs parlent le quechua et que les cours se donnent en quechua et en espagnol, même si certains parents souhaitent que leurs enfants n'apprennent que l'espagnol. Les événements qu'ils ont subis les empêchent d'envisager de retourner sur leurs terres abandonnées et ils souhaitent un avenir différent pour leurs fils et leurs filles.

L'équipement de l'école est minimal. De plus, les salaires des enseignant-e-s ne correspondent en rien aux pressions qu'ils subissent ni à leur charge de travail. Les classes comptent en moyenne de 35 à 40 enfants. En tant qu'employés, leurs salaires varient entre 70 et 140 dollars par mois, c'est-à-dire quasiment la moitié voire moins de ce que sont payés les autres enseignant-e-s de la même catégorie, parce qu'ils ne sont pas titularisés.

La maîtrise et la conscience professionnelle des professeurs sont impressionnantes. Des cours de rattrapage sont prévus pour les enfants en retard, et les élèves des dernières années ont accès à un centre informatique.

Les enseignant-e-s sont affiliés au syndicat SUTEP, grâce auquel ils ont obtenu des augmentations salariales lors de leur dernière grève. Mais au-delà des revendications salariales, les enseignantes et enseignants du collège J.M. Arguedas, demandent prioritairement leur nomination, et surtout des moyens pour améliorer l'apprentissage des enfants traumatisés par la guerre, dont les familles sont touchées dans leur vie et dans leurs moyens de subsistance.

Dans son rapport, la Commission de la vérité recommande que soit réalisée une réforme éducative pour pouvoir fournir une éducation de qualité pour tous, c'est-à-dire promouvoir une éducation prônant le respect des différences entre les peuples et entre les cultures. Adapter l'école, dans tous ses aspects, à la diversité des peuples, des langues et des régions du pays.

Cette proposition ne sera possible que dans la mesure où le gouvernement et la société civile organisée, y compris le SUTEP, soutiendront la mise en oeuvre du programme intégral de réparations proposé par la Commission pour les victimes (réparations économiques, réparations en matière de santé, d'éducation, de restitution des droits civiques, entre autres). L'IE s'engage à donner suite à cette lutte.

Le rapport de la Commission de la vérité est disponible en espagnol et en anglais sur le site: http://www.cverdad.org.pe

Cet article a été publié dans le magazine Mondes de l'Education n°5 en 2003