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Internationale de l'Education
Internationale de l'Education

Des voix se font entendre et appellent au respect

Publié 26 septembre 2012 Mis à jour 3 octobre 2012

Les enseignant(e)s ont autant besoin d’un rôle décisionnel qu’une limite à leur charge de travail, déclare John Bangs.

La charge de travail excessive à laquelle la majorité des enseignant(e)s est confrontée fait à nouveau les gros titres et une grève imminente en est la preuve. En vérité c’et toujours un sujet d’actualité. Il est évident à présent que les premières promesses de Michael Gove de libérer les enseignants étaient futiles. En fait, le stress ressenti par les enseignant(e)s  et la charge excessive de travail qu’ils/elles assument, ont empiré incontestablement au cours des dernières années.

Pour obtenir des preuves supplémentaires, il nous suffit de nous nous pencher sur le sondage sur la charge de travail des enseignant(e)s publié dans le TES [Times Educational Supplement] à la fin du trimestre dernier. Ce sont les enseignant(e)s qui font le plus d’heures, après « les directeurs de production et les directeurs d’entreprises minières et d’énergie ». Ils effectuent régulièrement une moyenne de 56 heures de travail par semaine pendant le trimestre. 70 % d’enseignant(e)s ont déclaré qu’au cours des trois derniers mois, ils avaient sacrifié une nuit de sommeil pour travailler, tandis que plus des trois quarts ont déclaré que la charge de travail avait un effet néfaste sur leur santé. Plus de la moitié est inquiet/ète au sujet de l’impact qu’a leur emploi sur leur vie personnelle. En résumé, sous le vernis lisse de l’expansion du gouvernement des académies et des écoles libres, la charge de travail assumée par le corps enseignant est incontrôlable.

Avec de telles preuves flagrantes, il a rarement été si pressant de bien examiner les causes du stress des enseignant(e)s et leur lien avec leur charge de travail.

Il est essentiel à ce stade de comprendre que la charge excessive de travail ne constitue pas l’unique problème ; si vous êtes dans un emploi qui n’occupe qu’une partie de votre journée et où vous êtes harcelé, les conséquences seront plus détrimentales que si vous êtes dans un emploi que vous aimez. En effet, il est plus probable que vous soyez plus efficace dans un emploi que vous aimez que dans un travail nocif. Cela est probablement évident, mais il convient toutefois de le signaler.

Récemment j’ai effectué une étude pour l’Internationale de l’Education avec mon collègue David Frost de l’Université de Cambridge, sur l’estime de soi, la voix des enseignant(e)s et la direction d’établissements scolaires.

Une attention particulière a été portée sur la façon dont les enseignant(e)s peuvent exercer des fonctions de responsabilité, influencer la politique, élaborer la pratique des enseignant(e)s et développer leurs connaissances professionnelles. Des ateliers de formation pédagogiques organisés dans le cadre de notre étude dans 12 pays ont fourni des données probantes indiquant que c’est ce que réclament les enseignant(e)s. Les enseignant(e)s pensent fermement qu’ils/elles devraient être responsables de leur propre pédagogie et qu’ils/elles devraient la développer eux-mêmes. Un consensus s’est manifesté pour que les enseignants puissent influencer les programmes scolaires et la formation professionnelle. Les enseignant(e)s souhaitent également être impliqués dans le processus d’évaluation scolaire et pouvoir s’évaluer entre collègues.

Et clairement, les enseignant(e)s veulent que leur voix collective soit entendue. Un commentaire exprimé par un/e enseignant(e) de la région de l’Essex, décrit assez bien les aspirations des enseignant(e)s à travers le monde. Il a déclaré qu’il voulait avoir la possibilité d’«influencer ce qui se passe dans l’école dans son ensemble, de collaborer avec les autres, d’obtenir des conseils et proposer des suggestions qui seront appréciées ».

Il est clair que ce ne sont pas les opinions d’une profession qui passe son temps à râler et à surveiller les aiguilles de la pendule. Elles ne sont pas rares non plus. Les sondages sur la perception des enseignant(e)s effectués au cours des vingt dernières années ont produit des opinions remarquablement similaires. L’élément prédominant qui ressort de ces sondages est le désir des enseignant(e)s d’être entendu(e)s. Cependant, il reste à établir un lien entre le débat sur les horaires et les conditions de travail et le thème sur l’amélioration de l’auto- efficacité.

L’Ontario, province de haute-performance du Canada est une illustration de cet exemple, où les syndicats enseignants soutiennent que la valorisation professionnelle, aussi bien individuelle que collective est tout aussi importante pour les enseignants(e)s que de mettre des limites réalistes à la charge de travail. En effet, les bons chefs d’établissements sont définis comme étant ceux/celles qui impliquent les enseignant(e)s dans la prise de décisions et qui appliquent des limites sur la charge de travail des enseignant(e)s.

Je suis de l’avis que dans ce pays nous devons adopter la même approche, c’est-à-dire reconnaître que la cause principale de stress des enseignant(e)s est due à leur sentiment d’impuissance et de ne pas pouvoir faire entendre leur voix. Perdre le contrôle de sa charge de travail est souvent pire que la charge de travail elle-même. Au Royaume-Uni, la profession enseignante se balkanise de plus en plus rapidement et est ignorée. La demande pour une profession enseignante forte et confiante en ses capacités augmente, mais elle devrait également inclure des propositions relatives à des conditions de travail qui accordent de l’importance à un haut niveau d’autonomisation des enseignant(e)s. En fin de compte ce sont les ingrédients qui constituent des systèmes d’éducation remarquables, comme nous le rappelle l’Organisation de coopération et de développement économiques. Restaurer la confiance professionnelle chez les enseignant(e)s n’a jamais  été aussi importante et le succès de notre éducation en découle.

John Bangs est Consultant senior auprès du Secrétaire générale de l’IE, membre émérite honoraire à l’Université de Cambridge et ancien chef du service éducation du NUT.

Ces commentaires ont été publiés pour la première fois sur le site du TES: http://www.tes.co.uk/article.aspx?storycode=6291326#.UGHsVT9DMw0.email