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Résolution sur Education: service public ou marchandise?

Publié 23 juillet 2004 Mis à jour 31 mars 2017

Le 4e Congrès mondial de l'Internationale de l'Education, réuni à Porto Alegre Brésil, du 22 au 26 juillet 2004:

1. Constate qu'au cours de ces dernières années de nombreuses propositions innovantes ont été faites par des organisations intergouvernementales, des gouvernements et des syndicats pour réformer les systèmes publics d'éducation afin de les rendre plus performants; mais que dans le même temps d'autres propositions ont été faites pour soumettre les systèmes d'éducation aux règles du marché.

2. Constate que tout le monde s'accorde aujourd'hui pour considérer que les systèmes publics d'éducation à tous les niveaux doivent préparer les jeunes à développer une attitude socialement responsable, une approche critique, une attitude positive face à l'innovation et une capacité au dialogue.

3. Constate que les systèmes éducatifs devraient offrir des opportunités pour toute personne à tout âge. Elles devraient inclure la préparation à la vie en tant que citoyens actifs dans une société démocratique; la transmission de connaissances, de compétences et d'aptitudes à l'esprit critique; et une préparation au monde du travail, incluant le recyclage des connaissances et des aptitudes. Des systèmes éducatifs de qualité devraient offrir un bon équilibre entre les trois dimensions de l'éducation.

4. Constate aussi que le niveau des ressources humaines et le recours aux nouvelles technologies sont devenus des enjeux stratégiques dans la concurrence acharnée à laquelle se livrent les entreprises au niveau international et que la question de la capacité de l'enseignement public de relever ce défi est posé par certains acteurs de la vie politique et économique.

5. Constate que la mondialisation ne se limite plus aux productions et échanges de biens matériels mais qu'elle s'étend aujourd'hui à la production de biens immatériels, comme l'enseignement, qui est considéré par certains investisseurs comme un nouveau domaine d'investissements rentables. Cela aboutit à la privatisation de l'éducation et de la recherche par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et l'Accord général sur le commerce des services (AGCS).

6. Constate aussi que la commercialisation internationale de l'éducation engendre les résultats négatifs suivants: a. Elle se traduit par une plus grande uniformisation et la prédominance continue des langues coloniales au détriment des cultures et langues nationales et locales. b. Elle sape et neutralise les systèmes éducatifs nationaux et locaux qui ne peuvent rivaliser avec les plus grandes ressources mises à disposition et l'offre de cours tout prêts , identiques pour tous, et - de prime abord- relativement bon marché. c. Elle menace de saper ce rôle très spécial de cohésion nationale que l'éducation joue dans les sociétés divisées tout au long de l'histoire, par la promotion des valeurs démocratiques, de la réconciliation et de respect de la diversité. d. Elle représente également le désengagement massif et l'abdication de l'Etat face à l'une de ses responsabilités primordiales, celle d'assurer une éducation de qualité pour tous.

7. Constate que le secteur de l'enseignement, en comparaison à d'autres secteurs professionnels, n'utilise que très peu à ce jour les nouvelles technologies de l'information et de la communication, et que les opportunités et les défis qu'elles suscitent ne sont pas pleinement mesurables.

8. Constate néanmoins que de plus en plus de décideurs politiques voient dans les nouvelles technologies un outil idéal à la commercialisation de la formation et de l'enseignement via internet, en relation avec l'éducation, primaire, secondaire, tertiaire et tout au long de la vie.

Le quatrième Congrès mondial de l'Internationale de l'Education:

9. Accorde la priorité au renforcement de l'action des organisations membres contre les menaces qui pèsent sur l'enseignement public que représentent l'économie néo-libérale et les politiques en matière d'éducation préconisées par les institutions internationales, notamment la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), l'OMC et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

10. Rappelle que l'enseignement public est un système scolaire gratuit et ouvert à tous sans discrimination de sexe, de religion, de culture et de niveau social, financé par des fonds publics, géré et évalué conformément aux objectifs et aux principes démocratiquement fixés par les autorités publiques.

11. Réaffirme que l'accès de tous, et en particulier des filles, à une éducation de qualité est un droit fondamental reconnu juridiquement par la communauté internationale mais qui est loin d'être traduit dans les faits.

12. Réaffirme que les autorités publiques ont une responsabilité majeure dans l'ouverture de l'accès de tous à l'éducation et que le transfert total ou partiel de cette responsabilité aux organisations non-gouvernementales doit être considéré comme provisoire afin de faire face à des situations d'urgence.

13. Mandate le Bureau exécutif pour prendre les initiatives appropriées lors du prochain triennium afin que les disparités entre garçons et filles dans l'enseignement primaire et secondaire soient éliminées d'ici à 2005, et que l'égalité dans le domaine de l'éducation soit atteinte dans les dix années qui suivent, comme le prévoit le Cadre d'action sur l'éducation pour tous (EPT) adopté par le Forum de Dakar en avril 2000.

14. Affirme que l'enseignement doit être un lieu commun de partage et de transmission du savoir où les personnes doivent apprendre à vivre ensemble, sans discrimination fondée sur l'origine ethnique, la religion et la culture et que la remise en cause de l'enseignement public par des politiques de privatisation modifiera profondément la nature de nos sociétés démocratiques et renforcera les inégalités d'accès.

15. Affirme que l'enseignement en tant que service public doit poursuivre ses efforts de modernisation et faire son possible pour obtenir une meilleure qualité et des niveaux de réussite plus élevés pour répondre à l'inquiétude des parents et des jeunes en proie à l'insécurité que font naître les changements économiques et sociaux.

16. Affirme que l'enseignement doit être gratuit et son financement fondé sur le concept de la solidarité fiscale: les individus devant contribuer au financement des services publics en fonction de leurs moyens plutôt que sur la base de leurs besoins, la gestion de ces fonds publics devant se faire dans la plus grande transparence avec dénonciation et punition publique de la mauvaise gestion et de pratiques éventuelles de corruption.

Le quatrième Congrès mondial de l'Internationale de l'Education:

17. Mandate le Bureau exécutif pour poursuivre le travail de plaidoyer en direction des organisations inter-gouvernementales, des internationales syndicales et politiques sur la nature et le sérieux de nos propositions en la matière.

18. Demande aux organisations affiliées de poursuivre leur réflexion sur les réformes à engager en vue de faire du système public d'éducation une école de la réussite garantissant, d'une part, la liberté pédagogique de l'enseignant conformément à la Recommandation conjointe OIT/ UNESCO de 1966 et, d'autre part, les droits des jeunes et des adultes à une formation initiale et à une formation continue digne de ce nom. A cet effet, elles entameront avec leur gouvernement respectif, les médias, les organisations de parents et de jeunes, le nécessaire dialogue afin d'atteindre cet objectif.

19. Rappelle que l'éducation n'est pas une marchandise et ne doit pas être privatisée, et exige l'exclusion de l'éducation, de la recherche et du développement et des autres services sociaux de l'AGCS et des négociations dans les accords commerciaux bilatéraux, multilatéraux et régionaux.

20. Reconnaît l'importance de la promotion d'initiatives et d'actions entre les réunions ministérielles portant sur l'AGCS, et les accords commerciaux bilatéraux, multilatéraux et régionaux dans le but de superviser et d'influencer les questions liées au commerce, en particulier celles qui affectent l'éducation, d'autres services publics et les normes fondamentales de travail.

21. Donne mandat au Bureau exécutif pour continuer et amplifier le travail de l'IE concernant l'AGCS par le biais de campagnes destinées à exclure l'éducation et la recherche de l'AGCS et des accords de libre-échange régionaux et bilatéraux.

22. Mandate l'IE pour sensibiliser les organisations membres au sujet de la pertinence, de l'impact et de l'importance des accords de commerce internationaux pour le travail des organisations nationales représentant les travailleurs du secteur de l'éducation.