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Plus de 1000 enfants retournent à l’école grâce aux enseignants maliens

Publié 11 juin 2017 Mis à jour 10 juin 2021

Au Mali, le SNEC (Syndicat national de l’Education et de la Culture) contribue depuis 2014 au développement de zones libres de tout travail d’enfants dans les régions de Bougouni, Niono, Macina, Dioila et Bla en partenariat avec des ONG locales (ENDA, Alphalog et CAEB).

« Notre point de départ est la formation des enseignants dans les zones visées, explique Soumeïla H Maiga, coordinateur du projet au sein du SNEC. Dans les écoles de chaque village, nous formons le directeur ainsi qu’un enseignant qui devient le point focal du projet. A l’aide d’un manuel de l’IE, nous leur apprenons par exemple la définition du travail des enfants, les techniques de communication pour en parler avec les parents, les activités à mettre en place pour sensibiliser à l’importance de l’éducation ». 920 enseignants de 48 écoles ont été formés par le SNEC au cours de ce projet.

Après la formation, chaque point focal crée un « club anti-travail d’enfant » dans son école, composé de 12 élèves (six filles, six garçons). Les membres du club mènent des activités de sensibilisation au sein de l’école sur les risques liés au travail des enfants. Ils repèrent dans leur voisinage les enfants qui ne sont pas scolarisés, ils se renseignent sur les raisons de cette non-scolarisation et les communiquent à leur enseignant point focal, qui prend contact avec l’enfant déscolarise ou ses parents. « Les informations transmises par ces élèves m’aident à définir ma stratégie lorsque j’essaie de convaincre un enfant travailleur ou ses parents de la nécessité de revenir à l’école, explique Noumoutieba Diarra, point focal de l’école d’Ouroun (région de Bougouni). La formation du SNEC m’aide également car j’ai appris à mieux communiquer avec les proches d’un enfant, à écouter attentivement leurs préoccupations avant d’essayer de les convaincre ».

Les notables des villages appuient le SNEC

Des comités de veille sont créés par le SNEC dans chaque commune d’intervention du projet. Ils sont composés des notables du village (chefs traditionnels et religieux, représentants d’associations de femmes, des employeurs, etc.) et ont pour fonction d’appuyer la sensibilisation contre le travail des enfants et en faveur de l’éducation. Une action conjointe du point focal, du club anti-travail d’enfants et d’un comité de veille aboutit presque systématiquement au retour d’un ex-enfant travailleur à l’école. Ce fut le cas pour Soumba, une fille de 14 ans habitant la commune de Dossola, dans la région de Bougouni: « J’ai arrêté l’école en mars 2016 car ma famille n’avait pas les moyens de payer mes frais scolaires. J’ai commencé à travailler sur le site d’orpaillage situé à deux heures de marche de Dossola. A deux reprises, les membres du club anti-travail d’enfants et le comité de veille sont venus me parler sur mon lieu de travail pour me convaincre de la nécessité de retourner à l’école. J’étais impressionnée et touchée qu’autant de personnes se déplacent pour moi jusque mon lieu de travail. Mon père s’est engagé devant toutes ces personnes à trouver de quoi payer mes frais scolaires, j’ai donc pu réintégrer l’école ».

Une assemblée générale est organisée dans chaque village visé par le projet. « Lors d’une assemblée générale, le chef traditionnel du village convoque toute la population pour communiquer sur un thème important, en l’occurrence l’importance de l’éducation. Chacun a le droit de s’exprimer mais à la fin de l’assemblée, le chef traditionnel affirme que désormais, le travail des enfants ne sera plus accepté dans le village. Ce type de décision, prise par des autorités locales très respectées par la population, est d’une grande aide pour convaincre chaque parent d’envoyer tous ses enfants à l’école », explique Noumoutieba Diarra. « Si un parent ne respecte pas la norme, nous avons des moyens de pression, explique Yakouba Bagayogo, chef du village de Yéréfounéla et président du comité de veille créé par le SNEC. Lors de chaque récolte, un groupe de jeunes s’associe pour s’entraider. Le parent qui refuse d’envoyer son enfant à l’école peut être exclu de cette forme de solidarité, il comprendra rapidement que l’éducation est devenue l’une des priorités de notre village »

Les mères d’élèves renforcent la sensibilisation

Le SNEC encourage les points focaux à créer des Associations de mères d’élève (AME) pour renforcer la sensibilisation. « Les mères ont un rôle clé dans l’éducation au Mali, elles peuvent influencer leurs maris et leurs enfants pour les convaincre de poursuivre la scolarité, souligne Soumeïla H Maiga. Les AME renforcent l’action des comités de veille, des points focaux et des clubs anti-travail d’enfants ». Madié Bagayogo, membre de l’AME d’Ouroun : « J’utilise des exemples très concrets pour sensibiliser les enfants travailleurs. Je leur dis que si les enseignants occupent un tel poste, avec un salaire garanti, c’est parce qu’ils ont bien étudié durant leur enfance. L’un des dangers que courent les petites filles est de quitter l’école pour partir à Bamako, où elles travaillent dans le secteur domestique et sont exposées à de nombreuses exploitations. Je leur cite l’exemple d’autres filles du village qui sont tombées enceintes en ville, qui sont revenues mais n’ont pas été acceptées par la communauté. Ces exemples les font réfléchir, elles reviennent à l’école ». A Yéréfounela (région de Bougouni), l’AME a créé un petit fonds pour soutenir l’éducation. « Chaque membre dépose 100 francs CFA (0,15 euro) par semaine dans ce fonds. Il est utilisé pour aider l’école à acheter un peu de matériel, à offrir une petite aide à un élève en difficulté », explique Kadjiné Doumbia, trésorière de cette association.

Depuis 2014, plus de 1000 enfants ont retrouvé les bancs de l’école grâce à ce projet. Les taux d’abandon scolaire sont en chute libre dans la plupart des écoles concernées. A Syentoula par exemple (région de Bougouni), plus aucun enfant n’a abandonné l’école depuis un an et les résultats scolaires des élèves sont en amélioration. « Ce sont des encouragements très importants pour les enseignants, souligne Daouda Diakité, directeur de l’école de Syentoula. Leur motivation augmente car plus aucun élève n’abandonne. Ils ont développé des cours de remédiation supplémentaires, notamment pour les ex-enfants travailleurs que nous réintégrons ».

L’implication du SNEC dans ce projet engendre des bénéfices très concrets pour le syndicat de l’éducation. Soumeïla H Maiga : « Nous avons recruté de nombreux nouveaux membres grâce aux formations d’enseignants, nous avons aussi gagné en visibilité dans la société malienne. La participation à ce type de projet renforce notre lobby auprès des autorités pour une éducation de qualité. Nous sommes parvenus à obtenir l’inclusion du thème du travail des enfants dans le programme d’enseignement officiel du gouvernement. Ce projet renforce aussi notre plaidoyer pour l’intégration des enseignants communautaires dans la fonction publique, qui fait l’objet d’ un autre projet soutenu par l’IE. A ce jour, nous avons pu obtenir cette intégration pour 800 enseignants, avec de bien meilleures conditions d’emploi à la clé ».

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