Le Bureau exécutif de l’Internationale de l’Éducation se réunit afin de discuter des enjeux mondiaux en matière d’éducation
Les dirigeant·e·s de l’Internationale de l’Éducation (IE) se sont réuni·e·s à l’occasion de la 71e réunion du Bureau exécutif afin de discuter des enjeux mondiaux du secteur de l’éducation et de déterminer la marche à suivre pour l’organisation. La réunion a permis de réaffirmer la solidarité mondiale entre les affiliés ainsi que leur engagement ferme en faveur d’une éducation de qualité partout dans le monde.
Une nouvelle ère de la force syndicale : du symbolisme à la stratégie
La réunion, qui s’est tenue à Bruxelles, en Belgique, les 2 et 3 décembre 2025, a débuté par un appel à l’action du président de l’IE, Mugwena Maluleke : « Nous ne nous réunissons pas uniquement à des fins de réflexion, mais également pour réaffirmer notre détermination collective. Dans un monde en proie à des bouleversements et à des turbulences, nous nous érigeons en force mondiale en faveur de la justice. Guidés par la conviction inébranlable que l’éducation est l’âme d’une société démocratique, nous fixons le cap de notre plaidoyer mondial. Nous devons parler non seulement politique, mais aussi principes. Non seulement campagnes, mais aussi conscience. »

Le président de l’IE a en outre appelé les affiliés à « se mobiliser avec clarté et courage. Formons des alliances qui transcendent les frontières, les secteurs et les générations. Exposons publiquement nos revendications, mais aussi nos rêves. L’éducation ne se trouve pas dans des documents politiques. Elle se trouve dans le cœur de celles et ceux qui osent enseigner, apprendre et diriger. Le monde regarde et l’histoire ne jugera pas nos promesses, mais nos accomplissements. »
La voix des acteurs sur le terrain : la solidarité mondiale en période de crise
Les discussions du Bureau exécutif ont été ponctuées par les témoignages poignants de dirigeant·e·s syndicaux·ales qui vivent sous des régimes oppressifs et au sein de zones de conflit. Ismael Abdi, dirigeant syndical iranien dans le secteur de l’éducation, a passé de nombreuses années en prison après avoir dénoncé publiquement certains problèmes liés à l’éducation et aux syndicats. Ismael Abdi a ainsi évoqué les notions de répression et de résilience : « Rien n’est plus puissant, plus inspirant et plus transformateur qu’une éducation critique et juste. J’irai même plus loin en affirmant que l’éducation et la solidarité entre éducateurs et éducatrices sont ce qui donne une âme à tout mouvement social progressiste et sème la peur au cœur de tout régime oppressif. »
Son discours devant le Bureau exécutif se terminait ainsi : « L’éducation, la justice et la démocratie sont les éléments interdépendants d’une société progressiste. Sans éducation critique, la démocratie n’est qu’un mot vide de sens. Et sans démocratie, la justice n’est plus qu’un slogan trompeur. Il nous incombe donc, en tant qu’éducateurs et éducatrices et syndicalistes, de soutenir les voix qui défendent la liberté et les droits humains en renforçant notre solidarité interne et internationale. »

Saed Erziqat, secrétaire général du Syndicat des enseignant·e·s palestinien·ne·s (General Union of Palestinian Teachers), a décrit les ravages causés par la guerre à Gaza et en Cisjordanie : « La guerre a détruit des écoles, déplacé des communautés toutes entières et coûté la vie à des milliers d’élèves et d’éducateurs et éducatrices. Et en dépit de tout cela, le personnel enseignant continue d’enseigner. Il enseigne sous des tentes, dans la rue et partout où il estime être suffisamment en sécurité. L’éducation résiste en Palestine, parce que les enseignants et enseignantes refusent de baisser les bras. Mais ce n’est pas un combat qu’ils peuvent gagner seuls. Votre solidarité leur donne de la force. Vos voix leur donnent de l’espoir. C’est pourquoi la visite de l’Internationale de l’Éducation en Palestine, à l’occasion de la Journée mondiale des enseignants et enseignantes, nous a profondément touchés. Cela ne se résume pas à un simple geste symbolique. Il s’agissait d’un message puissant et clair adressé à l’ensemble du personnel enseignant palestinien : il est observé, entendu et soutenu par les éducateurs et éducatrices du monde entier. »
Olha Chabaniuk, vice-présidente du syndicat du personnel de l’éducation et des sciences d’Ukraine (TUESWU) et membre du Bureau exécutif de l’IE, a fait part des difficultés que rencontre l’enseignement en temps de guerre : « Lorsque l’invasion à grande échelle a démarré en 2022, les troupes russes se sont approchées de Kiev et le pays tout entier a sombré dans le chaos. Nombreux sont ceux et celles qui ont fui. La communication avec les organisations régionales était pratiquement impossible. Nous nous sommes tous et toutes demandé si notre syndicat, nos communautés, voire notre pays, allaient survivre et continuer d’exister. »
Le soutien financier accordé par l’IE et ses organisations membres a permis au TUESWU d’acheter des générateurs afin que les organisations nationales et régionales puissent continuer à fonctionner pendant les coupures de courant. Il a également permis de commencer à rénover le camp syndical pour enfants près de Kiev, d’y construire un abri et d’établir un centre syndical, de mettre en place un projet axé sur le rétablissement après des traumatismes et sur l’aide à la santé mentale, et d’organiser un forum national de la jeunesse – « une tâche cruciale à une époque où il est essentiel de persuader les jeunes de rester en Ukraine », a souligné la vice-présidente.
Le TUESWU se bat actuellement en faveur des conditions de travail des enseignant·e·s et du personnel enseignant lui-même, a-t-elle déclaré. Tout en soulignant que des lettres de soutien avaient été envoyées par les affiliés de l’IE et par sa région européenne, le Comité syndical européen de l’éducation (CSEE), Olha Chabaniuk a rappelé que son syndicat avait aussi soumis une proposition visant à augmenter les salaires des enseignant·e·s dans le budget 2026. « Cette action collective a donné de bons résultats », a-t-elle souligné. Elle a en effet annoncé que la commission de l’éducation du Parlement était prête à retirer la proposition prévoyant des contrats à durée déterminée et une semaine de travail de 36 heures, « une victoire qui nous appartient à tous et toutes ».
La campagne « La force du public : ensemble on fait école ! » : épine dorsale de la stratégie de l’IE
La campagne « La force du public : ensemble on fait école ! » de l’IE, qui a mobilisé des éducateur·trice·s du monde entier, de l’Uruguay à l’Ouganda, en passant par la Jamaïque et l’Afrique du Sud, a été au centre des discussions. Lors de la présentation du rapport d’activités de l’IE, le secrétaire général David Edwards a présenté la campagne comme l’épine dorsale de la stratégie de l’organisation : « La campagne La force du public relie tous les fils que nous tissons et qui font notre force en tant que mouvement… Elle nous permet de mettre en lumière à l’échelle mondiale la pénurie d’enseignants qui touche le monde et de faire comprendre aux Nations Unies, à l’Organisation internationale du Travail, à l’UNESCO, à tout le monde, ce que cela implique. »
David Edwards a ensuite mis en avant des victoires telles que l’augmentation des salaires du personnel enseignant en Mongolie, la hausse considérable du financement au Népal ou encore les efforts couronnés de succès du syndicat de l’éducation du Zimbabwe en faveur de la qualité et du financement de l’éducation. « Ces victoires et ces percées ne sont pas des accidents. Elles sont le fruit de choix et de discipline. Nous voyons à long terme. Les graines que nous semons nourriront des nations. Tel est notre engagement. »
Les priorités des différents syndicats de l’enseignement
Lors de son rapport, David Edwards a fait référence au lancement de la plateforme de l’IE dédiée au soutien à la santé et au bien-être des enseignant·e·s et des personnels de soutien à l’éducation (PSE) partout dans le monde, développée en partenariat avec la société française MGEN. « Le bien-être des élèves est intimement lié à celui des enseignants et enseignantes. Le personnel enseignant doit être respecté, soutenu et valorisé en tant que professionnels et professionnelles. »
À l’occasion de la Journée mondiale des PSE, David Edwards a rapporté comment « les syndicats de l’enseignement des quatre coins du monde ont fait entendre leur voix en faveur de la reconnaissance et ont revendiqué de meilleures conditions pour les PSE à travers le monde. Nous avons mis en évidence le rôle clé des PSE dans la promotion d’une éducation inclusive et d’environnements collaboratifs au sein des établissements scolaires, parce que nous vivons à une époque où l’inclusion est attaquée et où les PSE se trouvent en première ligne de la défense de l’inclusion et des droits des enseignants et enseignantes et des élèves. »
Il a également mentionné le travail accompli pour que les enfants qui travaillent reprennent le chemin de l’école : « L’année dernière, 1.880 enfants qui travaillaient ont regagné les salles de classe. Ce chiffre est le fruit de projets menés au Burundi, au Malawi, au Mali, au Togo, en Ouganda et au Zimbabwe. Et chacun et chacune de ces élèves compte. »
Il a également fait le compte rendu du lancement de l’Enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS) 2024, soulignant que « ce qui est intéressant avec l’enquête TALIS, c’est que, comme avec n’importe quel type de donnée factuelle, celle-ci n’est utile que si on l’utilise, si vous regardez ce qu’elle nous dit réellement. Plus de 50 pays ont participé lors de cette phase. Elle recense les heures de travail. Elle recense le niveau d’épuisement professionnel. Elle recense le point de vue et la lassitude des enseignants et enseignantes face aux réformes, ainsi que le degré de confiance qu’ils et elles accordent à leur gouvernement. » Il a ajouté avoir pris la parole devant le Parlement japonais, aux côtés de l’affilié national de l’IE, le syndicat de l’enseignement japonais, en s’appuyant sur les données de l’enquête TALIS.
Il a par ailleurs indiqué que l’IE était également représentée à la COP 30, précisant que le travail de l’organisation en faveur du climat dans le cadre de la campagne « Enseignez pour la planète » se poursuit.
Il a finalement fait état de la situation au Myanmar, où les éducateur·trice·s et les dirigeant·e·s syndicaux·ales continuent de faire face à une oppression constante, la junte militaire qui a saisi le pouvoir en février 2021 cherchant désormais à légitimer son régime par le biais d’élections fictives.
Financer l’avenir : un appel à l’investissement mondial
Christine Hogan, vice-présidente du Partenariat mondial pour l’éducation, s’est adressée au Bureau exécutif pour lui exposer le besoin urgent d’un financement plus important : « Nous vivons une époque marquée par la baisse des subventions de nombreux gouvernements donateurs, des contextes économiques nationaux tendus, des climats politiques incertains, des opportunités croissantes, mais aussi par l’instabilité et des enjeux naissants liés à l’intelligence artificielle, à la migration et au climat. La solidarité entre partenaires n’a jamais revêtu autant d’importance. »
Christine Hogan a appelé à un mouvement collectif afin de mobiliser 15 milliards de dollars de nouveaux investissements, soulignant « le rôle crucial que jouent les enseignants et enseignantes en tant qu’acteurs importants et ressource clé pour garantir l’éducation des enfants dans les salles de classe, ainsi qu’en tant que mobilisateurs utiles de la volonté politique et parties prenantes inestimables dans l’élaboration et la mise en œuvre de réformes de l’éducation, tant au niveau national que mondial. »
Les dirigeant·e·s de l’IE ont également discuté du plan stratégique de l’IE et des modifications à apporter afin de mettre l’accent sur l’organisation, la croissance et l’engagement.

Des mises à jour concernant la Conférence mondiale de l’IE sur l’IA ont été communiquées, ainsi que les rapports de la Commission des finances, du Comité consultatif OCDE, du Comité consultatif « peuples autochtones », du groupe de travail sur la renégociation des recommandations internationales de 1966 et 1997 relatives au personnel enseignant, du Comité des statuts et règlements et des instances de gouvernance régionales.
Le Comité de la promotion des femmes a informé le Bureau exécutif que le thème choisi pour la 5e Conférence mondiale des femmes de l’IE, qui se tiendra les 15 et 16 septembre 2026 à Salvador de Bahia, au Brésil, sera le suivant : « S’unir pour la justice de genre ».
Enfin, le Bureau exécutif de l’IE a fait ses adieux et rendu hommage à Haldis Holst, qui quittera bientôt ses fonctions de secrétaire générale adjointe.
Dans son dernier discours devant le Bureau exécutif, Haldis Holst a rappelé aux affilié·e·s l’importance de la relation élève-enseignant·e ainsi que l’importance du rôle de l’IE pour la représentation de la profession enseignante.
« N’oubliez jamais votre histoire. Nous marchons sur les traces de géants et géantes. Nous tous et toutes. Nul d’entre nous n’a atteint seul ses résultats. D’autres nous ont ouvert la voie avant que nous arrivions. Et d’autres encore prendront le relais lorsque nous partirons. C’est en puisant dans votre histoire, tant celle de notre profession que celle des syndicats, dans ce que ces personnes ont accompli, dans ce qu’elles ont réalisé, que vous pourrez trouver la fierté et l’énergie nécessaires pour aller de l’avant. »
Haldis Holst a en outre souligné l’importance pour les syndicalistes d’être « la voix de la profession enseignante » et celle de toutes les personnes qui ne peuvent s’exprimer elles-mêmes.
Elle a conclu en ces termes : « J’ai hâte de vous rencontrer et d’apprendre à vous connaître d’ici 2029, date du prochain Congrès mondial de l’IE qui se tiendra en Norvège. J’aimerais entendre parler de vos réalisations qui démontreront que la relation enseignant-élève est un patrimoine mondial, que vous avez poursuivi vos efforts en faveur de la démocratie et que vous avez veillé à soutenir la justice sociale partout dans le monde. »
La marche à suivre : entre stratégie et espoir
Au terme de la réunion, Mugwena Maluleke a déclaré : « Nous nous fixons des objectifs, attribuons des responsabilités et nous engageons à rendre des comptes. C’est ce que nous appelons la discipline. Notre travail se mesure à l’aune des vies qu’il transforme. Que cela soit notre boussole. »