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Travail de enfants: des chiffres alarmants réaffirment la nécessité d'une éducation publique gratuite et de qualité

Publié 11 juin 2021 Mis à jour 7 juillet 2021

Dans le sillage de la pandémie de COVID-19, le nombre d'enfants poussés à travailler a atteint 160 millions, soit une augmentation de 8,4 millions, et 9 millions de plus sont menacés. Cette tendance alarmante peut être combattue efficacement en faisant de l'éducation publique de qualité accessible à tous·tes une priorité absolue dans le monde entier.

L'impact de la pandémie de COVID-19, avec les fermetures d'écoles et la crise économique qui l'ont accompagnée, est ressenti par des millions d'enfants qui ont été poussés vers le marché du travail à un rythme effréné.

Le nombre d’enfants victimes du travail des enfants s’élève à 160 millions dans le monde – soit une augmentation de 8,4 millions d’enfants au cours des quatre dernières années, selon un nouveau rapport de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et de l’UNICEF. Le rapport souligne que les progrès enregistrés pour mettre fin au travail des enfants sont au point mort pour la première fois en vingt ans. Il note une hausse significative du nombre d’enfants âgés de 5 à 11 ans astreints au travail des enfants : ils représentent désormais un peu plus de la moitié du chiffre mondial total. La plus grande partie du travail des enfants est effectuée au sein de la cellule familiale.

Des affiliés de l’IE dans treize pays (1) mènent des programmes d’éradication du travail des enfants avec le soutien de l’IE et de ses partenaires.

La plupart de ces projets concernent le développement de « zones libres de tout travail d’enfant » (ZLTTE) dans une communauté ou un groupe de villages. Dans ce type de projets, toutes les composantes d’une communauté scolaire coopèrent avec les autorités locales, les leaders communautaires et les employeurs pour une suppression systématique du travail des enfants et leur (ré)intégration dans des établissements scolaires formels et à temps plein.

L’implication des syndicats de l’éducation commence généralement par les formations des enseignant·e·s de la zone concernée. Ces formations portent plus particulièrement sur le retour à l’école des filles, qui sont davantage touchées par le travail des enfants dans certaines zones ciblées. Dans des pays comme le Mali et le Togo, les syndicats d’enseignant·e·s impliqués dans ces projets suscitent la création ou le renforcement d’associations de mères d’élèves, car elles jouent un rôle crucial dans la scolarisation des filles.

Le rôle crucial des syndicats de l’éducation

Les syndicats impliqués dans ces projets rapportent de nombreux cas d’ex-enfants travailleurs ramenés à l’école grâce à leurs projets et d’enfants qui courraient le risque d’abandonner l´école mais ont pu rester scolarisés. En 2019-2020, dans les ZLLTE développées par les affiliés de l’IE dans sept pays africains (2), 686 enfants (374 garçons, 312 filles) ont été ramenés à l'école.

En Albanie, où les syndicats SPASH et FSASH ont une longue expérience dans l’action contre le travail des enfants, des groupes de surveillance réunissant enseignant·e·s, parents et élèves sont constitués dans les écoles des projets, ils sont chargés d’un suivi étroit des enfants les plus à risque d’abandon scolaire et de contacter les familles des enfants qui ont déjà décroché.

Ce modèle a permis de limiter le travail des enfants même au sein de communautés plus vulnérables, comme celle des Roms. Il a aussi poussé les enseignant·e·s à impliquer davantage les autorités locales. Enriketa Zeno, responsable de la section de FSASH dans le district de Berati, a partagé son expérience dans une formation de formateurs d’enseignant·e·s organisée par SPASH et FSASH en mai : « Nous avons collaboré non seulement avec la Direction régionale de l'éducation, mais aussi avec la municipalité, ce qui a permis à 15 familles d'élèves ayant abandonné l'école de recevoir une allocation mensuelle qui a facilité leur retour en classe. Cet exemple peut inspirer mes collègues dans d’autres districts ».

Limiter les effets de la pandémie

La pandémie de la Covid 19 a entraîné une hausse du travail des enfants. Selon le nouveau rapport de l’OIT et de l’UNICEF, neuf millions d’enfants supplémentaires risquent d’être poussés vers le travail d’ici à la fin de 2022 en raison de la pandémie. Un modèle de simulation montre que ce chiffre pourrait atteindre 46 millions s’ils n’ont pas accès à une couverture de protection sociale indispensable.

Durant les périodes de fermetures d’école, les syndicats sont restés en contact avec les enseignant·e·s, leaders communautaires, autorités locales et scolaires impliqués dans les projets contre le travail des enfants, ce qui leur a permis de recueillir des informations de première main.

Parmi les observations rapportées : une perte d'intérêt pour l'éducation parmi les élèves en raison de l'impossibilité d'accéder au matériel éducatif en ligne; le manque de fonds à disposition des écoles pour acheter l'équipement de protection contre le COVID-19; la difficulté de faire respecter et de maintenir la distance physique dans les écoles et sur le chemin de l'école, ainsi que une augmentation des grossesses et mariages précoces. Aussi, la difficulté de retrouver des élèves qui ont fréquenté le monde des adultes ou du travail durant la période de fermeture, se sont habitués à gagner un peu d’argent, et ont perdu la discipline scolaire qu’ils avaient avant la pandémie.

Lorsque les écoles rouvrent, il y a souvent une diminution du nombre d'élèves présents par rapport à la période précédant la fermeture.

Les stratégies mises en place dans le cadre des projets permettent d'obtenir des résultats en termes de retour des enfants à l'école peu après la reprise de l'enseignement. C’est le cas au Malawi. « Avant la fermeture, en mars 2020, des 10 écoles inclues dans notre projet dans la zone de Kabwinja, le nombre d’élèves inscrits dans ces écoles était de 7.809, mais lorsque ces écoles ont rouvert en octobre, il n’y avait plus que 4.096 élèves », explique Pilirani Kamaliza, coordinateur des projets de la Teachers Union of Malawi (TUM).

« Nous avons organisé une campagne « retour » à l’école : des messages en faveur de l’éducation ont été diffusés par des haut-parleurs placés sur des véhicules qui ont sillonné Kabwinja, trois grands panneaux de sensibilisation contre le travail des enfants ont été placés à des endroits stratégiques, les enseignant·e·s et chefs de villages se sont rendus aux domiciles des parents ».

TUM et The Private School Education Union of Malawi (PSEUM) ont aussi tenu une assemblée réunissant les plus hautes autorités du district, les enseignant·e·s, les élèves et les parents des écoles ciblées. Des messages ont été passés pour que chaque enfant soit ramené à l’école. En décembre 2020, trois mois après la réouverture des 10 écoles de la zone visée, le nombre d’élèves inscrits était de 8.058, soit davantage qu’avant la fermeture liée à la pandémie.

« Grâce à nos sensibilisations, le taux de retour des enfants à l’école est plus élevé à Kabwinja que dans les autres zones du district, les écoles du projet ont aussi un meilleur taux de rétention scolaire. Les enseignant·e·s sont désormais attentifs et réagissent dès les premiers signes de décrochage scolaire d’un enfant », souligne Pilirani Kamaliza.

Parmi les réponses pertinentes des projets syndicaux de lutte contre le travail des enfants à la crise posée par la pandémie, on note aussi des ateliers de formation à la fabrication de gel désinfectant en utilisant du matériel local au Nicaragua, la formation par le SNE-FDT au Maroc d’enseignant·e·s perdus face aux nouvelles technologies liées à l'enseignement à distance, la formation d’enseignant·e·s du Togo aux modes de transmission du COVID 19, la diffusion de spots radio appelant au retour à l’école, etc. Le syndicat ougandais UNATU a commencé à organiser des séances de soutien psychologique aux enseignant·e·s confrontés à de très nombreux cas de grosses et mariages précoces parmi leurs élèves.

Les leçons apprises par les syndicats impliqués dans ces projets montrent qu’il est possible de limiter les effets dévastateurs des fermetures d’école sur la hausse des abandons scolaires et du travail des enfants. Elles doivent ouvrir les yeux des gouvernements sur le respect de leurs obligations, à savoir assurer l’accès de tous et toutes à une éducation de qualité financée par des fonds publics.

Pour en savoir plus sur le travail de la IE, voir l’étude: Projets contre le travail des enfants de l’IE et AOb : Meilleures pratiques transnationales

(1) Des projets de lutte contre le travail des enfants sont actuellement soutenus par l’IE et ses partenaires (AOb, Mondiaal FNV, GEW Fair Childhood Foundation, Stop Child Labour coalition) dans 13 pays: Albanie, Burkina Faso, Burundi, Côte d’Ivoire, Inde, Malawi, Mali, Maroc, Nicaragua, Ouganda, Sénégal, Togo, Zimbabwe.

(2) Burkina Faso, Malawi, Mali, Maroc, Ouganda, Togo, Zimbabwe.