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Niger : l’éducation au changement climatique, une priorité syndicale

Publié 27 octobre 2021 Mis à jour 28 octobre 2021

Face à l’avancée du désert et les inondations en recrudescence, les enseignant·e·s syndicalistes du Niger ont rédigé un Guide d’activités pédagogiques sur le changement climatique, ainsi qu’un Manuel des Cercles d'Études du Niger qui inclut la question climatique. Le Syndicat National des Enseignants du Niger (SNEN) a été parmi les premiers à faire du changement climatique une de ses priorités de travail et d’action.

Guide d’activités pédagogiques sur le changement climatique

Pendant une dizaine d’années, le Syndicat National des Enseignants du Niger (SNEN), grâce à l’appui financier de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), a pu mener des activités auprès de ses membres pour sensibiliser au changement climatique.

Il a tout d’abord produit un fascicule pour les enseignant·e·s sur le changement climatique. Ce Guide d'activités pédagogiques, « Éduquer à l ’environnement en vue d’un développement durable » a touché environ 1.120 enseignant·e·s dans 120 établissements scolaires. À travers ceux·celles-ci, 6.000 élèves, dont 3.000 filles, ont été atteint∙e∙s au niveau des 8 régions que compte le pays.

Les enseignant·e·s ont élaboré eux·elles-mêmes le fascicule dans le contexte du Niger, avec des fiches prêtes à l’utilisation pour leurs collègues.

« La question du climat est au centre de nos activités, c’est une préoccupation majeure au SNEN et nous saisissons toutes les occasions qui nous permettent, comme nous l’avons fait il y a une décennie avec la CSQ, en partenariat avec trois ONG partenaires ici au Niger », indique le secrétaire général du SNEN, Issoufou Arzika.

Il insiste également sur le fait que la jeunesse comprend bien que la question du climat est extrêmement importante et complexe : « ils ne la comprennent qu’en termes de désert, parce que pour beaucoup c’était le désert qui était la seule menace de l’environnement ». Le dirigeant syndical déplore que maintenant des inondations sévissent un peu partout au Niger.

« Permettre un environnement meilleur pour la génération qui va venir »

Pour lui, « il convient d’éduquer les jeunes enfants à la question du climat, parce que c’est pour eux qu’aujourd’hui qu’il faut se battre, les questions qu’on pose aujourd’hui par rapport au climat, c’est pour permettre un environnement meilleur pour la génération qui va venir ».

Il continue en expliquant que les sécheresses ont amené l’exode des parents, qui ont emmené avec eux les enfants, filles et garçons. Le dépeuplement de certaines zones a alors été constaté, particulièrement le département de Filingue, le plus impactée. Or, dit-il, « nous avons constaté que, avec le dépeuplement des localités, s’ensuivait aussi le dépeuplement des écoles. Malheureusement, ce sont souvent les filles qui sont très utilisées dans la recherche du bois de chauffe. On s’est dit que le SNEN ne pouvait pas rester les bras croisés devant cette question et nous nous sommes engagés à aller vers le combat contre la sécheresse, pour une résilience par rapport aux saisons pluvieuses qui sont importantes ici, par rapport au problème d’inondations qui a commencé à compter. »

C’est pourquoi le syndicat a recherché et trouvé avec la CSQ « une certaine synergie pour aller vers la conception d’un support qui permet de parler du climat dans le secteur de l’éducation. »

Arzika se réjouit en outre que « la formation n’a pas servi que nos enseignants, on a formé presque tous les enseignants qui étaient capables de répercuter la formation, ce qui a permis de sensibiliser et convaincre certains enseignants d’adhérer au SNEN. Il y a eu un petit boom de syndicalisation, consolidé par la suite. » Il regrette néanmoins la non-homologation officielle du fascicule par le gouvernement comme document d’enseignement sur le climat, le manque de suivi des équipes et le fait d’être restés au niveau régional, de ne pas avoir pu généraliser pour aller dans les communes rurales et les villages reculés.

Manuel des Cercles d'études

Toujours avec le soutien de la CSQ, et cette fois en compagnie des autres organisations membres de l’Internationale de l’Éducation dans le pays, à savoir le Syndicat National des Agents de la Formation et de l'Education du Niger (SYNAFEN), le Syndicat National des Enseignants de Base (SNEB), le Syndicat National des Travailleurs de l’Education du Niger (SYNTEN) et le Syndicat National des Travailleurs de l’Enseignement de Base (SYNATREB), le SNEN s’est lancé dans la rédaction d’un Manuel des Cercles d'Études du Niger.

Les cercles d’études se basent sur la culture du débat démocratique et visent à l’implantation d’une culture du militantisme au niveau local. Ils forment des militant·e·s – avec au moins un·e représentant·e de chaque syndicat – dans les ateliers, dans les écoles. Les formateur·trice·s sont formé·e·s pour former des animateur·trice·s en région, et en département.

« Il convient d’éduquer les jeunes enfants à la question du climat, parce que c’est pour eux qu’aujourd’hui qu’il faut se battre, les questions qu’on pose aujourd’hui par rapport au climat, c’est pour permettre un environnement meilleur pour la génération qui va venir. ».

Issoufou Arzika, secrétaire général du SNEN

Un·e animateur·trice, une fois formé·e, met en place un cercle d'étude dans sa propre école, et le fait vivre pendant la première année en suivant le manuel. Puis, le cercle d'étude devient autonome et continue à vivre pendant des années.

Les animateur·trice·s peuvent s’appuyer sur le manuel rédigé pour les militant·e·s, dont le chapitre 13 porte sur le changement climatique. D’autres chapitres ciblent par exemple la privatisation de l’éducation et le travail décent.

Le chapitre 13 donne les raisons de cet intérêt des éducateurs.trices pour la question climatique : « Les changements climatiques représentent un phénomène planétaire qui menace l’équilibre global du système terrestre. Leurs effets sont autant plus importants à mesure que les températures augmentent de manière catastrophique. »

Il reconnaît que, même si tous les États membres des Nations Unies ont adopté les objectifs de développement durable, il n’existe pas de mécanisme mondial permettant de responsabiliser les gouvernements et de s’assurer qu’ils agissent face à l’enjeu climatique.

Il insiste sur le fait que « c’est le cas du Niger, pays sahélien caractérisé par la fragilité de ses écosystèmes, où les changements climatiques mettent des vies en dangers et risquent d’aggraver les écarts entre riches et pauvres. Dans un tel contexte, des mesures d’adaptation et d’atténuation des effets des changements climatiques s’imposent. »

« Les enseignantes et enseignants ont un pouvoir réel de changer les choses, car c’est par l’éducation que nous pouvons modifier les comportements et améliorer la situation de l’environnement. »

Luc Allaire, conseiller responsable des relations internationales à la CSQ

L’objectif général des syndicalistes de l’éducation, via ce manuel, est donc « de développer chez la population une prise de conscience du réchauffement progressif de la planète Terre et des connaissances sur les causes et conséquences de ce phénomène en vue d’un changement de comportement ».

Parmi les objectifs spécifiques, le manuel cite :

  • Outiller les enseignants sur les notions de changement climatique et de développement durable ;
  • Définir les principaux concepts relatifs au changement climatique ;
  • Identifier les causes et les conséquences du changement climatique ; et
  • Citer les mesures d’adaptation aux et d’atténuation des effets néfastes du changement climatique.

« Le modèle des écoles vertes développé par la CSQ peut être inspirant pour des pays comme le Niger, car ces écoles peuvent devenir des outils de transformation sociale. Les enseignantes et enseignants ont un pouvoir réel de changer les choses, car c’est par l’éducation que nous pouvons modifier les comportements et améliorer la situation de l’environnement », explique Luc Allaire, conseiller responsable des relations internationales à la CSQ, fortement impliqué dans l’aboutissement des cercles d’études.

Manifeste de l’Internationale de l’Éducation pour une éducation de qualité au changement climatique pour tou·te·s

Par ailleurs, interrogé sur le point de savoir comment l’IE peut-être soutenir au mieux ses affiliés au Niger, les accompagner dans leurs projets et campagnes nationales contre le changement climatique, Arzika rappelle l’utilité du Manifeste de l’Internationale de l’Éducation pour une éducation de qualité au changement climatique pour tou·te·s, et souligne que le SNEN peut commencer à le partager avec le ministère par le biais d’ateliers.

Lancé dans le cadre de la campagne de l’Internationale de l’Éducation « Enseignez pour la planète », ce manifeste pour une éducation de qualité au changement climatique pour tou·te·s, les enseignant·e·s du monde entier appellent tous les gouvernements à respecter leurs engagements en matière d’éducation aux changements climatiques et d’éducation au développement durable dans l’ Accord de Paris (article 12) et l’ Agenda 2030 pour le développement durable (objectifs 4.7, 12.8 et 13.3).