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Mondes de l'éducation

La décolonisation de l’éducation : restaurer et développer l’enseignement de la langue et de la culture hawaïennes

Publié 18 novembre 2025 Mis à jour 20 novembre 2025
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À Hawaï, l'enseignement en langue hawaïenne dans les écoles publiques est devenu illégal en 1896 et n'a repris que dans les années 1980, lorsque les efforts de revitalisation de l'ʻōlelo Hawaiʻi (langue hawaïenne) ont conduit à la création d'écoles maternelles proposant l’immersion en langue hawaïenne en 1984, cela a ensuite été mis en œuvre dans deux écoles primaires en 1987.

Alors que la langue était sur le point de disparaître, il existe aujourd’hui 33 écoles primaires et secondaires proposant des programmes Kaiapuni (d’immersion en hawaïen). De nombreuses écoles proposent leurs programmes Kaiapuni en utilisant le modèle « une école-dans-l’école, où l'enseignement en anglais et en hawaïen est prodigué pour des sous-ensembles distincts d'élèves de l'école. Dans certaines écoles, l'enseignement est exclusivement dispensé en ʻōlelo Hawaiʻi pour l’ensemble des élèves.

Le Conseil de l'éducation d'Hawaï a une politique, en vigueur depuis 2014, qui stipule que l’ensemble des élèves des écoles publiques d'Hawaï devraient avoir un « accès raisonnable » à un programme Kaiapuni. Malgré cette politique, la Cour suprême d’Hawaï a dû statuer en 2019 que le Département de l’Éducation d’Hawaï (HIDOE) avait l’obligation constitutionnelle de garantir un accès raisonnable à un programme d’immersion complet, lorsqu’une poursuite a été engagée au nom d’un élève ayant déménagé sur l’île rurale de Lānaʻi et souhaitant poursuivre son apprentissage dans un programme Kaiapuni, mais à qui cela avait été refusé. Cette décision continue de stimuler la création de nouveaux programmes Kaiapuni à travers l’ensemble d’Hawaï et revêt une importance particulière, étant donné que certaines écoles ont des listes d’attente d’élèves dont les parents souhaitent qu’ils bénéficient d’une éducation centrée sur les valeurs autochtones, telle qu’elle est offerte en ʻōlelo Hawaiʻi.

L’expansion des programmes Kaiapuni a rendu nécessaire l’embauche d’un plus grand nombre d’enseignantes et d’enseignants maîtrisant l’ʻōlelo Hawaiʻi. Cela a été, et demeure, très difficile à accomplir. Hawaï souffre d’une pénurie de personnel enseignant dans l’ensemble des salles de classe. La pénurie est particulièrement critique pour les personnels capables d’enseigner en ʻōlelo Hawaiʻi. Les enseignantes et enseignants en immersion hawaïenne disposent d’un nombre limité de supports pédagogiques en ʻōlelo Hawaiʻi, et n’ont souvent d’autre choix que de traduire manuellement en hawaïen tous les supports conçus en anglais pour les utiliser avec les élèves dans les classes des programmes Kaiapuni. Cette charge de travail supplémentaire rend le poste généralement attractif uniquement pour ceux et celles qui sont disposé·es à consacrer de nombreuses heures à traduire des documents.

Au début de l’année 2020, l’Association des enseignantes et enseignants de l’État d’Hawaï (HSTA), affiliée à la National Education Association aux États-Unis, a collaboré avec le Département de l’Éducation d’Hawaï (HIDOE) pour plaider en faveur de, puis instaurer, diverses primes liées aux pénuries – des incitatifs financiers supplémentaires destinés aux postes s chroniquement sous-dotés. L’un de ce sdispositifs était une prime de 8 000 dollars accordée chaque année aux enseignantes et enseignants en immersion hawaïenne qui parlent couramment l’ʻōlelo Hawaiʻi, dûment certifié·es et qui enseignent dans les classes des programmes Kaiapuni. Bien que cet incitatif financier supplémentaire ait été utile, il faudra encore de nombreuses années avant qu’un nombre suffisant d’enseignantes et d’enseignants qualifié∙es soit en formation pour pourvoir le nombre croissant de classes Kaiapuni qui sont créées.

Dans ce contexte, les personnels enseignants des programmes Kaiapuni avaient un nombre croissant de questions et de préoccupations concernant leurs conditions de travail et l’avenir de leurs programmes. En 2022, la HSTA a franchi une étape audacieuse en créant un Comité de l’éducation hawaïenne afin de recueillir les préoccupations et d’utiliser l’autorité de l’association pour les défendre.

En tant qu’entité de la HSTA, le Comité de l’éducation hawaïenne est parvenu à faire avancer les choses auprès des législateurs. Leurs premiers efforts ont été axés sur la collaboration avec d'autres entités pour sécuriser le financement de postes supplémentaires d'enseignement et de personnel de soutien alors que les inscriptions dans les programmes Kaiapuni continuent d'augmenter.

En 2023, la HSTA a réussi à négocier avec le HIDOE la création d’un groupe de travail conjoint syndicat-employeur, ce qui a abouti à des réunions régulières avec le Bureau de l’éducation hawaïenne du HIDOE. Les problématiques abordées incluent le financement et les salaires, les pénuries de personnel, la formation et le développement professionnel, la technologie et les ressources éducatives, ainsi que l'accès équitable des élèves à ces programmes.

En interne, l'association a également connu plusieurs changements positifs ces dernières années. L’un d’entre eux est l’élaboration d’un protocole intitulé Hanohano Hawaiʻi, qui précise que les réunions de l’association doivent commencer par une reconnaissance de la « glorieuse Hawaï » — c’est-à-dire une reconnaissance de la terre, des peuples autochtones, ainsi que d’un élément caractéristique de l’identité hawaïenne. De nombreuses réunions en présentiel commencent également par un chant « appel-réponse » qui évoque la puissance de l’organisation lorsque des courants distincts se rejoignent pour former une rivière puissante capable de déplacer des montagnes. Un effort continu consiste à changer les noms des chapitres dont les appellations, fondées sur leur localisation, proviennent de la langue anglaise coloniale, afin qu’ils portent des noms plus appropriés en ʻōlelo Hawaiʻi.

D’Hawaï au reste du monde

La HSTA était ravie d’envoyer une délégation pour partager son travail visant à faire progresser l’enseignement de la langue et de la culture hawaïennes, et d’apprendre des autres enseignantes et enseignants autochtones du monde entier, lors de la Conférence mondiale sur l’éducation des peuples autochtones (WIPCE) de 2025, qui s’est tenue du 16 au 20 novembre 2025 à Tāmaki Makaurau, Aotearoa (Auckland, Nouvelle-Zélande).

Une séance thématique dans le cadre du volet Politique, autodétermination et décolonisation, intitulée « Ke Kuleana Kumu i ke Ea Hoʻonaʻauao : la responsabilité des enseignantes et des enseignants dans la souveraineté éducative », a été animée par la présidente et la vice-présidente du Comité de l’éducation hawaïenne de la HSTA, Wendy Kalae Akioka et Hope Pualani McKeen. La séance a mis en lumière les progrès qui ont été réalisés rapidement grâce au nouvel accent mis par le syndicat sur les défis liés à la restauration et au développement de l’enseignement de la langue et de la culture hawaïennes.

En tant que délégation de la HSTA au WIPCE, nous avons partagé l’évolution de notre démarche afin que d’autres associations professionnelles et syndicats puissent éventuellement y puiser l’inspiration pour intégrer davantage d’initiatives fondées sur les savoirs et perspectives autochtones dans leur travail. La décolonisation est un processus continu qui exige des efforts soutenus afin de garantir aux élèves autochtones l’accès à leur histoire et à leur culture, les guidant ainsi vers un avenir meilleur pour toutes et tous.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.