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Mondes de l'éducation

Voix de l’éducation | La coopération syndicale internationale au service de la santé et de la sécurité au travail des enseignantes et enseignants du Burundi

Entretien avec Rémy Nsengiyumva, président du Syndicat des Travailleurs de l’Enseignement du Burundi (STEB)

Publié 9 octobre 2025 Mis à jour 9 octobre 2025
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Depuis 2021, le Syndicat des Travailleurs de l’Enseignement du Burundi (STEB) mène un projet de coopération avec le syndicat français SNES-FSU pour renforcer la santé et la sécurité au travail dans les écoles burundaises. Rémy Nsengiyumva, président du STEB, revient sur les avancées, les défis et les perspectives de cette initiative.

Mondes de l’Education : Quelles étaient les motivations derrière ce projet ?

Nous avions déjà des projets sur le dialogue social, mais il nous fallait aller plus loin. Les conditions de travail des personnels enseignants au Burundi sont souvent précaires : classes surchargées, infrastructures délabrées, toilettes inadéquates… Par exemple, de nombreuses classes n’ont pas de vitres, ce qui expose les personnels et leurs élèves aux intempéries.

Ces situations déplorables exposent nos collègues à des accidents du travail et aux maladies professionnelles. Beaucoup souffrent notamment de troubles musculaires. De plus, au Burundi, les personnels de l’enseignement souffrant de maladies professionnelles ne sont pas pris en charge par leurs employeurs. Il était donc urgent pour nous d’agir.

Mondes de l’Education : Quelles actions concrètes ont été mises en place ?

Nous avons organisé des ateliers de formation annuels en coopération avec le SNES-FSU, d’abord au niveau du comité national, puis des comités provinciaux. Actuellement, nous travaillons avec les comités communaux. Notre mot d’ordre est qu’il vaut mieux prévenir que guérir, comme le dit le célèbre adage. Ces formations sensibilisent donc nos collègues aux normes de santé et sécurité au travail qui devraient être mises en œuvre dans le secteur de l’enseignement.

Nous abordons en premier lieu les instruments de l'Organisation internationale du Travail (OIT), en particulier la Convention n° 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs de 1988, la Convention n° 187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail de 2006 et la Convention n°161 sur les services de santé au travail de 1985.

Nous insistons également sur la nécessité de mettre en application les normes nationales existantes. Le Code du travail et la Loi n°1/03 du 8 février 2023 sur le statut général des fonctionnaires stipulent notamment que « le fonctionnaire est protégé par l’État des conséquences des risques professionnels auxquels il est exposé ».

Nous avons également entamé des actions de plaidoyer avec les ministères concernés pour faire avancer la politique nationale en matière de santé et de sécurité au travail. Un des objectifs du projet consiste notamment à pousser le gouvernement à établir une liste des maladies professionnelles reconnues. Une telle liste devrait normalement être annexée au Code de protection sociale et être mise à disposition de chacun et chacune par les autorités.

Mondes de l’Education : Quels sont les défis auxquels vous êtes confronté·es ?

Outre l’absence de liste officielle dans la législation, il convient de souligner que le climat dans lequel notre syndicat est obligé d’opérer est loin d’être favorable. Notre droit à la liberté syndicale est notamment mis à mal. Les autorités ont suspendu le système de cotisation à la source, ce qui fragilise notre autonomie financière.

Mondes de l’Education : Comment vos membres ont-ils réagi à cette initiative syndicale ?

Très positivement. Nous observons déjà des résultats concrets. Les enseignantes et les enseignants osent désormais signaler les infrastructures dangereuses et les conditions de travail inadéquates : classes risquant de s’effondrer, toilettes insalubres, arbres tombés sur une école… Ils ont maintenant des références légales pour appuyer leurs demandes. Cela montre que la sensibilisation porte ses fruits.

Mondes de l’Education : L’expérience d’autres syndicats a-t-elle influencé votre projet ? Quelle est la valeur du réseautage et du partage des meilleures pratiques ?

Absolument. Le partenariat avec le SNES-FSU nous a permis de bénéficier de leur expertise et de leurs outils. Le réseautage avec d’autres syndicats membres de l’Internationale de l’Éducation est essentiel : il nous permet de comparer les pratiques, de nous inspirer et de renforcer notre plaidoyer. Le STEB est un syndicat actif au sein de l’IE et nous croyons fermement à la force de la coopération et de la solidarité syndicale internationale.

Mondes de l’Education : Quels conseils donneriez-vous à d'autres syndicats qui se lancent dans ce type de projet ?

Commencez par écouter les besoins des membres. Ensuite, formez des comités locaux capables de relayer les actions. Enfin, n’ayez pas peur de dialoguer avec les autorités, même si cela prend du temps. La persévérance est clé.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.