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Un nouveau rapport met en lumière l’impact important de la mobilisation des syndicats et des communautés dans la lutte contre le travail des enfants

Publié 21 novembre 2025 Mis à jour 21 novembre 2025

L’approche des Zones libres de tout travail d’enfants (ZLTTE) mise en œuvre par de nombreux syndicats affiliés à l’Internationale de l’Éducation (IE) offre une solution communautaire qui fait ses preuves. Une évaluation indépendante commandée par l’Internationale de l’Education montre que ce modèle fonctionne et transforme les communautés. Elle a été menée par une équipe d’évaluateurs qui ont combiné des méthodes qualitatives et quantitatives, incluant des visites de terrain en Malawi et en Ouganda, des entretiens en ligne avec des acteurs clés et une analyse documentaire approfondie.

Une ZLTTE est une zone définie -par exemple un village- où tous les acteurs s’engagent à mettre fin au travail des enfants et à garantir une scolarisation à temps plein. Contrairement aux interventions ciblant des chaînes d’approvisionnement spécifiques, la ZLTTE s’attaque à toutes les formes de travail des enfants dans une communauté. Elle mobilise enseignant·e·s, parents, leaders locaux et employeurs grâce au dialogue social, aux campagnes de sensibilisation. Les activités typiques incluent la collecte la formation des enseignant·e·s, les cours de rattrapage, la création de clubs anti-travail des enfants au sein des écoles, l’adoption de règlements communautaires imposant la fréquentation scolaire, l’amélioration d’infrastructures scolaires.

Les syndicats et les communautés œuvrent à l’éradication du travail des enfants alors que celui-ci touche 138 millions d’enfants dans le monde, surtout dans les pays à faible revenu. Il prive les enfants d’éducation, de santé et de dignité. Alors que les gouvernements et les organismes internationaux promettent d’éradiquer ce fléau, les progrès sont extrêmement lents.

Un modèle peu coûteux

L’évaluation commandée par l’IE montre que le modèle mis en œuvre par ses affiliés est relativement peu couteux. Il nécessite un budget moyen d’environ 15.000 € par an et une période de trois ans pour établir une zone efficace, avec comme résultat un changement de mentalité qui fait de l’éducation la norme et du travail des enfants une pratique socialement inacceptable. Au Malawi par exemple, la fréquentation scolaire est passée de 84,8 % à 97,7 % en deux ans dans la zone du projet syndical étudié par les évaluateurs (Chigudu, district de Dowa), avec 1.971 enfants retirés du travail.

Grand impact sur les filles

Dans leur rapport, les évaluateurs soulignent que l’approche ZLTTE améliore la situation des filles dans les zones ciblées. En plus de les retirer du travail des enfants, ces projets permettent de réduire les mariages précoces et les grossesses adolescentes grâce à une mobilisation communautaire et à des règles locales interdisant ces pratiques. Les écoles mettent en place des mesures spécifiques, telles que des horaires adaptés pour les jeunes mères et des liens avec des centres de santé. L’amélioration des infrastructures sanitaires et la distribution de produits d’hygiène ont également diminué l’absentéisme lié aux menstruations. Ces actions, combinées à une sensibilisation massive, ont changé les mentalités : l’éducation des filles est désormais perçue comme essentielle pour briser le cycle de pauvreté, et leur présence à l’école est devenue la norme sociale.

Des écoles et des enseignant·e·s transformés

L’étude montre que l’approche ZLTTE transforme les écoles et la profession enseignante. Les enseignant·e·s impliqués dans les projets menés par des affiliés de l’IE bénéficient de formations inédites sur le travail des enfants, les droits de l’enfant, la pédagogie inclusive et la discipline positive. Cette montée en compétences renforce leur motivation, leur statut et leur capacité à créer des environnements scolaires plus accueillants et sécurisés. Les structures de gouvernance des écoles (comités de gestion, associations de parents) sont revitalisées, favorisant une meilleure collaboration avec les communautés et autorités locales, ce qui aboutit à la mobilisation de ressources pour de nouvelles infrastructures (salles de classe, toilettes). La mise en place de clubs anti-travail des enfants et le développement d’activités extrascolaires (sport, musique, théâtre) contribuent à réduire l’absentéisme et l’abandon scolaire. Ces changements instaurent une culture scolaire centrée sur l’enfant, sans châtiments corporels, ils renforcent le lien entre enseignant·e·s, parents et autorités locales, faisant de l’école un pilier de la lutte contre le travail des enfants.

La pérennité ne va pas de soi

Malgré ces succès, le rapport d’évaluation souligne aussi que l’approche ZLTTE n’est pas une solution miracle au travail des enfants. La durabilité n’est pas toujours garantie après la période de financement d’un projet terminée. L’intensité des activités diminue, les cours de rattrapage peuvent cesser et des enseignant·e·s formés par le projet sont parfois mutés ailleurs. Les succès obtenus, comme la hausse des inscriptions, exercent une pression sur des infrastructures (classes surchargées, manque de toilettes) qui n’ont pas toujours été suffisamment améliorées durant la période de projet. À cela s’ajoutent des obstacles structurels comme la pauvreté chronique et le sous-financement de l’éducation, voire des catastrophes climatiques. Une stratégie de sortie de projet, un transfert aux autorités locales sont donc essentielles pour la pérennité des résultats.

Rôle stratégique des syndicats et plaidoyer

Au-delà des résultats locaux, le rapport insiste sur l’importance pour les syndicats impliqués de capitaliser sur les impacts des projets afin d’influencer les politiques nationales. Leur engagement dans la mise en œuvre des ZLTTE leur apporte des bénéfices stratégiques : augmentation du nombre d’adhérents, amélioration de leur crédibilité et renforcement des relations avec les autorités et les ministères. Cette dynamique crée des opportunités pour un plaidoyer plus efficace en faveur du financement de l’éducation et de meilleures conditions pour les enseignant·e·s.

Une approche intégrée pour l’éradication durable

L’éradication du travail des enfants exige une combinaison d’actions : mobilisation communautaire, plaidoyer structuré, intégration dans les politiques publiques et investissements dans les infrastructures éducatives et la protection sociale. L’évaluation indépendante souligne que si les ZLTTE sont un levier puissant, elles sont insuffisantes à elles seules pour atteindre l’objectif à grande échelle. Elles doivent s’articuler avec des politiques ambitieuses et des actions coordonnées pour améliorer durablement les systèmes éducatifs et mettre fin au travail des enfants.