Donner la priorité aux salaires des personnels enseignants en temps de crise : enjeux et opportunités à l’échelle mondiale
S’appuyant sur une récente étude concernant le soutien des organismes donateurs internationaux à la rémunération du corps enseignant, l’Internationale de l’Éducation (IE) a activement participé à l’examen des progrès du Forum mondial sur les réfugiés de 2025 et a appelé la communauté éducative mondiale à donner la priorité aux enseignant·e·s dans les contextes de crise et de déplacement de population.
Cet événement majeur permet d’évaluer la mise en œuvre des engagements pris durant le précédent Forum mondial sur les réfugiés, en 2023. Il rassemble les États Membres des Nations Unies, les institutions internationales, les organisations non gouvernementales, le secteur privé, le milieu universitaire, les organisations dirigées par des personnes réfugiées et les populations déplacées et apatrides afin de mesurer les progrès réalisés dans l’appui apporté aux personnes réfugiées et aux communautés d’accueil, conformément aux objectifs du Pacte mondial sur les réfugiés.
Étude : Les salaires des personnels enseignants en temps de crise – pratiques des organismes donateurs, enjeux et opportunités dans les situations d’urgence prolongée
La nouvelle étude de l’IE « Teacher Pay in Crisis: Donor Practices, Challenges, and Opportunities in Emergency and Protracted Settings » (Les salaires des personnels enseignants en temps de crise : pratiques des organismes donateurs, enjeux et opportunités dans les situations d’urgence prolongée), menée par les chercheuses Mary Mendenhall et Sarah Etzel avec les contributions clés d’Alby Ungashe et d’Ahmad Araman, porte sur la manière dont les organismes donateurs abordent la question du salaire des enseignant·e·s dans les contextes d’urgence et de crise prolongée.
Malgré une reconnaissance mondiale du rôle essentiel des enseignant·e·s dans l’offre d’une éducation de qualité, en particulier dans les situations d’urgence et de crise prolongée, la rémunération des éducateur·trice·s reste précaire, fragmentée et peu souvent viable.
Alors que les systèmes éducatifs font face à des pressions de plus en plus fortes en raison de conflits, de déplacements de populations et de l’instabilité économique, les organismes donateurs contribuent largement à garantir le paiement des enseignant·e·s, quel que soit leur profil. L’étude de l’IE analyse les pratiques, les enjeux et les opportunités actuels en ce qui concerne le financement par les organismes donateurs des salaires des personnels enseignants. Elle cherche également à évaluer la possibilité de mise en place d’un fonds mondial pour la rémunération des enseignant·e·s, comme le recommande le Groupe de haut niveau sur la profession enseignante du Secrétaire général des Nations Unies (2024).
Se fondant sur une méthodologie de recherche qualitative en plusieurs phases qui inclut l’analyse des données relatives au financement des organismes donateurs et des entretiens avec 16 représentant·e·s de ces organismes et 14 représentant·e·s d’institutions spécialisées des Nations Unies, d’ONG internationales et du Global Education Cluster, cette étude examine les pratiques et les politiques des organismes donateurs en matière de rétribution des personnels enseignants en contexte de crise.
Les résultats de haut niveau suivants se dégagent de l’étude :
- Réticence à financer les coûts récurrents – bien que la plupart des organismes donateurs ne disposent pas de politique officielle relative aux salaires des enseignant·e·s, ils financent généralement, mais à contrecœur en raison de préoccupations liées à la viabilité, des « incitations » temporaires ou d’urgence ;
- Pratiques de paiement fragmentées et hétérogènes – dans les situations d’urgence et de crise prolongée, les enseignant·e·s dépendent souvent du financement irrégulier et à court terme de projets, ce qui les rend vulnérables aux retards, aux baisses de revenus et à la précarité de l’emploi ;
- Obstacles systémiques et logistiques : parmi les défis actuels, on compte la complexité des logistiques de décaissement, la dévaluation monétaire, la faiblesse des systèmes financiers et de données, le manque de coordination entre les parties prenantes et l’exclusion des enseignant·e·s réfugié·e·s et communautaires des effectifs nationaux ;
- Possibilités d’amélioration : des innovations telles que le paiement mobile, ainsi que les stratégies visant à lutter contre les obstacles systémiques par une réforme de la gestion des finances publiques et des mesures d’harmonisation des salaires, peuvent contribuer à améliorer les pratiques de rémunération des personnels enseignants.
Un personnel enseignant qualifié et soutenu peut faire la différence
S’exprimant lors de l’événement « Le financement pluriannuel en faveur de l’éducation des populations réfugiées : une responsabilité partagée pour garantir un avenir durable », en marge du Forum, Sonia Grigt, représentante de l’IE, a rappelé le rôle central que jouent les enseignant·e·s en contexte de crise et de déplacement de population et a souligné que « l’accès à un personnel enseignant qualifié et soutenu peut faire toute la différence entre l’espoir d’un avenir meilleur et une vie de misère et de précarité ».

Après avoir reconnu que, chaque jour, les enseignant·e·s dans les situations de crise et de déplacement de population doivent faire face à une réalité extrêmement éprouvante, Mme Grigt a ajouté que « trop souvent, les enseignants et enseignantes sont considérés comme de simples exécutants des politiques éducatives ». Elle a fait valoir la nécessité d’impliquer le personnel enseignant dans l’élaboration des plans nationaux pour l’inclusion des personnes réfugiées, notamment par l’intermédiaire des organisations d’enseignant·e·s qui sont formées pour impliquer et porter la voix des enseignant·e·s réfugié·e·s.
Par ailleurs, elle a mis en garde l’assistance contre l’idée selon laquelle la technologie permettrait de soutenir plus facilement et efficacement les enseignant·e·s dans les situations de crise et de déplacement de population, à une époque où il est de plus en plus ardu d’obtenir des financements. D’après elle, pour garantir que les personnels enseignants se sentent soutenus et impliqués, « nous devons nous pencher sur le domaine qui a toujours été le plus difficile à financer dans l’éducation en contexte d’urgence : les salaires des enseignants et enseignantes ».
« Le recrutement et la rémunération d’un nombre suffisant d’enseignants et enseignantes est l’un des principaux obstacles, si ce n’est LE principal obstacle, auxquels font face les États qui s’efforcent d’impliquer les populations réfugiées dans les systèmes éducatifs nationaux », a précisé Mme Grigt, qui a en outre appelé la communauté éducative mondiale à se mobiliser et à appuyer les pouvoirs publics qui tentent de venir à bout de ces difficultés complexes et de longue durée.
Le personnel enseignant en première ligne : témoignages issus de contextes de déplacement de population sur les progrès, les enjeux et la voie à suivre pour mettre en œuvre les engagements pris lors du Forum mondial sur les réfugiés
Le 17 décembre 2025, l’IE a co-organisé avec Save the Children et Jigsaw Education une table ronde afin de porter la voix des personnels enseignants et d’aborder les problèmes que ces derniers doivent affronter dans les situations de crise et de déplacement de population. Cet événement a permis aux éducateur·trice·s réfugié·e·s de faire part de leurs observations quant aux progrès réalisés, aux répercussions sur leurs pratiques pédagogiques et les apprenant·e·s et aux risques qui menacent la poursuite de ces avancées, en particulier alors que le financement du corps enseignant dans les situations d’urgence et de crise prolongée est soumis à des pressions croissantes.
Les organisations ayant pris des engagements ont en outre été invitées à faire le point sur leurs progrès, les obstacles et les apprentissages en lien avec la mise en œuvre de ces engagements à l’égard de l’éducation des populations et des enseignant·e·s réfugié·e·s afin de déterminer de potentielles pistes d’amélioration et de collaboration en préparation du Forum mondial sur les réfugiés de 2027.