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Argentine: répression des enseignants et montée de la tension sociale

Publié 10 avril 2017 Mis à jour 18 avril 2017

Organisée devant le Congrès de la Nation à Buenos Aires, la manifestation pacifique des enseignant(e)s qui consistait à installer un chapiteau en vue d’y organiser une école itinérante, a été violemment réprimée par la police qui a fait usage de gaz lacrymogène et a procédé à plusieurs arrestations dans la nuit du 9 au 10 avril.

Lors de la dispersion, les forces de l’ordre ont chargé les manifestant(e)s, se livrant à des combats au corps à corps avec les enseignant(e)s, dont la plupart était des femmes. Pour briser le cordon formé autour du chapiteau en construction, la police a usé de violence et de gaz lacrymogène. Plusieurs enseignant(e)s ont dû être aidé(e)s par leurs collègues pour s’éloigner de la zone de tension.

« Nous avons épuisé tous les recours. La Loi sur le financement de l’éducation stipule que le gouvernement doit convoquer la Commission paritaire. Qui plus est, un tribunal a rendu une décision similaire que le gouvernement continue néanmoins d’ignorer », a déclaré Sonia Alesso, Secrétaire générale de la Confederación de Trabajadores de la Educación de la República Argentina (CTERA).

Comme le rapportent les médias argentins, la semaine dernière, le tribunal du travail de première instance a ordonné au ministère du Travail de convoquer dans les cinq jours la Commission paritaire nationale des enseignant(e)s – principale revendication des organisations. Le gouvernement a répliqué qu’il ferait appel du jugement, confirmant ainsi sa décision d’éliminer la Commission paritaire. Face à cette situation, la CTERA, affiliée à l’Internationale de l’Education (IE), avait décidé d’installer le chapiteau, peu de temps après avoir organisé une consultation à l’issue de laquelle les enseignant(e)s de Buenos Aires avaient voté en faveur d’alternatives à la grève.

Depuis le 30 mars, le syndicat avait mené des consultations et organisé des assemblées dans les écoles afin de recueillir l’avis des enseignant(e)s sur la manière de poursuivre la lutte pour le maintien de la Commission paritaire nationale. La majorité avait voté pour l’adoption de mesures alternatives à l’arrêt de travail ou à la mobilisation. D’où l’idée d’installer une école itinérante devant le Congrès, dans un espace qui ne perturbe pas le trafic et qui, de plus, est chargé d’une valeur symbolique puisqu’il s’agit de l’endroit où un chapiteau similaire avait été construit 20 ans auparavant – une action qui avait alors abouti à la promulgation de la Loi fédérale sur le financement de l’éducation.

Pour Roberto Baradel, Secrétaire général du Sindicato Unificado de Trabajadores de la Educación de Buenos Aires (SUTEBA), une répression de cette ampleur n’a pu avoir lieu qu’avec l’aval de la Casa Rosada. « Un ordre direct aurait été donné par le président de la Nation. La police nous a attaqués, alors qu’aucun enseignant n’a agressé la police. Il nous avait été demandé de trouver une forme de protestation créative et voyez comment cela s’est terminé. Il semblerait que la répression soit la seule voie choisie par le gouvernement quand une situation ne lui convient pas. Cette attitude n’est pas digne d’un État démocratique. »

Fred van Leeuwen, Secrétaire général de l’IE, a condamné le « recours à la violence pour réprimer une manifestation pacifique qui s’inscrit dans le cadre de la liberté de manifestation et d’association, principe de base de tout système démocratique ».