Ei-iE

Mondes de l'éducation

Au service de la communauté: comment la privatisation et le manque de financement nuisent aux personnels de soutien à l’éducation

Publié 16 mai 2024 Mis à jour 16 mai 2024
Écrit par:

En novembre 2023, le Conseil du district du North Tyneside, en Angleterre, a annoncé qu’il cesserait de fournir des services de cantine aux écoles locales. Au mois d’août de cette même année, les législatrices et législateurs d’Austin, au Texas, ont adopté une loi autorisant des aumôniers et aumônières non agréé·e·s à travailler en tant que conseillers et conseillères scolaires, tandis qu’au mois de mars, dans la province de Gauteng, en Afrique du Sud, les personnels travaillant dans le cadre du programme national de cantine scolaire ( South Africa’s National School Nutrition Programme) ont protesté contre le principe d’être assimilés à des bénévoles et de ne percevoir qu’une allocation forfaitaire pour toute rémunération.

Ces décisions ont en commun de réduire la portée de l’enseignement public en diminuant le financement des services d’éducation ou en transférant ces derniers du secteur public au secteur privé. Au cours de ces derniers mois, nous avons mené une étude pour l’Internationale de l’Éducation visant à évaluer l’impact de ces différentes formes de privatisation sur les conditions de travail des personnels de soutien à l’éducation travaillant dans les écoles primaires et secondaires. Outre l’examen des données scientifiques, notre recherche se base également sur des entretiens avec, entre autres, des responsables de syndicats, des membres du personnel des transports scolaires et de la maintenance des écoles, des responsables d’établissement scolaire et des assistantes et assistants pédagogiques du monde entier.

Notre rapport apporte de nombreuses preuves confirmant l’impact négatif de la privatisation et du manque de financement des personnels de soutien à l’éducation sur leur statut social et leur capacité de peser dans le débat, ainsi que sur leur contribution concernant l’amélioration de la qualité et de l’inclusivité des communautés éducatives.

Les recherches disponibles montrent que la privatisation a une incidence négative sur les conditions de travail des personnels dans toute une série de secteurs. Les personnes qui ont participé à notre projet ont confirmé que c’était également le cas pour les personnels de soutien à l’éducation. Ces derniers sont souvent confrontés à des horaires irréguliers, à des charges de travail plus lourdes, à des salaires qui stagnent ou diminuent, à une perte de leurs avantages sociaux et à des contrats précaires.

Les conséquences de cette situation sont d’autant plus dramatiques que certains métiers sont déjà précarisés et que nombre d’entre eux reposent sur des travailleuses et travailleurs ayant une formation informelle ou appartenant à des communautés historiquement marginalisées. Il n’est guère nécessaire de conduire un bus scolaire ou d’être responsable de la bibliothèque d’un établissement scolaire pour imaginer ce que signifie ne pas savoir où l’on travaillera le mois prochain ou si l’on aura toujours un emploi après les vacances d’été.

Nous avons en outre constaté que toutes ces répercussions, déjà particulièrement préoccupantes, fragilisaient également le statut social et professionnel des personnels de soutien à l’éducation.

Il ressort de notre rapport que les personnels de différentes catégories professionnelles se retrouvent de plus en plus isolés et contraints de se soumettre à de nouvelles formes de concurrence avec leurs collègues. Plutôt que d’être employés par les établissements scolaires ou les autorités éducatives, les personnels de soutien à l’éducation travaillent de plus en plus fréquemment pour des sociétés ou des services privés qui les transfèrent à leur guise d’une école ou d’un district à l’autre. Conséquence, la valeur pédagogique fondamentale de leur travail est mise à mal.

« J’ai comme l’impression que l’on me coupe les ailes », nous a confié une assistante pédagogique qui a participé à notre étude, en nous décrivant les situations où elle s’est heurtée à un manque d’autonomie et de soutien, malgré qu’elle ait consacré son temps à participer à des formations et à développer du matériel pour les élèves ayant des besoins spéciaux. D’autres nous ont expliqué que la valeur pédagogique de leur travail était de plus en plus ignorée et que l’accès aux programmes de développement professionnel leur était refusé lorsque les restrictions budgétaires limitent les offres de formation. Cette sous-estimation est non seulement encouragée par la privatisation mais crée également un cercle vicieux qui accroît la vulnérabilité de ces personnels aux contractions budgétaires et à l’externalisation des services.

Conséquence de ces évolutions, travailler dans l’enseignement public présente de moins en moins d’attrait. Les représentantes et représentants de syndicats du monde entier nous ont expliqué que plusieurs de leurs membres se demandaient s’il était préférable de continuer à travailler dans un secteur qui dévalorise systématiquement leurs compétences ou de se tourner vers d’autres secteurs. À cet égard, le sentiment de mécontentement est encore renforcé par ce que beaucoup considèrent comme une dévalorisation de la sollicitude (love penalty), une dynamique sexiste qui dévalue les compétences et le travail des personnels du soutien en les assimilant à du bénévolat ou aux métiers du « care ». À l’heure où, partout dans le monde, les autorités éducatives cherchent à recruter du personnel dans les établissements scolaires, une telle situation menace l’éducation de qualité pour toutes et tous.

Des dizaines d’études le confirment : les personnels de soutien à l’éducation créent un lien essentiel entre les écoles et les populations. Leur mission pédagogique auprès des élèves se veut complémentaire de l’enseignement dispensé par le ou la professeur·e. Et ils garantissent également un enseignement inclusif pour les élèves historiquement marginalisé·e·s.

La mesure dans laquelle ils peuvent continuer à jouer ce rôle dépend de la façon dont l’enseignement public et les différents types de travail éducatif associés sont définis, financés et mis en valeur. Au cours des entretiens avec les responsables de syndicats et les membres du personnel, nous avons été impressionné·e·s par les stratégies mises au point pour résister à la privatisation et démontrer l’utilité d’une compréhension large de l’enseignement public. Notre rapport examine ces activités dans l’espoir de pouvoir inspirer les organisations membres de l’IE du monde entier.

Selon le point de vue d’une personne participante, chargée de l’assistance pédagogique : « De meilleures conditions d’apprentissage pour les étudiantes et étudiants signifient de meilleures conditions pour nous. » Notre rapport montre que, en retour, garantir de meilleures conditions pour les personnels de soutien à l’éducation signifie améliorer les conditions pour la communauté enseignante qu’ils soutiennent. Seuls une reconnaissance et un financement appropriés des personnels de soutien nous permettront de concrétiser l’engagement mondial en faveur d’un enseignement inclusif de qualité pour l’ensemble des élèves.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.