Enseigner aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers : leçons de l’enquête internationale TALIS 2024
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Les classes sont de plus en plus diversifiées et un nombre croissant d’élèves dans le monde présentent des besoins éducatifs particuliers (BEP) formellement identifiés. Il est toutefois aussi relativement courant que les écoles connaissent une pénurie de personnel enseignant doté des compétences requises pour enseigner aux élèves présentant des BEP. Dans les pays de l’OCDE, un personnel enseignant sur trois travaille dans une école confrontée à ce type de pénurie.
L’enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS) 2024 recueille des informations sur la formation des personnels enseignants et sur les mesures qu’ils prennent pour adapter leur enseignement aux élèves ayant des besoins particuliers. Les données ainsi collectées permettent d’identifier les domaines dans lesquels les enseignantes et les enseignants pourraient bénéficier d’un soutien accru afin d’assurer un apprentissage inclusif.
Le nombre de personnels travaillant avec des élèves ayant des BEP formellement identifiés augmente
Dans la plupart des systèmes éducatifs, les enseignantes et les enseignants sont plus susceptibles qu’en 2018 de travailler dans des écoles où au moins 10 % des élèves présentent des BEP formellement identifiés. La proportion d’enseignantes et d’enseignants travaillant dans de tels établissements a augmenté de 15 points de pourcentage en moyenne. Cette augmentation a dépassé 25 points de pourcentage en Australie*, en communauté francophone de Belgique, en Estonie, en France, en Italie, aux Pays-Bas*, en Nouvelle-Zélande* et en République slovaque.
Les personnels manquent souvent de confiance dans leur capacité à mettre en œuvre des pratiques inclusives pour les élèves ayant des BEP
La reconnaissance formelle croissante des BEP à l’école peut entraîner des changements dans les exigences vis-à-vis des personnels enseignants, par exemple en ce qui concerne le respect des politiques scolaires en la matière et la mise en œuvre de plans d’éducation personnalisés pour les élèves. L’enquête TALIS interroge les personnels sur la mesure dans laquelle ils se sentent confiants dans la mise en œuvre de six pratiques inclusives spécifiques pour soutenir les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers, à savoir :
- Le travail en collaboration avec d’autres professionnel·les et membres du personnel (notamment de soutien) pour enseigner aux élèves ayant des BEP dans la salle de classe (pratique signalée comme « assez courante » ou « fréquente » par 72 % des personnels en moyenne) ;
- La conception de tâches d’apprentissage adaptées aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers (62 % des personnels enseignants interrogés) ;
- La collaboration avec d’autres professionnel·les dans la conception de plans éducatifs pour les élèves présentant des BEP (60 % des personnels enseignants interrogés) ;
- L’implication des parents et responsables légaux dans les activités scolaires des enfants ayant des BEP (46 % des personnels enseignants interrogés) ;
- L’adaptation des évaluations standardisées afin que les élèves ayant des BEP puissent être évalué·es (43 % des personnels enseignants interrogés) ;
- Le partage d’informations sur les lois et les politiques relatives à l’inclusion des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers (40 % des personnels enseignants interrogés).
Ces chiffres devraient toutefois donner à réfléchir aux décideurs et décideuses politiques de la plupart des systèmes éducatifs. Tout d’abord, pourquoi si peu d’enseignantes et d’enseignants ont confiance en leur capacité à informer les autres sur les lois et les politiques relatives aux BEP et à l’inclusion ? Quel impact ces lois et politiques peuvent-elles avoir sur les pratiques inclusives si les personnels enseignants ne se sentent pas suffisamment informés à leur sujet ? Comment les personnels enseignants peuvent-ils savoir si leurs pratiques visant à soutenir les élèves ayant des BEP sont efficaces alors qu’ils n’ont pas confiance en leur capacité à adapter les évaluations à ces élèves ?
L’accès à la formation professionnelle dans le domaine des BEP progresse, mais d’importantes lacunes subsistent
La formation professionnelle est un levier important pour aider les enseignantes et les enseignants à développer des pratiques inclusives pour les élèves ayant des BEP. Étant donné qu’un plus grand nombre de personnels enseignants travaillent avec des élèves ayant des BEP, il est rassurant de constater que, ces dernières années, la participation à la formation professionnelle dans ce domaine a considérablement augmenté dans les trois quarts des systèmes éducatifs. En règle générale, les formations professionnelles proposées semblent répondre aux besoins des enseignantes et des enseignants qui travaillent avec des élèves ayant des BEP.
Près d’un quart des personnels estiment, néanmoins, avoir besoin d’une formation professionnelle plus poussée pour enseigner aux élèves ayant des BEP. Dans certains pays, l’accès à ce type de soutien reste problématique. Au Brésil, en Colombie, au Costa Rica, au Maroc, en Roumanie et en Afrique du Sud, plus de 20 % des enseignantes et des enseignants ont des besoins importants en matière de formation professionnelle dans le domaine des BEP, mais n’ont pas participé récemment à des activités de ce type. Pour ces pays, il est prioritaire d’examiner les obstacles qui empêchent les enseignantes et les enseignants d’accéder à ce type de soutien.
Dans certains systèmes éducatifs, un grand nombre de personnels enseignants estiment avoir un besoin important de formation professionnelle pour enseigner à des élèves ayant des BEP, bien qu’ils aient récemment participé à une formation dans ce domaine. Plus d’un quart des enseignantes et des enseignants se trouvent dans cette situation au Brésil, au Costa Rica, au Japon, au Kazakhstan, en Lituanie, à Shanghai (Chine) et au Viêt Nam. Dans ces cas, nous pouvons nous demander si les possibilités de développement correspondent aux besoins des enseignantes et des enseignants.
Il est possible que les personnels enseignants bénéficient d’un soutien approprié, mais qu’ils aient besoin de plus de soutien (ainsi que de temps et de pratique) pour devenir plus confiants dans leur capacité à mettre en œuvre des pratiques inclusives. Cependant, il est également possible que le contenu, le format et/ou la qualité de la formation professionnelle ne soient pas suffisamment adaptés aux besoins des enseignantes et des enseignants. Pour de nombreux systèmes éducatifs, les données sur l’efficacité personnelle des personnels enseignants en matière de pratiques inclusives vis-à-vis des élèves ayant des BEP suggèrent qu’il est possible d’améliorer le développement professionnel en ce qui concerne la communication sur les lois et les politiques relatives à l’inclusion de ces élèves et l’adaptation des évaluations.
Bien que la majorité des besoins des personnels enseignants semblent être largement satisfaits par l’offre de développement professionnel dans le domaine des BEP, les résultats de l’enquête TALIS soulignent la nécessité de surveiller de près la disponibilité et l’impact de l’aide apportée aux enseignantes et aux enseignants. Du point de vue de l’équité, il ne suffit pas de répondre aux besoins de la plupart des personnels. Les systèmes éducatifs doivent veiller à ce que chaque enseignante et chaque enseignant soit pleinement préparé·e à aider tous ses élèves, y compris celles et ceux qui présentent des BEP.
Les personnels utilisent-ils des ressources et des outils numériques, y compris l’intelligence artificielle, pour fournir un soutien personnalisé ?
Les ressources et outils numériques peuvent offrir aux enseignantes et aux enseignants des options intéressantes pour adapter leur enseignement. L’avènement de l’IA, en particulier, pourrait permettre aux enseignantes et aux enseignants de mettre en place des environnements d’apprentissage inclusifs plus facilement et plus rapidement. Cela pourrait toutefois aussi poser des problèmes du point de vue de l’équité, par exemple en renforçant les préjugés existants ou en créant de nouvelles barrières. Pour le moment, la proportion d’enseignantes et d’enseignants déclarant avoir utilisé l’IA pour aider les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers est relativement faible (35 % en moyenne, sur les 36 % qui déclarent avoir utilisé l’IA).
Dans plus d’un tiers des systèmes éducatifs, les enseignantes et les enseignants sont plus susceptibles de recourir aux ressources et outils numériques pour fournir un enseignement et une évaluation individualisés lorsque plus de 30 % de leur classe présente des BEP. Pour la majorité des systèmes éducatifs participants, toutefois, il n’existe pas de relation significative entre l’utilisation de ces ressources numériques par les personnels enseignants et la proportion d’élèves dans la classe qui présentent des besoins éducatifs particuliers.
Conclusion
Globalement, l’enquête TALIS 2024 montre que davantage d’enseignantes et d’enseignants sont formé·es aux BEP, ce qui est encourageant étant donné que davantage sont amené·es à travailler avec des élèves ayant des BEP formellement identifiés dans la salle de classe. Cependant, un nombre important d’enseignantes et d’enseignants manquent de confiance dans une série de pratiques inclusives pour aider les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. Les systèmes éducatifs doivent continuer à œuvrer pour que le développement professionnel dans ce domaine soit à la fois plus accessible et plus efficace. Ces investissements seront essentiels pour garantir la prise en compte des besoins de chaque élève à l’aide d’un éventail d’outils.
Note : les statistiques mentionnées dans cet article se rapportent aux personnels enseignants du premier cycle de l’enseignement secondaire.
* Les estimations doivent être interprétées avec prudence, compte tenu du risque élevé de biais de non-réponse.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.