Personnels enseignants en début de carrière sous pression : les enseignements de TALIS 2024
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Le constat d’une pénurie de personnel enseignant dans de nombreux pays à travers le monde soulève un certain nombre de questions concernant le bien-être et la satisfaction professionnelle du corps enseignant. Par exemple, qui dans cette profession se sent épanoui·e dans son travail ? Qui éprouve des difficultés ? Quels sont les facteurs susceptibles d’inciter les enseignantes et les enseignants à quitter la profession ? Quelles mesures peuvent être prises pour les inciter à rester ? Les données issues du quatrième cycle de l’enquête internationale de l’OCDE sur l’enseignement et l’apprentissage ( Teaching and Learning International Survey, TALIS 2024) apportent un nouvel éclairage sur les sujets les plus préoccupants et les leviers politiques envisageables pour aller de l’avant.
Dans l’ensemble, les personnels enseignants sont satisfaits de leur travail
Même si l’enseignement peut être une profession extrêmement exigeante, les enseignantes et les enseignants qui déclarent ressentir « beaucoup » de stress dans leur travail sont une minorité (19 % en moyenne dans les pays de l’OCDE). Il est également rare, dans les pays de l’OCDE, que les personnels enseignants déclarent que leur travail nuit « beaucoup » à leur santé physique (8 % des personnes participantes) ou mentale (10 % des personnes participantes). En outre, la majorité répond positivement lorsqu’on les interroge sur leur satisfaction professionnelle et leur environnement de travail : en moyenne, 89 % des personnels enseignants se disent globalement satisfaits de leur travail et 90 % se plaisent à travailler dans leur établissement scolaire.
Pour les systèmes éducatifs confrontés à la pénurie de personnel enseignant, l’expérience des nouvelles recrues dans la profession revêt un intérêt tout particulier. Les personnels enseignants qui débutent dans la profession sont-ils mis en condition de réussir dès leurs premières années ? L’investissement (tant public que personnel) dans la formation initiale des enseignantes et des enseignants est-il susceptible de durer ?
En termes de bien-être général et de satisfaction professionnelle, les données TALIS indiquent que les enseignantes et les enseignants novices s’en sortent aussi bien que leurs collègues plus expérimenté·es. Dans la plupart des systèmes éducatifs, on ne relève pas de différence statistiquement significative entre les personnels débutants et expérimentés pour ce qui est de la satisfaction vis-à-vis de leur travail ou concernant celles et ceux qui éprouvent « beaucoup » de stress en général.
Les personnels débutants ressentent davantage de stress lié à la discipline en classe
L’enquête montre toutefois que les enseignantes et les enseignants qui débutent dans la profession ressentent plus souvent du stress que leurs collègues plus expérimenté·es face à certains facteurs comme :
- Le maintien de la discipline en classe (55 % des personnels débutants contre 41 % des personnels expérimentés)
- Le temps de préparation des cours (38 % des personnels débutants contre 33 % des personnels expérimentés)
- La formation professionnelle continue (26 % des personnels débutants, en moyenne, contre 24 % des personnels expérimentés)
- Le sentiment d’intimidation ou d’agression verbale de la part des élèves (19 % des personnels débutants en moyenne contre 17 % des personnels expérimentés)
La prévalence du stress lié à la discipline en classe chez les personnels en début de carrière est particulièrement préoccupante. De fait, les problèmes de comportement et de gestion de classe compromettent l’apprentissage des élèves dans la mesure où les enseignantes et les enseignants perdent du temps de cours à cause des interruptions.
Par ailleurs, le stress lié à la discipline en classe nuit particulièrement à la satisfaction professionnelle et à la rétention des enseignantes et des enseignants. Les résultats de l’enquête montrent, en effet, que les enseignantes et les enseignants qui éprouvent du stress à maintenir la discipline en classe sont deux fois plus susceptibles de vouloir quitter la profession enseignante dans les cinq ans.
Aider les personnels en début de carrière à gérer leur classe devrait donc constituer une priorité centrale pour les responsables politiques et les chef·fes d’établissement qui souhaitent retenir leurs enseignantes et enseignants dans la profession. Bien que la pénurie de personnel enseignant ne soit pas universelle, l’enquête TALIS montre que ce problème touche de nombreux systèmes éducatifs. Dans près d’un tiers des systèmes éducatifs consultés, plus de 20 % des personnels enseignants débutants ont signifié leur intention de quitter l’enseignement dans les cinq ans.
Remédier au stress lié à la discipline en classe : par où commencer ?
On ne sera sans doute guère surpris d’apprendre que les personnels débutants éprouvent plus souvent des difficultés à maintenir la discipline dans leur classe que leurs collègues plus expérimenté·es. Cela peut être lié au manque de certaines connaissances pratiques acquises avec l’expérience et au fait de ne pas encore avoir découvert les approches les mieux adaptées à leurs besoins et à ceux de leurs élèves. On pourrait donc s’attendre à ce que des aménagements soient prévus pour que les personnels enseignants en début de carrière puissent évoluer dans des conditions un peu moins difficiles pendant qu’ils développent leurs compétences dans ce domaine.
Il n’est pourtant pas rare que des personnels en début de carrière soient affectés à des classes plus difficiles. Ainsi, dans un grand nombre de systèmes éducatifs, les personnels débutants sont plus susceptibles d’avoir une proportion plus élevée d’élèves ayant des difficultés à comprendre la langue d’enseignement, alors même que les enseignantes et les enseignants ont davantage tendance à se déclarer stressé·es par la discipline en classe lorsque leurs groupes sont plus diversifiés (notamment en termes de comportement, de langue et de besoins éducatifs particuliers).
Les activités de formation professionnelle axées sur la gestion de classe peuvent aider les enseignantes et les enseignants à maintenir la discipline dans leur salle de classe. De fait, les personnels débutants ont tendance à participer plus fréquemment à ce type de formations que leurs collègues plus expérimenté·es. Il existe cependant un écart entre la participation et l’accès à ce type de formations. Ainsi, en Autriche, plus d’un quart des personnels enseignants débutants ont indiqué avoir un besoin important de formation professionnelle en matière de gestion de classe liée au comportement des élèves, mais n’ont participé à aucune activité de formation pertinente au cours de l’année écoulée.
Les enseignantes et les enseignants, et en particulier celles et ceux qui débutent dans la profession, pourraient également bénéficier de retours réguliers concernant leurs pratiques pédagogiques. En moyenne, trois quarts des personnels enseignants en début de carrière ayant reçu un retour sur leur pratique considèrent que cette approche a eu un impact positif sur leur gestion du comportement des élèves en classe, ce qui est globalement positif.
On peut toutefois se demander comment mieux soutenir le quart d’enseignantes et d’enseignants en début de carrière qui ne reçoivent pas de retours constructifs, voire pas de retour du tout. En moyenne, environ 20 % déclarent n’avoir jamais reçu de retours basés sur l’observation de leur pratique pédagogique dans leur école.
Une approche possible consisterait à améliorer les programmes de mentorat, dans le cadre desquels les personnels débutants peuvent bénéficier de retours et de conseils (pertinents) de la part de leurs collègues plus expérimenté·es. Les résultats de l’enquête TALIS confirment en effet l’existence d’un lien positif entre le fait de disposer d’un ou une mentor·e attitré·e et un niveau plus élevé de satisfaction professionnelle et de bien-être.
Depuis 2018, on constate une légère augmentation (six points de pourcentage en moyenne) de la proportion des personnels enseignants débutants qui ont actuellement un ou une mentor·e attitré·e. Cependant, la majorité (75 % en moyenne) n’en dispose pas encore.
Enseignements clés
La grande majorité des personnels enseignants se déclarent satisfaits de leur travail et épanouis sur le plan professionnel. Cependant, les personnels débutants sont particulièrement affectés par le stress lié à la discipline en classe. La prévalence de ce facteur de stress mérite d’être surveillée attentivement, compte tenu de son impact négatif sur les résultats tant des élèves que du personnel enseignant.
Pour ce qui est des systèmes éducatifs concernés, plusieurs aspects appellent à être revus. D’une part, les personnels en début de carrière sont souvent plus susceptibles d’être affectés à des groupes d’élèves diversifiés, alors que leurs collègues plus expérimenté·es ont généralement développé les compétences requises en matière de gestion de classe leur permettant de s’épanouir dans de tels environnements. D’autre part, un certain nombre d’enseignantes et d’enseignants en début de carrière passent entre les mailles du filet s’agissant de l’amélioration de leurs pratiques en matière de gestion de classe, notamment en termes d’accès au mentorat, aux activités de formation professionnelle et à des retours pertinents.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.