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Internationale de l'Education
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Côte d’Ivoire: horaires à rallonge et classes surchargées pour les enseignants

Publié 29 mars 2010 Mis à jour 29 mars 2010

Lors de la dernière réunion régionale Afrique de l’IE sur l’EPT/SIDA, 28 enseignants syndicalistes venus de tout le continent ont abordé la question récurrente de la garantie d’accès à l’éducation pour tous les enfants tout en garantissant un enseignement de qualité. Ils ont également partagé leurs expériences en matière de soutien aux collègues vivant avec le VIH ainsi que sur la promotion du changement de comportements, en vue de prévenir le VIH.

La visite d’une des écoles primaires publiques de Grand Bassam dans le Sud-Est de la Côte d’Ivoire - avec ses salles de classes dépouillées et ses rangées d’élèves entassés sur des bancs en bois brut - a donné l’occasion d’entendre les enseignants s’exprimer au sujet des conséquences de la pénurie de personnel, des classes surchargées et de l’insuffisance de ressources dans les écoles.

Les journées de classe interminables qui démarrent avant 8 heures et s’étendent jusqu’à 17 heures laissent des traces sur les enseignants comme sur les élèves. « Alors qu’il peut nous arriver à nous, enseignants, d’être fatigués, les élèves eux, ont du mal à rester concentrés après un certain temps », a affirmé un enseignant en charge de 50 élèves.

Chargés de couvrir jusqu’à 13 matières et confrontés à un cadre d’enseignement et des programmes qui évoluent, un autre enseignant doté d’une expérience de 13 ans dans la profession, a déclaré : « nous devons nous occuper de tant de choses. De plus en plus, les obligations extrascolaires viennent s’intégrer à nos responsabilités d’enseignement. De fait, le travail peut devenir écrasant. »

Un collègue a exprimé sa frustration concernant le fait que l’objectif n’est désormais plus d’éduquer mais plutôt de parvenir à boucler le programme. « Je suis entré dans la profession enseignante par vocation, motivé par un souhait profond d’œuvrer en faveur de l’éducation des enfants. Aujourd’hui ma motivation s’est quelque peu émoussée, au vu des difficultés liées aux programmes, aux conditions financières et à la bureaucratie du système éducatif. »

Marie Josée Mangle, Inspectrice régionale pour l’Enseignement maternel et primaire, supervise 41 écoles, soit 12.500 élèves et plus de 300 enseignants.

Elle a déploré le fait que les effectifs puissent dépasser les 75 élèves par classe. « Avec de tels niveaux de sureffectifs, il devient impossible à un enseignant de travailler convenablement avec sa classe. Eu égard aux enseignants qualifiés à la recherche d’un poste, Marie Josée Mangle préconise aux autorités d’ouvrir davantage d’écoles primaires et d’accroître les infrastructures à destination des maternelles.

Promouvoir le respect

Les enseignants ont salué le recul pris face aux formes traditionnelles de châtiment corporel, en particulier au regard de l’héritage laissé par la guerre civile. Ils ont cependant souligné que la discipline représente un défi permanent, alors même qu’ils peinent à trouver des moyens pour motiver les enfants à fréquenter l’école régulièrement et terminer leurs travaux scolaires. Un enseignant responsable de la Commission des droits de l’enfant a passé en revue des mesures en faveur d’une approche centrée sur l’enfant, mettant l’accent sur leurs droits et leurs devoirs. « Une fois que les enfants prennent conscience des responsabilités qui leur incombent, nous pouvons nous attacher à promouvoir ces obligations et améliorer ainsi leur comportement général. Cette démarche débouche sur une nouvelle approche de la communication entre enseignants et élèves, entre les élèves eux-mêmes ainsi qu’entre élèves et parents », a-t-il expliqué.

Un autre collègue a insisté sur l’importance du respect dans un contexte plus global. « Notre employeur, le gouvernement, n’a fait preuve d’aucun respect à notre égard. Sa façon de parler de nous n’encourage pas les parents à nous témoigner du respect à leur tour. »

Action syndicale

L’ensemble des enseignants a déclaré avoir le sentiment que les syndicats mettaient tout en oeuvre pour améliorer la condition des enseignants, notamment au vu des dépenses nationales consacrées à l’éducation qui continuent à ne pas atteindre le seuil de 7% du PIB promis par les gouvernements d’Afrique de l’Ouest il y a une décennie. Paul Gnelou, Secrétaire général du Syndicat des enseignants du primaire, SYNEPPCI, a déclaré : « Mon travail consiste à rapporter les questions qui préoccupent les enseignants. Or, nous travaillons sur bon nombre de questions à la fois. »

En 2009, les syndicats ivoiriens ont initié la mise en place de comités régionaux, dans le but de traiter la question de la pénurie d’enseignants à Bondoukou et à San Pedro. Au cours de la deuxième moitié de 2010, les syndicats d’enseignants de Côte d’Ivoire formeront plus de 150 enseignants à la promotion de la non-violence dans les écoles. Ils effectueront également des recherches sur les conditions d’apprentissage dans les écoles de Port Bouet, avec pour objectif l’amélioration des infrastructures scolaires.

Par Julie Kavanagh.

Cet article a été publié dans Mondes de l’Éducation, No 33, mars 2010.