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Résolution sur l'économie mondiale et l'éducation

Publié 28 juillet 1998 Mis à jour 31 mars 2017

Le deuxième congrès mondial de l'Internationale de l'Education réuni à Washington DC (Etats-Unis) du 25 au 29 juillet 1998 :

1. Note que l'économie est en voie de forte mondialisation tant au niveau des lieux de production que des marchés. Ceci s'accompagne d'une certaine agressivité de la part des entrepreneurs et d'un certain laissez-faire des Etats de même, les délocalisations d'entreprises qui découlent de cette nouvelle orientation perturbent souvent dramatiquement le marché du travail et la situation des travailleurs ;

2. Note que ces délocalisations se réalisent le plus souvent sur la base d'une réduction des garanties sociales pour les travailleurs et leurs familles. Des politiques gouvernementales d'exemptions fiscales pour ces entreprises, réduisent les revenus des Etats en charge de fournir aux populations les services sociaux minimaux ;

3. Note que cette mondialisation repose sur les principes de l'économie néo-libérale qui vise à réduire au minimum le rôle des Etats et des secteurs publics, en particulier dans les domaines de l'éducation et de la santé ; et à privilégier des valeurs de compétition exacerbée entre individus où le profit immédiat pour quelques uns devient la règle et le bien -être général des populations, l'exception.

4. Note que les Etats ayant adopté le modèle néo-libéral avec des économies fortement mondialisées souhaitent non seulement obtenir la levée de toutes les barrières douanières pour leur permettre d'accéder à tous les marchés, mais aussi la liberté totale d'investissements dans tous les pays et dans tous les secteurs, y compris dans les secteurs traditionnellement dévolus aux services publics. La conséquence immédiate est une forte progression des privatisations, y compris dans le secteur éducatif.

5. Note que cette mondialisation de l'économie s'accompagne généralement d'une profonde transformation de la nature et du contenu des emplois. Alors que les sociétés commerciales développent le travail à compétence peu qualifiée moyennant une main d’oeuvre bon marché dans les pays pauvres, dans les pays de l'OCDE et dans ceux qui se sont spectaculairement développés ces dernières années, l'économie devient de plus en plus sophistiquée. L'utilisation des nouvelles technologies en renouvellement permanent mène à une situation de fait qui implique la demande de nouveaux types de formation générale et professionnelle pour les jeunes s'ils veulent entrer sans trop de difficultés sur ce marché du travail. Le deuxième congrès mondial de l'IE :

6. Considère que l'économie a des intérêts et l’éducation des objectifs qui doivent se concilier : l’économie a besoin de ressources humaines toujours mieux formées aux défis de la compétition économique mondiale ; l’éducation a besoin des ressources financières que dégage la croissance économique. Cette convergence serait profitable à l’éducation si l’économie échappait à la logique financière des marchés orientés sur la recherche de la réduction du coût du travail, la privatisation et la déréglementation.

7. Considère que l'éducation a aussi pour rôle de former des êtres humains et des citoyens, capables de participer dans des sociétés de plus en plus complexes et multi-culturelles et de faire vivre les idéaux de démocratie, de justice sociale, de solidarité et de paix., L'éducation ne saurait donc être soumise aux seuls intérêts des besoins de l'économie.

8. Considère que les conditions de vie faites aux travailleurs au sein des entreprises doivent créer un environnement favorable de travail et de formation. En retour ceci aura une influence positive sur l'attitude des familles, de leurs enfants et de la société en général en ce qui concerne leur perception du rôle et de l'importance de l'éducation : des travailleurs heureux, équilibrés dans leur vie quotidienne favorisent plus souvent des comportements de même nature chez leurs enfants par rapport à l'éducation. Le deuxième congrès mondial de l'IE de Washington :

9. Recommande au Comité Exécutif et au Secrétariat de rester attentifs aux évolutions de la mondialisation de l'économie et à ses conséquences sur la situation de l'emploi en général. Ceci est important pour l'avenir des jeunes. Le lien entre le secteur de l’éducation et l’économie menant à des changements dans la nature et le contenu des emplois et dans les formations à dispenser aux jeunes. Afin de protéger l’équilibre entre l’enseignement général et l’enseignement et la formation professionnels il est important d’influencer dans toute la mesure du possible les politiques des institutions intergouvernementales comme la Banque Mondiale, l'OCDE. Il est important également de faire jouer tout son rôle au BIT.

10. Recommande au Comité exécutif de susciter un vaste débat sur la rationalité scientifique et les nouveaux modèles de rationalité économique. Le débat sur la production du savoir, matière qui constitue l’ axe du travail de l’enseignant, est vital pour les syndicats d’enseignants.

11. Recommande au Comité exécutif de mettre en place des projets de formation et de recherche pour stimuler la discussion relative au modèle unidirectionnel et d’exclusion sociale incarnée par le projet de mondialisation en cours, qui néglige et détruit la biodiversité culturelle et naturelle.

12. Recommande au Comité exécutif d’assurer la promotion, par l’intermédiaire des syndicats des différentes régions du monde, d’une nouvelle perspective de processus d’intégration régionale. Nous devons développer d’autres approches et stratégies à l’égard du Mercosur, de l’ALENA, de l’Union européenne, du Marché commun d’Amérique centrale, de l’Organisation de l’unité africaine et des différentes organisations régionales en Asie.

13. Recommande au Comité exécutif que, afin de protéger et d’améliorer l’éducation publique universelle et gratuite et les droits des travailleurs, l’IE doive suivre de près les répercussions sur l’éducation de l’Accord de libre-échange des Amériques et du programme de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC), et qu’elle appuie les organisations affiliées dans leurs interventions visant à influencer ces organisations.

14. Recommande au Comité Exécutif, en liaison avec la CISL et le TUAC, de rester vigilent en ce qui concerne les négociations actuellement engagées dans le cadre de l'OCDE et relatives à l’Accord Multilatéral sur l’Investissement. Des discussions sur cet accord ont déjà eu lieu dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC); il prévoit la liberté totale des investissements étrangers dans tous les secteurs de l'économie, y compris dans les secteurs de l'éducation, de la santé et de la culture ce qui remettrait en cause les politiques sociales, éducatives et culturelles des États, et donc représente une certaine menace pour l’éducation publique. L’influence des corporations ou le contrôle de l’éducation est anti-démocratique et les gouvernements nationaux doivent conserver des droits souverains concernant les dispositions en matière d’éducation publique. Bien qu’il n’y ait pas de garanties concernant les normes de travail et les normes environnementales, sans exception pour l’éducation publique, la santé, les services publics et la culture, l’IE continuera à s’opposer à cet accord et incitera les organisations membres à participer à la campagne mondiale d’opposition.

15. Recommande au Comité exécutif de s’opposer, par le biais d’une action stratégiquement préparée, aux projets de l’OMC qui ont pour effet d’augmenter la pauvreté, de concentrer les richesses entre les mains de quelques-uns et d’empêcher la mise en oeuvre de véritables programmes de santé, d’éducation et de développement scientifique et technologique pour créer un monde responsible et solidaire.

16. Recommande au Comité exécutif de stimuler l’organisation d’instances de négociation dans chaque pays, afin que les syndicats puissent discuter l’impact de ces changements sur les conditions de travail et de l’éducation.

17. Recommande au Comité Exécutif et aux organisations affiliées d'engager des négociations et/ou des partenariats constructifs, aux niveaux international et national, avec les groupes concernés par les questions éducatives et économiques, pour pouvoir influencer la nature des réformes éducatives afin qu’elles fournissent les systèmes éducatifs en adéquation avec les nouveaux besoins des individus dans des sociétés qui subissent un profond changement.

18. Recommande aux organisations affiliées, en liaison avec le ou les centrales syndicales de leur pays respectif d'étudier la justesse des politiques fiscales nationales qui sont la source quasi unique du financement des systèmes publics d'éducation et de proposer éventuellement des modifications appropriées à ces politiques afin d'obtenir, dans un premier temps, une allocation minimale de 6% du Produit National Brut (PNB) pour l'éducation. Une taxe sur les transactions financières mondiales devrait contribuer à la réalisation de l’objectif de consacrer au moins 6 pour cent du PNB à l’éducation. Le Secrétariat de l'IE devrait être tenu informé des initiatives qui auront été prises dans ce domaine.