Ei-iE

Mondes de l'éducation

« Lançons une discussion globale sur les exceptions relatives aux droits d'auteur en faveur de l'enseignement et de la recherche », par David Edwards.

Publié 25 avril 2019 Mis à jour 2 mai 2019
Écrit par:

Aujourd’hui est la Journée mondiale de la propriété intellectuelle, le jour idéal pour nous rappeler que l’heure d’une réforme de la législation sur les droits d’auteur a sonné. Nous avons besoin que des mesures soient prises pour modifier les régimes applicables aux droits d’auteur, qui entravent la liberté d’expression et ne promeuvent pas des sociétés diverses et prospères au bénéfice de tous et toutes.

La législation sur les droits d’auteur a un impact considérable sur les activités d’apprentissage et d’enseignement au quotidien, à tous les niveaux d’enseignement, de la petite enfance à l’enseignement supérieur.

A l’heure actuelle, la législation crée trop souvent des obstacles financiers et juridiques préjudiciables à un enseignement et une recherche de qualité, en empêchant les éducateur·rice·s, les chercheur·euse·s et les étudiant·e·s d’adapter, de créer et de partager du matériel pédagogique et d’apprentissage et en violant le droit fondamental à la liberté d’expression.

Nécessité d’une réforme globale des droits d’auteur

Alors que le monde continue de chercher le meilleur instrument pour soutenir le respect des droits humains et l’application du programme pour le développement durable, il est essentiel que la réforme soit guidée par les besoins en matière d’enseignement et de recherche et par l’intérêt public à combler les lacunes existantes, tout comme l’a fait le traité de Marrakech de l’ Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Sans quoi nous pourrions voir plus de ceci ou de cela.

En vue de se rapprocher d’un consensus mondial, l’Internationale de l’Education et quarante autres organisations ont récemment approuvé un projet de traité international sur le droit d’auteur en faveur de l’enseignement et de la recherche(TERA). Ce projet comble les lacunes juridiques de la collaboration et des échanges transfrontaliers et met soigneusement en balance les droits des créateur·rice·s et des utilisateur·rice·s. Le traité TERA constituerait une amélioration pour bon nombre d’éducateur·rice·s, chercheur·euse·s et étudiant·e·s, y compris handicapé·e·s. Plus généralement, ce traité serait bénéfique pour le développement de sociétés créatives, innovantes et durables.

Nous espérons qu’avec les Etats membres de l’OMPI qui le soutiennent, nous pourrons accélérer les progrès pour parvenir à un instrument mondial équilibré de gestion des droits d’auteur. L’OMPI, en sa qualité d’agence spécialisée des Nations Unies, pourra ainsi apporter une contribution importante à la réalisation de l’Objectif de développement durable (ODD) 4 qui tend vers une éducation de qualité, mais également de l’ODD 5 sur l’égalité hommes-femmes, de l’ODD 9 qui concerne l’industrie, l’innovation et les infrastructures et de l’ODD 10 sur la réduction des inégalités.

Droit à l’éducation et droits d’auteur

Un accès équitable au matériel pédagogique et d’apprentissage est un élément fondamental du droit à l’éducation et est essentiel pour réaliser l’ODD 4. Toute personne possédant une expérience de l’enseignement sait qu’en plus des manuels et d’autres matériels préparés en amont, l’intégration d’exemples supplémentaires de la vie réelle et d’œuvres créatives est capitale. En tant qu’enseignant·e·s, nous projetons des vidéos en classe, nous collons une image motivante sur une feuille de travail, nous utilisons des photos pour expliquer des événements historiques, nous diffusons des chansons modernes en classe, nous discutons des actualités en ligne ou nous lançons des conversations électroniques avec des classes à l'étranger. Et parce que le thème de la Journée internationale de la propriété intellectuelle est « Décrocher l’or: sport et propriété intellectuelle », ajoutons les actualités sportives et musicales à la liste.

Fondamentalement, la législation sur les droits d’auteur est partout autour de nous. Pour que nous puissions faire une différence, nous avons besoin d’une législation juste sur les droits d’auteur, qui nous aide à décrocher une médaille d’or très particulière: le droit à l’éducation.

Libertés académiques de choisir et d’adapter du matériel

Il convient également d’examiner cette question d’un point de vue professionnel. Il est admis au niveau international que « [l]e choix et la mise au point du matériel d’enseignement » ( UNESCO/Organisation internationale du Travail 1966) sont essentiels pour les libertés académiques et les libertés professionnelles des enseignant·e·s. Lorsque la législation sur les droits d’auteur est trop restrictive, onéreuse et lourde sur le plan administratif, ces libertés sont réduites. Les enseignant·e·s pourraient alors être obligé·e·s d’utiliser du matériel produit commercialement et de travailler dans des zones grises de la loi et, en fin de compte, ne plus être en mesure de remplir leur mission publique. Cet élément revêt une importance particulière dans les pays où l’édition de matériel pédagogique est censurée, trop chère ou non pertinente sur le plan local, mais aussi partout où les enseignant·e·s ont à assumer la tâche délicate d’adapter du matériel pédagogique à des populations estudiantines variées.

L’appétit de réforme grandit, que ce soit pour actualiser les législations sur les droits d’auteur afin qu’elles couvrent l’utilisation d’œuvres numériques ou pour promouvoir des solutions transfrontalières.

Des solutions internationales sont nécessaires pour un enseignement moderne

L’Union européenne (UE), par exemple, reconnaît qu’un « accès plus transnational au contenu en ligne » à des fins de collaboration et d’échange est essentiel et elle a récemment adopté une exception européenne obligatoire relative aux droits d'auteur en faveur de l’enseignement. Elle a également établi une exception pour la recherche de données et de textes, qui permettra aux chercheur·euse·s d’Europe d’analyser de grandes bases de données de recherche.

Sur le plan international, les Etats membres de l’OMPI, dont l’UE fait partie, ont décidé en 2012 déjà qu’il serait temps de faire avancer le travail normatif international en la matière. C’est une demande ancienne, formulée notamment par les pays en développement.

Un espoir de progrès à l’OMPI en 2019?

En dépit de cette reconnaissance, les progrès ont été lents à l’OMPI. Aujourd’hui, sept ans plus tard, il pourrait y avoir une chance que les choses évoluent grâce à l’adoption par le Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes (SCCR)  de l’OMPI d’un plan d’action en faveur de l’enseignement, de la recherche et des personnes handicapées. Des séminaires régionaux se tiendront à Singapour, au Kenya et en République dominicaine et une conférence internationale aura lieu à Genève, qui tous seront consacrés aux limitations et exceptions relatives aux droits d’auteur.

Nous pouvons renforcer l’ élan de l’OMPI en profitant de cette Journée internationale de la propriété intellectuelle pour lancer une discussion globale, en focalisant l’attention générale des personnes intéressées par le droit à la connaissance, un accès juste et l’utilisation d’œuvres à des fins d’enseignement et d’apprentissage.

Nous pouvons mettre cette année à profit pour faire entendre la voix de la profession et il y a plusieurs choses que vous pouvez faire:

  1. approuver le projet de traité international TERA: http://infojustice.org/tera;
  2. participer aux discussions semestrielles du SCCR de l’OMPI; et
  3. participer aux séminaires régionaux de l’OMPI ou à la conférence internationale prévue en octobre à Genève pour partager votre expérience.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.