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Mondes de l'éducation

Un enseignant est vacciné à Ungaran, dans le centre de la province de Java, en Indonésie (25 mars 2021). WF Sihardian/Shutterstock/ISOPIX.
Un enseignant est vacciné à Ungaran, dans le centre de la province de Java, en Indonésie (25 mars 2021). WF Sihardian/Shutterstock/ISOPIX.

« Equité et leadership sont nécessaires pour mettre un point final à l’histoire de la COVID»

Publié 25 mars 2021 Mis à jour 1 juillet 2021
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Mon amie et collègue, mais aussi l’une des plus éminentes personnalités de l’éducation de notre époque, Mary Hatwood Futrell, a écrit ces mots lors du décès de Nelson Mandela en 2013 : « Nous faisons une pause pour mesurer le chemin parcouru et rester concentrés sur celui qu’il nous reste à parcourir. Une chose semble certaine alors que le besoin d’équité persiste : la demande pour le progrès sera tout aussi persistante. »

Même durant les périodes les plus favorables, les enseignant·e·s en savent long sur la persistance. Cela fait un an maintenant que la COVID-19 a pris le contrôle de notre planète et, même si nous saluons les victoires sans précédent de la science, nous commençons seulement à nous rendre compte de ses limites. Lorsque l’histoire de cette pandémie sera étudiée dans les décennies à venir, les leçons à enseigner auront été écrites dans les prochains mois, sous le signe des exigences essentielles qui émergent en matière d’équité et de leadership.

Premièrement, il est essentiel de faire une « pause pour mesurer le chemin parcouru ». Un an après le début de la pandémie, la mise au point d’une multitude de vaccins témoigne du pouvoir exceptionnel de la science pour vaincre la maladie. Rappelons-nous le virus de la rougeole, isolé pour la première fois en 1954 et pour lequel un premier vaccin n’a été homologué qu’en 1963. Ou la polio, pour laquelle il aura fallu attendre vingt ans.

Mais nous avons également été les témoins du pouvoir stupéfiant de l’ignorance, cette capacité des hommes faibles qui, disposants de puissants médias au niveau national, sèment la méfiance à l’égard de la médecine et poussent au déni de la science. Trump, Bolsonaro, Magufuli resteront dans nos mémoires pour leurs mensonges et leur lâcheté, pour les quartiers et les foyers qu’ils ont vidés et les cimetières qu’ils ont remplis.

Aucun vaccin, aucune protection individuelle ni aucune réaffirmation de la vérité ne pourra nous faire oublier le bilan mortel de l’autoritarisme et de l’ignorance qu’il engendre et nourrit, comme le trop grand nombre d’individus qui, dans le monde, rejettent les vaccins. Mais nous pouvons écrire les derniers chapitres importants de l’histoire de ce coronavirus en nous engageant à devenir les « super diffuseur·euse·s » mondiaux·ales du vaccin et de la vérité.

Selon les dernières données, seuls 10 pays, parmi les plus riches de la planète, ont procédé à 75 % des vaccinations réalisées au niveau mondial, alors que près de 130 pays, soit 2,5 milliards d’individus, n’ont toujours pas administré la première dose de vaccin. Passons sur l’immoralité de ce nationalisme vaccinal et tenons-en nous à la science. Nous le savons, puisque l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) nous l’a confirmé, la propagation des variants de la COVID-19 au sein des populations non vaccinées menace également les sociétés en voie de redressement dont les populations seraient vaccinées. La pandémie sous toutes ces formes de mutation ne prendra fin pour nous que lorsqu’elle aura pris fin pour tout le monde.

Deux initiatives majeures sont en cours pour accorder la priorité à l’équité. La première est celle de l’OMS, qui a mis en place la plateforme COVAX, un programme destiné à fournir 2 milliards de doses de vaccin aux pays en développement d’ici la fin de l’année. Mais le programme COVAX est à la peine. La production ne répond pas à la demande. La seconde initiative vise à accélérer la production au niveau mondial. L’Internationale de l’Éducation et d’autres organisations font pression sur l’Organisation mondiale du commerce pour lever temporairement les obstacles liés à la propriété intellectuelle, afin de pouvoir accélérer la production des vaccins (la proposition de dérogations à l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce).

Une troisième initiative est en cours et peut être rapidement déployée par les gouvernements. Les hésitations et les attitudes de rejet vis-à-vis de la vaccination posent un problème crucial à l’heure où celle-ci se révèle indispensable. Il est urgent de donner la priorité à la vaccination de tou·te·s les adultes dans les écoles.

Les enseignant·e·s et les employé·e·s de l’éducation sont présent·e·s dans toutes les communautés du monde. La plupart des enquêtes portant sur la confiance accordée aux professions au sein de la société placent les enseignant·e·s en tête de liste, ou presque. Une multitude de possibilités nous sont offertes pour tirer parti des professions très influentes, qui enseignent la science et bénéficient de la confiance de la population, pour dissiper les mythes et démontrer que les vaccins sont efficaces.

Outre les mesures de prévention qui doivent être mises en place dans toutes les écoles, la vaccination des adultes dans les établissements scolaires, notamment les enseignant·e·s et les personnels de soutien, est essentielle pour assurer un retour permanent et en toute sécurité à l’enseignement présentiel partout dans le monde.

Il y a un an, lorsque la pandémie s’est déclarée, les éducateur·trice·s ont quitté leurs écoles pour travailler en ligne, sur les ondes, souvent sur la route (littéralement) pour apporter des manuels, des cours ou de la nourriture, s’adapter à l’apprentissage à distance par nécessité, prendre les devants pour assurer la scolarisation de millions d’élèves.

Les écoles ont manqué aux communautés, ces institutions indispensables financées par les pouvoirs publics, où travaillent des professionnel·le·s qualifié·e·s qui se dédient aux bien-être et à la mobilité sociale de leurs élèves, qui les nourrissent, les protègent. L’école a été revalorisée et reconnue comme centre de la communauté. Les élèves y apprennent à vivre et à collaborer, tout en acquérant des connaissances et en développant leur créativité pour produire, entre autres, nos scientifiques, nos chercheur·euse·s et nos travailleur·euse·s de la santé.

Donner la priorité à la vaccination des adultes dans les écoles est une force multiplicatrice pour la santé publique, qui peut nous permettre de restaurer la confiance dans les écoles publiques. Les organismes mondiaux qui soutiennent, conseillent, subventionnent et étudient les systèmes éducatifs, qu’il s’agisse de l’OMS, de l’UNESCO de l’UNICEF ou du Partenariat mondial pour l’éducation, ont recommandé de vacciner les éducateur·rice·s pour montrer qu’il·elle·s sont des membres hautement valorisé·e·s dans nos sociétés, ainsi que des acteur·trice·s/partenaires essentiel·le·s pour maintenir les systèmes éducatifs ouverts.

Nous savons qu’un grand nombre de parents ne se sentent pas à l’aise lorsqu’ils doivent envoyer leurs enfants à l’école, en présentiel. Pour que la réouverture des écoles soit bénéfique pour les élèves, il faut que les familles puissent se sentir plus en sécurité. Raison pour laquelle les gouvernements à travers le monde, y compris les États-Unis, le Mexique, l’Argentine, la Pologne, l’Indonésie, la Russie, la Serbie, l’Islande, l’Inde et bien d’autres encore, vaccinent les éducateur·trice·s et constatent des résultats positifs au sein des communautés et du personnel des écoles.

Accélérer la production et assurer une distribution équitable du vaccin sont des étapes indispensables pour endiguer la COVID-19. Vacciner prioritairement les adultes dans les écoles permettra de renforcer la crédibilité du vaccin dans chaque communauté. Cela s’appelle prendre les devants. L’an dernier, la pandémie et son cortège funèbre se sont propagés dans le monde, au même titre que les politiques toxiques. En prenant de véritables initiatives en faveur de l’équité, en offrant un modèle à la fois de justice et de vérité, nous pouvons les vaincre.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.