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Mondes de l'éducation

Istock/Franky De Meyer
Istock/Franky De Meyer

Étendre la production des vaccins au-delà de nos frontières

Publié 21 décembre 2021 Mis à jour 22 février 2022
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S’il est une chose que nous ne souhaitons plus jamais revoir, ce sont les listes d’attente dans les crématoriums. Que les morgues provisoires soient ce qu’elles doivent être, c’est-à-dire provisoires. Nous avons le pouvoir de le faire et de nous préparer à la prochaine crise sanitaire mondiale, afin de ne plus être les témoins d’un tel chaos et d’une telle destruction, en élargissant l’accès à la vaccination au-delà de nos frontières.

Les États-Unis se sont déclarés favorables à l’abandon des brevets et des autres protections liées à la propriété intellectuelle pour les vaccins contre la COVID-19, afin de permettre une extension de la production de ces doses qui pourraient sauver des vies à travers le monde. Il s’agit d’une mesure importante et audacieuse, raison pour laquelle nous demandons instamment aux autres pays riches de suivre cet exemple.

Pour l’heure, très peu de vaccins contre la COVID-19 ont été administrés dans les pays à faible revenu, en comparaison du pourcentage plus élevé dont bénéficient les pays à revenu élevé et intermédiaire supérieur.

Une honte. Mais aussi une situation contre-productive. Il suffit de se rappeler le nombre colossal d’infections qui a menacé de faire imploser le système de santé en Inde.

En tant que responsables de deux des plus grands syndicats de l’éducation dans le monde, nous sommes les premiers témoins des conséquences intellectuelles et économiques du manque d’accès de certains pays à la vaccination. Et pourtant, nous avons la solution.

Du point de vue de la profession enseignante, l’absence de mesures urgentes pour assurer une distribution équitable des vaccins dans le monde aura des répercussions catastrophiques pour toute une génération.”

Le problème réside dans l’ensemble des règles bancales de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Aussi longtemps que l’industrie pharmaceutique pourra tirer profit de la fabrication de vaccins, il n’y aura aucune motivation à permettre à tout le monde d’y accéder et de bénéficier de soins médicaux vitaux, indépendamment de facteurs géographiques ou démographiques

Pour l’heure, étant protégées par l’ADPIC, les sociétés pharmaceutiques refusent catégoriquement de divulguer la composition de leurs produits et de partager leurs outils et les résultats de leurs recherches pour accélérer la production des vaccins dans le monde. Et tout cela au nom du profit.

Nous espérons que cet leadership moral des États-Unis incitera d’autres pays à emboîter le pas et à mener des négociations textuelles constructives à l’OMC en faveur d’une dérogation à l’ADPIC. Il s’agirait d’une étape majeure dans le cadre de la lutte mondiale contre la pandémie.

Nous sommes face à un virus capable de se renouveler plus rapidement que nous, qui se moque des droits de propriété intellectuelle et qui, pour l’instant, évolue plus vite que nous, comme l’a démontré la récente apparition du variant Omicron. Les États-Unis ont accompli un excellent travail pour diffuser les vaccins, mais si nous n’accélérons pas leur production et n’équilibrons pas leur distribution entre les pays industrialisés et les pays en développement, nous perdrons la course contre les variants. Il nous faut acquérir une immunité collective partout dans le monde. La vaccination universelle est le seul moyen d’y arriver. Nous avons réussi à le faire avec la variole et sommes en passe de réussir avec la polio. Nous pouvons donc y arriver avec la COVID-19.

Mais, jusqu’à présent, certains pays riches, parmi lesquels les États membres de l’Union européenne, le Royaume-Uni et la Suisse, s’opposent à cette dérogation, au détriment du progrès mondial et de la vie humaine. Mais aucun pays n’est une île. Si les gouvernements souhaitent éradiquer cette pandémie à l’intérieur de leurs frontières, ils doivent l’éradiquer partout dans le monde. Le meilleur moyen est de considérer les vaccins comme un bien public mondial et d’immuniser le plus grand nombre de personnes possible.

Du point de vue de la profession enseignante, l’absence de mesures urgentes pour assurer une distribution équitable des vaccins dans le monde aura des répercussions catastrophiques pour toute une génération, empêchant potentiellement la reprise des cours présentiels à plein temps, un élément essentiel à l’acquisition de fondations académiques, sociales et émotionnelles solides.

Une telle situation aura également un impact à long terme sur les individus et, bien entendu, sur l’économie mondiale. Dans plusieurs régions d’Afrique du Sud, certain·e·s élèves ne se rendent à l’école qu’une seule fois par semaine, soit quatre fois par mois. Les écoles les plus pauvres ne disposent pas des infrastructures suffisantes pour garantir une distance de sécurité entre les élèves. Peu d’élèves sont donc présent·e·s dans les classes et la majorité d’entre eux·elles ne suivent pas les cours en ligne étant donné qu’il·elle·s n’ont pas la possibilité de le faire.

Aux États-Unis, où plus de 60 % de la population est vaccinée, la situation est nettement plus favorable. La grande majorité des enseignant·e·s, du personnel des écoles et des élèves ont repris les cours présentiels. Le personnel enseignant américain se veut reconnaissant envers l’administration Biden d’avoir déployé un plan de vaccination de grande envergure au niveau national et souhaite que la communauté éducative dans le monde entier puisse bénéficier d’un accès identique à la vaccination.

Malheureusement, les conséquences de cette pandémie ne semblent pas avoir suffisamment convaincu les entreprises pharmaceutiques de partager leur savoir-faire avec d’autres producteurs à travers le monde. Ces informations doivent être mises en commun. Le seul moyen d’y parvenir est d’obtenir une dérogation à l’ADPIC. En se prononçant en faveur de cette dérogation, nos propres gouvernements et les dirigeant·e·s des pays riches éviteront que la cupidité des entreprises ne prenne le pas sur la vie humaine.

C’est ce choix-là qui déterminera le cours de la pandémie et qui en dira long sur la valeur éthique de nos actes.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.