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La délégation syndicale fait pression en faveur d’une éducation inclusive de qualité pour tou·te∙s lors du Sommet mondial sur le handicap

Publié 14 avril 2025 Mis à jour 30 avril 2025

Lors du Sommet mondial sur le handicap (Global Disability Summit–GDS), la délégation de l’Internationale de l’Éducation (IE) a réaffirmé le fait que l’éducation inclusive est un droit humain fondamental et la clé de communautés prospères. Elle a défendu un modèle social du handicap : briser les barrières, pas les gens. Dans le cadre de l’initiative de l’IE « La force du public : ensemble on fait école ! », la délégation a également appelé à une augmentation des investissements pour recruter et retenir les éducateur·trice·s qui sont essentiel·le·s à la réalisation de l’éducation inclusive pour tou·te∙s.

L’ International Disability Alliance (Alliance internationale sur le handicap–IDA), le gouvernement allemand et le gouvernement jordanien ont accueilli le troisième GDS du 2 au 3 avril à Berlin, réunissant plus de 4.500 participant·e·s en provenance de 100 pays. Le Sommet a donné lieu à 800 nouveaux engagements de la part de gouvernements, d’acteurs du développement, du secteur privé et de la société civile.

Une expérience inspirante pour les syndicalistes de l’éducation du monde entier

Les représentant·e·s des organisations membres de l’IE présentes au GDS ont réfléchi à leur expérience et aux principaux enseignements tirés de leur participation.

Pour Alan Hackett de la NASUWT, au Royaume-Uni, « le Sommet mondial sur le handicap de Berlin a été une expérience qui a véritablement transformé les points de vue à l’égard du handicap. Il nous faut changer ce qui ne va pas bien sûr, mais aussi remettre en question ce que nous pensons devoir changer. Nous avons assisté à une réaffirmation de la force qu’apporte la diversité. Toutes les nations doivent choisir des voies de diversité qui promeuvent l’équité et l’inclusion par le biais de la formation et du changement. »

Ana Simoes, de la Federação Nacional de Professores (Fédération Nationale des professeur∙e∙s–FENPROF) au Portugal, a expliqué que « l’inclusion des personnes en situation de handicap constitue l’un des plus grands défis du XXIe siècle. Quelle que soit leur matière, les enseignants et enseignantes doivent bénéficier d’une formation à l’inclusivité, et l’intégration des personnes handicapées doit commencer le plus tôt possible. Les ressources humaines et les infrastructures doivent faire l’objet d’un investissement accru afin de garantir une inclusion de qualité dans les écoles. Il est essentiel de travailler ensemble, de partager les responsabilités dans l’intérêt des personnes porteuses ou non de handicap. Nous devons unir nos forces. Il est temps d’agir. Le handicap existe, là, maintenant, et les personnes concernées ne peuvent pas attendre. »

« Le Sommet mondial sur le handicap de Berlin a été un événement très fort, qui s’est déroulé dans une atmosphère de convivialité et d’entraide. On a pu comprendre tout ce qui serait réalisable si des hommes et femmes politiques responsables étaient prêts à mettre en œuvre les réglementations existantes et à allouer les ressources nécessaires. Il est clairement apparu que des améliorations ne sont possibles que si les personnes concernées et celles qui les soutiennent créent des réseaux au niveau régional, national et international en vue d’attirer l’attention sur les préoccupations des personnes gravement handicapées. Il est donc fondamental que nous continuions à être une voix forte pour les enseignants et les élèves touchés par ces difficultés. » C’est ainsi que Birgit Kowolik, de la Verband Bildung und Erziehung (Association pour l’Éducation et la Formation–VBE), a décrit son expérience au GDS.

La VBE, une organisation membre de la région européenne de l’IE, le Comité syndical européen de l’éducation (CSEE), a organisé une visite d’étude conjointe du CSEE et de la Fédération européenne des employeurs de l’éducation (EFEE) à Solingen, en Allemagne, le 5 septembre 2024. Le compte rendu vidéo de cette visite d’étude conjointe (en anglais) met en lumière les principales leçons tirées des débats à la Grundschule Böckerhof, une école primaire inclusive, et d’un groupe de discussion avec des parties prenantes allemandes du secteur de l’éducation. Ce reportage aborde les réussites et les difficultés qui jalonnent le chemin menant à une éducation inclusive.

La représentante de la Federazione Lavoratori della Conoscenza-Confederazione Generale Italiana del Lavoro (Fédération des travailleur∙euse∙s du savoir–FLC-CGIL) en Italie, Graziamaria Pistorino, a quant à elle déclaré : « Il était très important pour la FLC-CGIL d’être présente lors de ce sommet. Les différentes interventions et tables rondes ont démontré que le monde connaît actuellement une crise grave et que les inégalités s’aggravent aux dépens des personnes qui vivent avec un handicap, peut-être encore plus dans les zones de conflit. En Italie, la législation positive sur l’inclusion qui a commencé à être instaurée dans les années 1970 est attaquée par l’extrême droite. Nous avons entendu le récit de nombreuses expériences, toutes très différentes, et pourtant, nous savons qu’ensemble, nous pouvons encore faire avancer les choses. La coordination de l’Internationale de l’Éducation a été capitale. Le fait d’être ici en tant que FLC-CGIL a confirmé notre désir d’emprunter un chemin commun et de devenir plus fort ensemble. »

Mariko Takamatsu, du Syndicat des enseignant∙e∙s du Japon, le JTU, a, elle aussi, fait part de son expérience : « Ma première impression a été d’être agréablement surprise par le nombre important de personnes handicapées travaillant comme employés et bénévoles dans le monde. Lors de la conférence, la diversité des orateurs et des auditeurs était évidente. J’ai senti ce vaste espace s’unir. Les intervenants ont parlé de manière franche des défis à relever pour créer une société inclusive, conscients que même lorsque des lois sont adoptées, il faut du temps pour les faire appliquer. Les difficultés doivent être surmontées, que ce soit dans les pays développés ou dans le Sud global. À la fin d’un discours, une femme a dit avec force ‘De l’action, de l’action et encore de l’action’, et cela m’a profondément touchée. Je pense que nous avons un potentiel caché. La société japonaise ne peut pas encore être définie comme inclusive, c’est pourquoi nous devons travailler ensemble avec les gens du JTU pour intensifier nos efforts et faire du Japon un pays véritablement inclusif. »

Mme Takamatsu a d’ailleurs écrit un article pour Mondes de l’éducation avec pour titre « Soutenir les personnels en situation de handicap : l’engagement du syndicat japonais JTU pour une éducation inclusive ».

Mendy Welcome du South African Democratic Teachers Union (Syndicat démocratique des enseignant∙e∙s d’Afrique du Sud–SADTU) a fait remarquer que « notre impact et notre contribution ont principalement été influencés par les présentations qui ont été faites, en particulier d’un point de vue mondial sur les employés qui vivent avec des handicaps ou qui sont confrontés à des obstacles pour accéder aux postes et aux environnements de travail. Notre opinion est que nous devrions renforcer l’infrastructure autour des environnements de travail, en assurant un soutien au continent africain en termes d’infrastructure et de financement, en particulier pour l’éducation. Nous sommes préoccupés par les coupes budgétaires qui ont cours dans les pays africains en raison de contraintes politiques. Nous estimons en outre que le paysage éducatif doit être modifié pour mieux s’adapter aux personnes porteuses de handicap. Nous recommandons de mener une campagne sur l’enseignement public qui intègre la sensibilisation au handicap en tant que composante obligatoire. Nous invitons la campagne de l’IE La force du public : ensemble on fait école ! à aborder les questions liées au handicap dans ses plans. Nous croyons que l’Internationale de l’Éducation doit élargir sa perspective afin d’y inclure le handicap en tant que défi mondial. »

L’IE a également organisé une réunion en marge du Sommet dont l’objectif était de discuter avec ses affiliés de la situation des enseignant·e·s en situation de handicap dans leurs pays respectifs et de coordonner des actions collectives en réponse aux mesures autoritaires de l’administration Trump aux États-Unis et d’autres gouvernements conservateurs contre l’éducation inclusive et contre les personnes handicapées et leur famille.

Tout le monde a reconnu le besoin urgent de politiques éducatives inclusives qui soient en mesure de répondre aux divers besoins des éducateur·trice·s et apprenant·e·s, y compris ceux et celles en situation de handicap. En outre, l’attention a été portée sur la nécessité de soutenir les syndicats dans l’amélioration de leurs politiques et de leur langage en matière d’inclusion, de diversité et d’équité. Par ailleurs, il a été convenu de plaider en faveur d’un financement accru de l’éducation inclusive et des enseignant·e·s handicapé·e·s dans le cadre de la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! ».

Déclaration des dirigeant·e·s des principaux syndicats du secteur de l’éducation

Lors de sa 70e réunion, le Bureau exécutif de l’IE a réaffirmé le rôle central de l’éducation inclusive dans la construction de sociétés justes et équitables.

Dans sa Déclaration concernant le Sommet mondial sur le handicap, il est réaffirmé que « l’éducation inclusive est non seulement un droit humain fondamental, mais également un pilier essentiel pour le développement de communautés et de sociétés prospères. Nous estimons que ce droit n’est jamais mieux défendu que par la conception d’un modèle social du handicap, une approche selon laquelle ce sont les barrières sociétales, plutôt que les déficiences individuelles, qui mettent un frein à la pleine participation des personnes en situation de handicap. »

Le Bureau a également rappelé que le 10e Congrès mondial de l’IE avait adopté la résolution « Une nouvelle approche du handicap » qui soulignait « le besoin urgent de mettre en place des politiques éducatives inclusives qui puissent répondre aux divers besoins de l’ensemble des enseignant·e·s et apprenant·e·s, y compris ceux et celles souffrant d’un handicap. » Dans le monde, les syndicats de l’éducation jouent un rôle clé dans l’élimination des barrières, non seulement en organisant les éducateur·trice·s – y compris ceux et celles ayant un handicap – mais aussi en promouvant des politiques inclusives qui sont à la fois pertinentes et efficaces. Il s’agit de quelque chose de crucial à une époque où l’on est confronté à une pénurie mondiale d’enseignant·e·s et à des réductions de budget qui dégradent l’offre d’éducation inclusive et de programmes de soutien aux enfants handicapés et à leur famille.

Toujours dans l’esprit de la campagne de l’IE « La force du public : ensemble on fait école ! », le bureau a également demandé plus d’investissements dans l’éducation, le personnel d’appui à l’éducation et la profession enseignante afin de recruter et de retenir les enseignant·e·s essentiel·le·s à la mise en place effective d’une éducation inclusive pour tous et toutes.

Résultats du Sommet mondial sur le handicap : engagements en faveur de l’inclusion

Le troisième GDS s’est conclu par des engagements concrets en faveur de l’inclusion des personnes handicapées. Ces dernières, qui représentent 15 % de la population mondiale, soit environ 1,3 milliard de personnes, sont souvent exclues des projets de développement. En réponse à ce décalage et à la diminution de l’aide à l’inclusion, le Sommet a introduit un nouvel objectif : veiller à ce qu’au moins 15 % des projets de développement au niveau national soient spécifiquement conçus pour promouvoir l’inclusion des personnes en situation de handicap. Actuellement, seuls 6 % des projets de développement contribuent directement à cet objectif.

Cet objectif est d’ailleurs repris dans la Déclaration d’Amman et de Berlin. Avant le Sommet, cette déclaration a été communiquée à un large cercle de pays et d’institutions dans le but d’en encourager l’approbation. Cette démarche a permis d’obtenir plus de 90 approbations de gouvernements et d’organisations internationales pendant la durée de l’événement. Il sera toujours possible de l’approuver par la suite.

La ministre allemande du Développement, Svenja Schulze, a fait noter que la politique de développement ne peut réussir que si toutes les parties prenantes collaborent, soulignant que la déclaration d’Amman et de Berlin est un engagement mondial et pas uniquement une promesse des pays donateurs. Elle a insisté sur le fait que « l’inclusion véritable ne profite pas qu’aux 15 % de personnes handicapées, mais à la société dans sa globalité ».

Le Rapport mondial sur l’inclusion du handicap – Accélérer l’inclusion des personnes handicapées dans un monde divers et en mutation a également été spécialement rédigé à l’occasion du GDS 2025. Ce document donne un aperçu de la manière dont les profonds changements qui façonnent notre monde ont un impact sur la diversité des personnes porteuses de handicap et des moyens de faire face à ces changements et de favoriser l’inclusion dans tous les aspects de la vie. Il est le fruit d’une collaboration entre plusieurs agences des Nations Unies, l’ International Disability Alliance et l’ International Disability and Development Consortium et leurs membres, ainsi que le monde universitaire.